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Mémoires d’un homme, mémoires d’un pays

Rasha Hanafy, Mardi, 19 octobre 2021

Témoin et acteur de l’histoire contemporaine de l’Egypte, l’écrivain Mohamed Salmawy mêle à la perfection le personnel au public dans le 2e volume de ses mémoires Al-Asf wal Rayhane (ce qui s’en va et ce qui persiste).

Mémoires d’un homme, mémoires d’un pays
Le célèbre chanteur français originaire d’Alexandrie Georges Moustaki, l’actrice française Lydie Dénier et le metteur en scène américain Kevin Mayer en présence d’Ibrahim Nafie, PDG de la Fondation Al-Ahram, Mohamed Salmawy, rédacteur en chef d’Al-Ahram Hebdo, et l’équipe de rédaction lors de la fête de lancement du journal en 1994.

En ce qui concerne les droits, il est courageux et ferme. Contre l’ouverture économique de l’ère de Sadate, contre le traité de Camp David, contre les forces obscurantistes, contre la corruption et la succession pendant l’ère Moubarak. Pour les droits palestiniens et pour la liberté. Il possède de remarquables capacités d’organisation et de réalisation dans tous les postes occupés, ainsi qu’une mentalité organisée et pleine d’initiatives. C’est ce qu’on peut déduire en lisant le second volume des mémoires du célèbre écrivain, journaliste et dramaturge égyptien, Mohamed Salmawy, publié aux éditions Al-Karma. Ce volume est intitulé Al-Asf wal Rayhane. Salmawy avait déclaré dans un entretien accordé à l’Hebdo (juillet 2021) que « c’est un titre tiré du Coran et assez difficile à traduire. Le premier terme, Asf, veut dire quand on passe au crible les graines, les résidus s’en vont, emportés par le vent, comme les choses vaines de la vie. Rayhane, le basilic, cette plante odorante, représente l’ensemble des principes qui, comme le parfum de la plante, persistent même après que la plante s’en va. Donc c’est la récolte de la vie, avec tout ce qu’elle possède de précieux et de minable ».

Mémoires d’un homme, mémoires d’un pays

L’histoire n’est pas uniquement politique, mais aussi socioculturelle. Dans ce volume, Salmawy fait le lien entre les événements de sa vie personnelle et les grands événements nationaux qui ont façonné l’histoire de l’Egypte dans la période allant de l’assassinat du président Sadate en 1981, puis l’ère Moubarak, la Révolution du 25 Janvier 2011, la montée et la chute du règne des Frères musulmans et finalement, l’adoption de la Constitution de 2014, dont Salmawy a participé à la rédaction et a été le porte-parole officiel du comité des cinquante, qui a rédigé les articles. Salmawy raconte les coulisses de ses batailles avec la censure autour des représentations théâtrales de ses pièces et les affrontements houleux qui ont eu lieu dans les séances à huis clos de la commission constitutionnelle.

Les différents postes qu’il a occupés lui ont permis d’interagir aux niveaux politique, culturel et journalistique. Ses connaissances se sont élargies pour comprendre des personnalités égyptiennes et étrangères de renommée, telles que le roi de Suède, le président du Portugal, l’écrivain Arthur Miller, la princesse britannique Margaret, l’écrivain égyptien Abdel-Rahman Al-Charqawi, Ossama Al-Baz, ancien conseiller politique de l’ère Moubarak, et l’écrivain et critique littéraire Alfred Farag, entre autres.

Le livre est doté de références qui assurent la crédibilité des faits racontés, comme un document écrit, une coupure de presse ou l’une des rares photos des archives personnelles de l’écrivain. Salmawy n’a pas manqué de raconter les coulisses de la bureaucratie du travail gouvernemental, puisqu’il était sous-secrétaire pour les relations internationales auprès du ministère de la Culture. Il a révélé aussi, dans son livre, les conflits qui ont fait rage après que Naguib Mahfouz avait remporté le prix Nobel de littérature en 1988. Jusqu’à ce qu’il ait quitté ses postes et se soit retiré dans sa résidence de Dahchour, à quelques 40 kilomètres au sud-ouest du Caire, pour se consacrer à l’écriture et à la lecture.

L’intellectuel engagé

Intellectuel, mais aussi engagé. L’écrivain était soucieux de défendre ses principes jusqu’au bout, comme sa position virulente contre l’invasion américaine à l’Iraq et contre l’échec et la faiblesse des Arabes. Dans son livre, on peut lire un poème qu’il avait écrit à l’occasion …

Mémoires d’un homme, mémoires d’un pays
Naguib Mahfouz et Salmawy.

Salmawy n’a pas hésité à déposer une plainte devant le procureur général concernant l’incendie du théâtre de Béni-Soueif de 2005, alors qu’il était un ami proche de Farouk Hosni, ministre de la Culture à l’époque. Il a eu le courage de demander au roi d’Arabie saoudite de revoir la condamnation à mort d’un poète, de demander au président Sissi de gracier l’activiste politique Ahmad Doma, de témoigner devant le Parquet en faveur du romancier Ahmad Nagui, accusé d’incitation à la débauche. Il a également refusé de rester membre au conseil consultatif, formé à l’époque du Conseil militaire, se sentant inutile.

Parmi les chapitres importants, celui consacré aux événements qui ont suivi la Révolution de Janvier : le comité des cinquante, le rôle américain dans la montée des Frères musulmans et la lutte pour créer un Etat civil.

Plus que des mémoires, c’est un ouvrage témoignage d’une partie de l’histoire contemporaine et souvent controversée du pays.

Al-Asf wal Rayhane (ce qui s’en va et ce qui persiste), Mohamed Salmawy, éditions Al-Karma, 2021, 415 pages.

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