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Authentiquement Egyptiens

May Sélim, Mardi, 27 janvier 2015

Pour fêter ses 20 ans, la galerie Karim Francis a choisi d’exposer des oeuvres de deux pionniers de l’art plas­tique contemporain. Le sculpteur Abdel-Badie Abdel-Hay et le peintre Hamed Abdallah donnent un aspect très égyptien à la célébration.

Fellahin, par Hamed Abdallah
Fellahin, par Hamed Abdallah. (Photo:Bassam Al-Zoghby)

S’attacher à la terre, au monde rural, c’est le dénominateur com­mun des oeuvres des deux pionniers de l’art contem­porain : le sculpteur Abdel-Badie Abdel-Hay (1916-2004) et le peintre Hamed Abdallah (1917-1985). La galerie Karim Francis, qui avait suspendu ses activités pendant plus de 4 ans, a décidé de célébrer son 20e anniversaire, en leur consacrant une nouvelle exposition. La plupart des sculptures de Abdel-Hay et des peintures de Abdallah sélectionnées par la galerie remontent aux années 1940 et 50 et ont un cachet purement égyptien. Elles sont plus ou moins représentatrices des artistes autodidactes appar­tenant à la même génération.

Abdel-Badie taillait la pierre, comme il travaillait le bronze et le plâtre, pour éterniser des figures qu’il croisait tous les jours. Les ciseaux et le marteau ont longuement constitué ses outils d’expression favoris. Frustré par l’injustice sociale sous l’occupa­tion britannique, il montrait souvent des personnages de son entourage, des gens ordinaires et des citoyens lamb­da. Après la Révolution de Juillet 1952, il multipliait les oeuvres et les prix. Il suivait des cours libres aux beaux-arts et s’affirmait comme un disciple du fameux sculpteur Mahmoud Mokhtar (1891-1934). Il a reçu le prestigieux prix de Mokhtar en 1943, 1944 et 1945. En 1951, il a reçu une bourse de résidence aux ateliers de Louqsor où il a sculpté son fameux portrait Le Garçon de Louqsor. Ce portrait en bronze de couleur noire revêt les détails innocents du visage d’un enfant de la Haute-Egypte. Un turban sur la tête, son regard évoque un côté fier et vaillant.

Le Garçon de Louqsor, par Abdel-Hay.
Le Garçon de Louqsor, par Abdel-Hay. (Photo: Bassam Al-Zoghby)

Toujours avec autant de subtilité, Abdel-Badie a célébré la femme, sur­tout la villageoise qui a de tout temps travaillé dans les champs. Il met en relief la beauté de son corps à travers des pièces, telles La Porteuse de la jarre ou Celle qui a la main à la pâte. Son autoportrait est celui d’un homme du Sud, d’un air sérieux. En fait, le style figuratif de Abdel-Badie capte des moments-clés dans la vie des gens ; il maintient les proportions classiques et s’intéresse aux minu­tieux détails du corps.

L’attachement à la terre
Les peintures de Hamed Abdallah répondent en quelque sorte à ces sculptures. C’est comme si elles dia­loguaient entre elles sur la vie rurale d’autrefois. Abdallah, en exil pour plus de 20 ans en France, est resté très attaché à son Egypte natale. Originaire de Sohag (en Haute-Egypte), il a travaillé la terre avec ses parents paysans. « De cette enfance, notre père a toujours été attaché à la terre, très présente dans son oeuvre. Il avait un profond res­pect pour ceux qui la travaillent … », explique son fils Samir, dans l’ou­vrage monographique sur le peintre « L’OEil de l’esprit », paru l’an der­nier, en arabe et en français.

Dans les toiles exposées, Hamed Abdallah donnait naissance à des personnages d’une Egypte en pleine mutation, celle des années 1950. Il variait les formes et les matériaux évoquant le monde radieux de la campagne.

Ses peintures, représentant des êtres pauvres, de simples paysans où des visages abstraits entachés de couleurs portent en elles une lueur d’espoir, un certain élan. L’artiste trouvait en ces paysans un côté libé­rateur et les montrait comme des enfants qui jouaient : des vieux amis, une villageoise au regard déterminé, etc.

En renonçant aux règles des grandes écoles artistiques, il a réussi à se créer un style qui lui est propre, multipliant l’expérimentation. Son oeuvre varie entre lithographies, aquarelles, gouaches … Et ses toiles mélangent parfois cartons, papiers de soie froissés et autres. « Je peins la nature non comme elle est, mais comme je la conçois ». Tel fut l’adage du peintre.

Les visages et les corps des Egyptiens se poursuivent dans cette exposition. Simples, studieux, spon­tanés et beaux, ces personnages nous incitent à fouiller au fond de nous-mêmes et à la recherche de nos ori­gines. Un appel de revenir aux sources.

Jusqu’au 19 février à la galerie Karim Francis. De 16h à 20h (sauf les vendre­dis et samedis). 1, rue Al-Chérifein, centre-ville. Tél. : 01096712888.

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