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Briser les tabous

Mahmoud Al-Wardani, Lundi, 01 août 2016

Le nouveau roman de Mohamad Abdel-Nabi, Dans la Chambre de l’araignée, fait du tapage. L’auteur a osé aborder le thème de l’homosexualité, longtemps tabou en Egypte.

Mohamad Abdel-Nabi
Mohamad Abdel-Nabi.

Depuis ses débuts au commencement du siècle dernier, le roman arabe avait écarté le thème de l’homosexualité. Et même à de rares occasions, lorsque le sujet est abordé, il est traité d’une manière péjorative, renforçant le stéréotype de l’homosexuel en tant que personne débauchée. Le lecteur peut en effet compter cet usage du stéréotype dans un certain nombre de romans arabes depuis Naguib Mahfouz jusqu’à Alaa El-Aswany. Ces romanciers arabes avaient tendance en traitant ce sujet de se soumettre à la sensibilité générale ou d’éviter catégoriquement de le mentionner. Cependant, le thème de l’homosexualité a gagné du terrain dans les médias électroniques qui abordent souvent le thème sous l’angle de la répression. La loi en Egypte incrimine indirectement l’homosexualité, accusant les homosexuels de « débauche » ou « d’immoralité », à tel point que certaines études ont suggéré que l’attirance d’une personne vers le même sexe n’est pas de sa faute, mais est due à des facteurs congénitaux et à des complexes qui remontent à l’enfance. Dans ce contexte, le nouveau roman de Mohamad Abdel-Nabi, Dans la chambre de l’araignée, aborde ce sujet d’une manière inédite dans la littérature arabe. Ce long récit dévoile l’univers clandestin des homosexuels, les traite comme de véritables êtres humains qui souffrent de la répression, de l’abus, de l’emprisonnement et du mépris. L’auteur est l’une des voix les plus remarquables parmi les jeunes romanciers. Il a écrit un nombre de recueils de nouvelles dont le plus récent a reçu le prix du meilleur recueil de nouvelles au Salon international du livre du Caire en 2015. Il a également remporté le prix Sawirès en 2013, tandis que son travail comme traducteur lui a valu le prix d’Encouragement de l’Etat en 2016.

Dans la Chambre de l’araignée

Dans son nouveau roman, Abdel-Nabi écrit une note introductive qui insiste sur le fait que ce travail est basé sur un fait réel, à savoir le raid par la police en 2001 sur un bateau de croisière cairote du nom de Queen’s Boat, dont les habitués sont accusés d’arranger des rendez-vous entre homosexuels. Plus de 50 personnes ont été arrêtées, et ont été soumises à la torture et aux mauvais traitements, sans parler de la campagne visant à les diffamer.

Dans le roman, les événements se déroulent autour du personnage fictif Hani Mahfouz, le protagoniste gay, qui a été arrêté pendant qu’il se promenait avec un ami, puis emprisonné, torturé et humilié pendant un an. Avec le reste des accusés, ils étaient inculpés de pratiquer « la débauche », puis accusés de « mépris de la religion », accusation qu’ils ont été obligés de reconnaître sous la contrainte de la police. Cette fausse accusation allègue que les accusés étaient affiliés à l’organisation fictive «Agence d’Allah Seigneur des armées sur terre » qui a soi-disant un prophète et qui tient des réunions clandestines pour tracer la mise en place d’un nouveau régime qui reconnaît l’homosexualité.

A travers le narrateur et protagoniste Hani, l’auteur révèle un monde dans un monde, celui qui est construit sur le secret et est toujours menacé de scandale potentiel et d’humiliation. L’oeuvre explore ce monde où les homosexuels sont confrontés à l’exclusion et à la discrimination.

Abdel-Nabi n’utilise pas la langue lyrique ou subtile, mais a plutôt recours à une approche franche et choquante. Il laisse les événements parler d’eux-mêmes.

L’auteur présente un travail audacieux qui explore un nouveau territoire. Il le fait d’une manière solide et sobre. Un travail qui ne passera pas inaperçu.

Fi Ghorfat Al-Ankabout (dans la chambre de l’arraignée) de Mohamad Abdel-Nabi, éditions Al-Aïn, Le Caire 2016. 348 pages.

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