8 auteurs d’âges variés et de professions diverses entre écrivains, romanciers, cinématographes, photographes et calligraphes sont les témoins de cette ville. Ayant tous vécu à Port-Saïd, chacun d’eux présente son optique basée sur une expérience personnelle et sociale. Grâce à leurs multiples souvenirs, cette ville méditerranéenne affiche ses différents aspects réunis dans l’ouvrage collectif Port-Saïd, témoignages de l’amour et de la guerre, signé Dr Zein Abdel-Hadi et Hussein Abdel-Réhim, romancier et cinématographe.
Reposant sur les souvenirs de Port-Saïdis, le livre s’ouvre sur les témoignages de la célèbre auteur originaire de Port-Saïd, Sékina Fouad. Elle fait une petite comparaison entre Port-Fouad, banlieue de Port-Saïd à la parisienne, lorsqu’elle était une enfant enchantée par les témoignages de son père, et son état aujourd’hui. Port-Fouad était alors renommé par la beauté de sa planification, ses jardins et ses villas, propriétés d’étrangers qui y travaillaient. Aujourd’hui, le désordre est le maître mot. Cela est incarné par la « maadiya », navette marine qui transporte les habitants de Port-Saïd à Port-Fouad et vice-versa. Autrefois, il existait des horaires fixes. Mais c’était autrefois. Il existait aussi sur ces embarcations des places réservées aux étrangers, différentes de celles réservées aux Egyptiens. « La discrimination y était incarnée », se souvient-elle même si ces moyens de transport étaient propres pour tout le monde.
Avis partagé par le romancier et cinématographe Hussein Abdel-Réhim, qui souligne que la ville offrait à tous un double paysage, sur le Canal et sur la mer. Les arcades au-dessus des trottoirs offraient de l’ombre à tous. Ses mosquées et ses maisons étaient décorées de mosaïques, et cela sans oublier les 30 églises de tous les cultes et les deux synagogues de la ville cosmopolite. « Port-Saïd était l’abri des Italiens, des Chypriotes, des Grecs et des juifs. Mais quand la ville est devenue une zone libre, la culture du profit a pris le dessus », retrace-t-il. « L’ouverture économique décidée par Sadate et les valeurs matérialistes ont profondément marqué la ville, creusant un fossé entre les habitants des villas et les plus défavorisés, ce qui a déformé la ville », retrace Abdel-Réhim.
Plusieurs couleurs
En outre, Port-Saïd revêt un autre aspect, esquissé par le romancier Qassem Mossaad Eleiwa. Il met l’accent sur la résistance de la ville, dans son enfance, pendant les conflits en 1956, en 1967, ainsi qu’en 1973. Le visage de Port-Saïd prend plusieurs couleurs grâce aux souvenirs du romancier. Dans son jeune âge, il aidait amis et voisins à recouvrir de peinture les noms des rues pour dérouter l’ennemi. Ils inscrivaient aussi sur les murs des slogans hostiles aux Anglais comme « Down Eden », « Nasser Forever » sans savoir qu’ils écrivaient directement sur les murs de l’église anglaise de l’apparition, « où le chef de l’armée anglaise priait chaque dimanche », retrace Eleiwa, en soulignant la naïveté des résistants de l’époque.
Les difficiles années d’occupation étrangère vécues par Port-Saïd étaient toutefois des années pleines de vivacité. « Les citoyens résistaient par les anecdotes, les danses et les chants sur les rythmes de la semsemya, un instrument de musique folklorique. A cet âge, le jeune Qassem Mossaad Eleiwa avait terminé son service militaire et avait préféré revenir dans sa ville natale pour la servir. C’était le début de la guerre de 1973, la guerre de la victoire », selon les Port-Saïdis. A l’hôpital, il travaillait avec sa soeur et sa fiancée pour remettre aux autorités les équipements des blessés de guerre. Là, il a entendu des milliers d’histoires sur la cruauté de la guerre. Il a regroupé ces récits dans un roman intitulé Dans l’hôpital. Pour lui, Port-Saïd est la ville de la résistance par excellence qui aura créé un élan créatif et artistique.
Port-Saïd, chéhadat al-hob wal harb, dirigé par Zein Abdel-Hadi et Hussein Abdel-Réhim, aux éditions de l’Organisme des palais de la culture, 2013.
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