Jeudi, 28 mars 2024
Al-Ahram Hebdo > Livres >

Le réalisme magique à l’égyptienne

Rasha Hanafy, Mardi, 18 mai 2021

Le roman Gabal Al-Magazat (le mont des métaphores) d’Ahmad Kamel a remporté le prix Yéhia Haqqi. Il nous plonge dans un monde où le fantastique se mêle au quotidien des villages égyptiens.

Le réalisme magique

Le roman de l’écrivain Ahmad Kamel a été sélectionné par le jury du prix Yéhia Haqqi parmi 130 ouvrages, dont 5 seulement ont été retenus sur la Short List, mi-mars dernier. Le roman a remporté la première place et 150000 L.E. Le prix Yéhia Haqqi récompense les jeunes écrivains égyptiens (moins de 40 ans). Le prix a été créé en septembre 2020, à la mémoire de l’éminent romancier et conteur égyptien Yéhia Haqqi (1905-1992), dans le cadre d’un partenariat entre l’Association culturelle des Jésuites du Caire (Annahda) et l’Alliance des Egyptiens en Amérique du Nord et au Canada.

Ainsi, Gabal Al-Magazat (le mont des métaphores), publié en 2018 aux éditions Sard et Mamdouh Edwan, a décroché le premier prix de ce nouveau concours littéraire, dont le montant s’élève à 150000 L.E. Son auteur se sert des composantes de la nature afin d’évoquer l’impuissance de l’Homme et sa soumission, mêlant la réalité au mythe.

Ainsi, un événement qui se déroule dans la rue se confond avec la légende, loin de toute logique humaine et des convictions sociales. L’objectif de l’écrivain Ahmad Kamel, également poète, est de mettre en lumière la faiblesse humaine face au destin. D’où l’avis du jury qui a précisé: « C’est un roman exotique, inspiré du réalisme magique (ndlr: courant littéraire qui insère des éléments magiques et des motifs surnaturels dans des situations se rattachant à un cadre historique, culturel et géographique avéré), tout en lui conférant un cachet spécial. Car l’écrivain se sert des contes, des mythes, de l’héritage folklorique et religieux, du jargon mystique, pour dessiner un monde de grandes richesses et diversité, dans un langage doux et un style fluide ». L’Homme, la faune, la flore et les corps solides vivent tous dans un même univers et constituent des mondes parallèles, dont les secrets nous invitent à les explorer.

Le monde rural de l’Egypte

Le roman se déroule dans la campagne égyptienne, où s’imbriquent des histoires d’êtres humains qui se transforment en animaux, en créatures dotées de pouvoirs surnaturels et d’autres qui se nourrissent de la boue. Le début du texte expose un vaste paysage désertique où une personne s’attaque à un petit village lointain, Ghazala, symbole de la faiblesse humaine.

Les femmes, les hommes et les enfants de ce village sont martyrisés, et la tyrannie de ces troupes de palmiers s’étend jusqu’aux pierres tombales et cadavres des morts. Contrairement à toute attente, le romancier n’évoque pas l’avenir du village après sa destruction massive, mais il fait un flash-back, décrivant des scènes chargées de souvenirs et de nostalgie.

La cruauté, l’humiliation, la peur, le rêve, l’espoir, l’impuissance et le silence sont des mots-clés qui aident à comprendre les actions et les réactions des personnages. Les éléments du fantastique dans le roman sont inspirés du folklore égyptien, du vocabulaire mystique issu de la sagesse populaire, de la superstition et des croyances religieuses (magie, acte de sorcellerie, esprits et personnages qui possèdent des facultés spéciales...), d’où les métaphores que désigne le titre du roman.

Les cheikhs ont des ailes, les derviches et les vieillards ont leurs miracles et les femmes pieuses ont la capacité de soigner les malades. Les personnages du roman souffrent parce qu’ils n’arrivent pas à saisir les faits bizarres qui se déroulent dans leurs villages. Leur souffrance se transforme en oppression et misère. Ils deviennent cruels envers eux-mêmes et envers les autres. C’est cette cruauté qui a poussé l’un des personnages principaux à se venger du village, qui l’a humilié, en se servant des palmiers (Faouzi).

Ce roman mêle des aspects fantastiques à des faits de tous les jours, d’où la ressemblance avec les oeuvres appartenant au réalisme magique; l’ensemble est marqué par les mythes ruraux et mystiques, propres à l’Egypte.

Ainsi, Gabal Al-Magazate (le mont des métaphores) soulève de nombreuses questions sur la réalité du monde dans lequel nous vivons: sommes-nous conscients de toutes ses dimensions ? Pouvons-nous percer ses couches extérieures ? C’est un roman sur ce qui se cache au-delà des événements de tous les jours l

Gabal Al-Magazate (le mont des métaphores), d’Ahmad Kamel, aux éditions Sard et Mamdouh Edwan, 2018, 282 pages.

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique