Agrégé de grammaire et docteur ès lettres, André Miquel a enseigné pendant de nombreuses années la langue et la littérature arabe classique au Collège de France, dont il a été l¹administrateur général, après avoir été celui de la Bibliothèque nationale. Il a consacré de nombreux ouvrages au monde musulman et traduit de grands textes classiques arabes. Au début de sa carrière, il commence par apprendre le persan, à l’Ecole normale supérieure, mais il n’y a qu’une seule chaire de persan en France, déjà réservée à un autre. Alors, il consent à faire des études d’arabe et il part vers l’Orient en rêvant de déserts, de palmiers, de villes de cartes postales ! Entretemps, son maître, Régis Blachère, orientaliste français de renom, lui confie la traduction du célèbre livre de fables Kalila et Dimna d’Ibn- Al-Muqaffaa. Mais sans l’agrégation d’arabe, il lui était difficile de repartir au Caire ou à Damas. Il travaille donc comme professeur de lycée à Clermont-Ferrand pendant un temps, avant de travailler à la direction des affaires culturelles du Quai d’Orsay pour l’Afrique et l’Asie.
Il avait déjà rédigé sa thèse sur Al- Mouqaddasi, La géographie humaine du monde musulman jusqu’au milieu du XIe siècle, lorsqu’il a décidé de partir pour Le Caire. A l’époque, il n’envisageait pas du tout d’être universitaire, mais comptait faire une carrière diplomatique. Cependant, les choses ont tourné autrement.
Il arrive en Egypte en 1961 dans la foulée de l’expédition de Suez et en plein nationalisme nassérien, un accord avait finalement été passé entre la France et l’Egypte à Zurich. Il prévoyait non pas de rétablir les relations diplomatiques, mais l’installation d’une mission pour gérer les biens nationalisés et s’occuper de la réouverture des établissements culturels comme l’Institut d’archéologie du Caire et la Commission des biens français. Il n’y avait pas d’ambassade, pas de relations diplomatiques.
Au Caire, il est arrêté après que la Syrie a fait sécession de la République arabe unie, et est accusé d’espionnage au profit d’une puissance étrangère, de complot pour renverser le régime et tentative d’assassinat de Nasser. Il reste cinq mois en prison, au secret absolu, une expérience qu’il a retracée en 1964 dans son livre Le Repas du soir (Flammarion). C’est durant ce séjour en prison qu’il découvre définitivement la foi et comprend qu’il vaut mieux être érudit ou chercheur que diplomate, à condition de ne jamais cesser d’écrire, pour être compris. Depuis, il s’est attelé à traduire les plus beaux textes arabes, en prose ou en poésie, livrés par des poètes, des chroniqueurs, des conteurs et des géographes.
Il a tenté d’aller vers une civilisation qui avait ses propres manières de vivre, sa propre histoire, dans le but d’apprendre ce que l’on pouvait partager, croyant que « chaque civilisation comporte un jardin clos au sein duquel on peut être reçu en visiteur, mais qu’on ne peut pas partager. Autour, il y a cependant d’autres vergers qui ne demandent qu’à vous recevoir ».
Un homme modéré
Miquel essaye de montrer, à travers le face-à-face de l’islam et de la chrétienté, que l’islam est une civilisation qui, avant l’an mille, avait des atouts que l’Occident, si tant est qu’il a existé, ne possédait pas. Une civilisation qui tolérait sur son territoire d’autres religions. Certes, elle soumettait leurs pratiquants à l’impôt, mais ils étaient respectés dans leurs croyances et même défendus contre les agressions.
Cette tolérance était pour lui admirable sans doute, mais aujourd’hui, répétait-il, l’ère de la tolérance est révolue. « Parce que la tolérance est un droit octroyé par un pouvoir, tandis qu’aujourd’hui, on voudrait la fraternité, la compréhension, de la concorde. Ce n’est pas un terme péjoratif, la tolérance. Mais aujourd’hui, je le trouve gênant. Je ne veux pas me contenter de tolérer, j’ai à comprendre et à exiger d’être compris en retour », a-t-il dit dans un entretien accordé au politologue Antoine Sfeir, dans Les Cahiers d’Orient, en 2014. Cela dit, il refusait toute démarche d’assistanat envers le monde arabo-musulman, la jugeant plutôt condescendante et reprenant le schéma de domination.
La maison d’édition Sindbad a notamment publié quelques-unes de ses oeuvres, telles que Du désert d’Arabie aux jardins d’Espagne (anthologie poétique, 1999), L’Amour poème (choix de poésies de Majnûn, 3e édition, 1998), Majnûn, le Fou de Layla (traduction et présentation du diwan de Majnûn, 2003), ainsi que Les Arabes et l’amour, en collaboration avec Hamdane Hadjadji (Actes Sud, 1999).
Lien court: