
Sinoué lors de sa rencontre avec Amal Al-Sabbane
(Photo: Hassan Shawky)
Pendant deux heures, l’écrivain et romancier français, Gilbert Sinoué, a échangé nombreuses de ses idées sur la situation au Moyen-Orient et sur ses ouvrages, avec le public. Il était invité, dimanche 3 avril, par l’Institut Français d’Egypte (IFE), à l’occasion de la parution de son nouveau roman intitulé Les Cinq quartiers de la lune, publié en février 2016, aux éditions Flammarion (France). La rencontre a pris la forme d’un échange entre Gilbert Sinoué et Amal Al-Sabbane, secrétaire générale du Conseil suprême de la Culture, qui a animé la soirée. Une séance de signature a été organisée, à l’issue de cette rencontre, durant laquelle l’écrivain a continué les discussions avec le public. Les Cinq quartiers de la lune vient clore la trilogie Inch’ Allah, (Flammarion, 2010 et 2016) qui décrit l’histoire du Moyen-Orient entre 1918 et 2011. Une trilogie qui fait partie de son oeuvre d’historien. Une oeuvre qui comprend les massacres des Arméniens aussi bien que l’histoire de l’Egypte depuis l’Expédition de Bonaparte jusqu’à la révolution du 25 janvier 2011.
Selon Sinoué, pour faire un travail d’historien, « il faut prendre un recul, il faut regarder les choses avec une distance, objectivement ». Comme il l’a fait en écrivant son ouvrage intitulé L’Aigle égyptien (Tallandier, 2015), tissant une biographie de l’ancien président égyptien Gamal Abdel-Nasser. « J’ai voulu comprendre Nasser en tant qu’historien. Pourquoi il était à la fois détesté et aimé ? Comme j’ai parlé de cet homme, patriotique, passionné de l’Egypte, l’historien doit parler aussi de l’autre Nasser du Mokhabarat (services secrets), de la torture, de la défaite de 1967 ».
L’histoire du Moyen-Orient
Dans sa trilogie Le Souffle du jasmin, puis Le Cri des pierres et enfin Les Cinq quartiers de la lune, Sinoué décrit la situation au Moyen-Orient depuis 1916 jusqu’aux révolutions du Printemps arabe. « En fait, tout est parti des questions que posait le Français sur le Moyen-Orient : Comment ça se fait que cette région vit dans cette situation dramatique ? Comment ça se fait que cette région, qui aurait pu être la plus belle du monde, vit dans cette situation de pauvreté, d’analphabétisme et d’injustice sociale ? Pour répondre à ces questions, j’ai dû remonter dans l’histoire du Moyen-Orient. Je suis parti de l’accord de Sykes-Picot, qui prévoit le démantèlement de l’Empire ottoman après la guerre et le partage du monde arabe entre les deux Alliés : Les Français se réservent le Liban, la Syrie et la région de Mossoul, au nord de la Mésopotamie ; les Britanniques le reste de la Mésopotamie (Iraq) et la Transjordanie ». L’historien Gilbert Sinoué, durant son travail, a découvert que dans le discours du commandant-chef des forces britanniques, en arrivant à l’Iraq, il disait aux populations de cette région : « Je suis venu pour vous apporter la démocratie et chasser les Turcs ». « Plus de 80 ans plus tard, voilà Georges Bush qui entre en Iraq en 2003, pour dire au peuple iraqien qu’il est venu leur apporter la démocratie et chasser Saddam Hussein ! ».
C’est à travers ses talents de romancier que Sinoué raconte les faits historiques : dans le premier tome qui va de 1916 à 1956, quatre familles : israélienne, palestinienne, iraqienne et égyptienne, tentent de survivre au naufrage que l’Occident leur impose. Dans le deuxième tome, de 1956 jusqu’aux attentats du World Trade Center aux Etats-Unis (2001), c’est le Moyen-Orient qui s’enflamme. Le lecteur continue de suivre la destinée de quatre familles juive, palestinienne, iraqienne et égyptienne, qui cherchent à survivre et à conserver leur part d’humanité. Le dernier tome de cette trilogie raconte l’histoire de cette région de 2001 jusqu’aux révolutions du Printemps arabe en 2011. « Qu’ils les appellent printemps ou hiver, pour moi ce sont des révolutions. Elles ne sont que des débuts. Je pense qu’il fallait que la Tunisie ou l’Egypte passe par des moments pareils. Je pense que la leçon qu’on peut tirer de ces révolutions, c’est que les peuples n’ont plus peur. Que tout peuple a le droit de dire : ça suffit ! », indique Gilbert Sinoué, en soulignant que l’histoire est un acteur qui travaille dans les coulisses et qui ne peut être contrôlée par personne.
Gilbert Sinoué
Né au Caire en 1947, il s’est installé à Paris en 1968, après des études chez les Jésuites. Diplômé en guitare classique de l’Ecole normale de musique, Gilbert Sinoué a composé des chansons pour divers interprètes, au nombre desquels Dalida, Jean Marais, Claude François … avant de se consacrer entièrement à la littérature à l’âge de 40 ans. A ce jour, il a publié plus d’une trentaine d’ouvrages, romans, essais et biographies confondus. On peut citer entre autres : Avicenne ou la Route d’Ispahan (Gallimard, 1989), Le Livre de Saphir (Denoël, 1996), Prix des Libraires 1996, Les Silences de Dieu (Albin Michel, 2003), Grand prix de littérature policière 2004, L’Aigle égyptien, (Tallandier, 2015), et, plus récemment, une saga en trois volumes : Inch’ Allah, (Flammarion, 2010 et 2016). Sinoué a animé deux soirées à l’IFE, au Conseil suprême de la culture la semaine dernière et sera à l’accueil de ses lecteurs à la librairie Oum Al-Dounia, au centre-ville, le 7 avril.
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