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Le plaisir des bons moments

Soheir Fahmi, Dimanche, 14 mars 2021

Dans son nouveau livre, Al-Ayam Al-Hélwa Faqatte (les beaux joursuniquement), l’écrivain Ibrahim Abdel-Méguid raconte de manière drôle les bons moments d’un temps révolu.

Le plaisir des bons moments

C’est un livre écrit avec joie et qui com­munique un sentiment de gaieté et de légèreté de vivre. Ibrahim Abdel-Méguid est un romancier qui a signé plusieurs ouvrages à sa manière bien à lui, et qui touche à de nom­breuses sphères de la société. Son avant-dernier livre était un essai qui s’atta­quait au monde de l’écriture et de la créativité. Et dans son dernier livre en date Al-Ayam Al-Hélwa Faqatte (les beaux jours… uniquement), il relate ces moments où malgré les embûches et les difficultés, les diverses situations se termi­nent par une petite phrase : « Nous avons bien ri ». C’est aussi simple que cela puisse paraître. Il évoque un monde où les gens pouvaient encore se moquer d’eux-mêmes et des autres, dans une certaine insouciance de l’être. Et Ibrahim Abdel-Méguid, en ces moments de confinement, s’abreuve de ses souvenirs pour rire et nous faire rire de ce passé auquel il tient de toutes les forces et les faiblesses de notre présent. Les nombreux protagonistes de ces jours heureux qu’il décrit ne sont plus ou sont gravement malades. Mais attention, le temps n’est pas aux larmes, mais à ces rires et mêmes ces fous rires qui abondent tout au long de ce livre.

Abdel-Méguid, pour ceux qui le connaissent, est un grand enfant qui aime jouer des tours à ses amis, malicieux et coquin; le rire reste son seul refuge. Dans ce livre, il a voulu écrire une autobiographie en omettant les mauvais moments de la vie, les haines et les rancoeurs des uns et des autres. Il nous présente, bien loin des états d’âme et des analyses de soi et des autres, un livre truffé de petites anecdotes. Et ce, à travers un récit chronolo­gique dressant son parcours professionnel, en tant que fonctionnaire à Alexandrie, diplômé d’un institut tech­nique en électricité et tra­vaillant dans une grande boîte alexandrine. Ensuite, après une licence en lettres, il a travaillé comme fonc­tionnaire dans plusieurs lieux culturels, au sein du ministère de la Culture, alors que son seul et unique rêve était toujours l’écriture, d’ailleurs, il le reste encore. L’écrivain a connu de nom­breuses personnes sur qui il relate des anecdotes succulentes, mais celles qui restent les plus juteuses sont celles abordant les intellectuels.

Il rit, nous rions, mais à travers ses va-et-vient, c’est le monde de la culture qu’il dévoile ; il replace bien des êtres dans un contexte nou­veau, leur attribuant une aura qu’il juge plus équitable. C’est le cas par exemple de Samir Sarhan, responsable de l’édition publique pen­dant longtemps et proche des cercles du pou­voir.

Le paysage culturel

L’auteur raconte des querelles, des contro­verses, des partis pris, des luttes pour le pouvoir, mais il termine toujours avec légèreté. Il a un regard tellement habitué à ce monde qu’il ne voit pas combien son récit est poignant. Ou le sait-il trop bien et s’en cache-t-il avec sa malice habituelle sous les dehors du rire? Cela concerne certes le paysage politique et culturel. Toutefois, lui, comme il se l’est promis à lui-même, essaye de ne pas raconter ses mauvaises expériences, même si cela lui échappe quelquefois.

Ensuite très vite, il s’en morfond et revient à la case de départ. Il tient alors ses promesses et nous séduit encore et encore avec cet humour qui ne tarit pas. Il continue à raconter ces his­toires qui ne manquent pas de piquant, comme celle du jeune écrivain qui venait souvent le voir avec une serviette pleine à craquer de livres et qui se plaignait tout le temps qu’on lui volait ses idées, avant même de les écrire. Ce dernier fai­sait sortir le manuscrit d’un roman et très vite, on voyait que c’était très mauvais. Par gen­tillesse, Ibrahim Abdel-Méguid l’informait qu’on ne publiait pas en ce moment de romans, alors le jeune écrivaillon ressortait de sa sacoche un recueil de poésie. Et ainsi de suite, tous les genres défilaient.

D’autres fois, il raconte des histoires qu’il a eues avec des amis, dont notamment celui qu’il aime tant et qui vient de disparaître, à savoir Saïd Al-Kafraoui. Egalement un grand écrivain à qui Abdel-Méguid a dédicacé ce livre. Il raconte que lors d’un voyage avec d’autres écri­vains dans un très beau château dans une pro­vince française, tout se passe à merveille, mais le dernier soir, tout le monde quitte les lieux, sauf lui qui a été obligé de passer la nuit tout seul. Il s’ennuie et surtout il a peur, alors il télé­phone à son ami au Caire, Saïd Al-Kafraoui, et fait semblant de parler à de différentes femmes et de bien s’amuser.

Ainsi, il n’arrête pas de nous faire sourire avec ses histoires interminables. Et ce, sans parler des balades jusqu’au petit matin dans les rues du Caire et des assemblées sur les cafés où les plaisanteries ne tarissent pas. Même si l’auteur semble regretter un peu sa vie d’autrefois, cela n’empêche que les souve­nirs et les bons moments écoulés lui réchauffent le coeur. Et ils le feront pour bien longtemps .

Al-Ayam Al-Hélwa Faqatte (les beaux jours … uniquement) d’Ibrahim Abdel-Méguid, aux édi­tions Beit Al-Yasmine, 2020, 240 pages.

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