Jeudi, 28 mars 2024
Al-Ahram Hebdo > Arts >

Allégorie du monde contemporain

Yasser Moheb, Mardi, 25 novembre 2014

Le film italien Human Capital (les opportunistes) de Paolo Virzi, donné à l’ouverture du Panorama, aborde le matérialisme dans tous ses états.

Allégorie du monde contemporain

Human Capital est l’adaptation d’un roman américain éponyme de Stephen Amidon, dont l’action se passe dans l’une des banlieues chic de New York. Le réalisateur Paolo Virzi déplace l’action à Brianza, en Italie, pour raconter l’histoire de deux familles qui vont voir leur destin changer durement, à la suite d’un accident avec un cycliste renversé par une Jeep, une soirée d’hiver.

Avec ce cycliste, le début du film peut laisser penser que la suite va s’attarder principalement sur l’enquête policière qui va s’enchaîner. En fait, cet accident n’est qu’un prétexte pour parler avant tout de l’Italie d’aujourd’hui, des différences de classe, de la crise économique, de l’ambition parfois déroutée, du déclin de la culture et des valeurs sociales dans le monde actuel. L’incident n’existe donc que pour révéler la complexité des personnages. Il est le prétexte d’une radiographie pénétrante de la haute société italienne, à l’heure de la mondialisation économique. C’est également l’inculpation d’un capitalisme qui mise sur l’effondrement de ce pays pour en tirer profit. C’est là qu’on peut voir le personnage de Valéria Bruni Tedeschi qui dit à son mari richissime : «Vous avez misé sur la faillite du pays, et vous avez gagné ! ».

Le principe peut paraître plus ou moins usé, mais le cinéaste italien a su l’utiliser avec adresse. Le scénario, habilement construit selon trois chapitres, prend tour à tour plusieurs points de vue, répétant les mêmes scènes sous différents angles. On suit dans le premier chapitre Dino, l’agent immobilier blagueur, un parvenu prêt à accepter les marchés les plus risqués pour sortir de sa condition. Le deuxième sur Carla, l’épouse de Giovanni, une femme dont le théâtre et ceux qui le font sont la principale préoccupation, et le troisième sur Serena, fille de Dino, à travers laquelle tout se dévoile à la fin. La fin se situe quelques mois plus tard, de manière assez sobre pour une telle trame. Le coupable est en prison, et la somme de 218 976 euros doit être remboursée par le conducteur de la voiture à la famille du cycliste décédé. Cette somme correspond à ce qui est appelé le « capital humain », calculé par les assurances sur la base de l’espérance de vie, du revenu éventuel, du nombre et de la qualité des relations émotionnelles du décédé.

Malgré ces personnages archétypaux sur le papier, Paolo Virzi a bien réussi à leur donner vie, grâce au talent de ses interprètes qui évitent de les enfermer dans des caricatures stériles. Grâce à ces comédiens plus vrais que spontanés, le film nous plonge dans un univers brut et véritable. Le comique de situation est, malgré tout, là pour détendre l’atmosphère dès le début, sauf avec les quelques scènes finales, baignant dans un mélodrame plus ou moins excessif. Le cinéaste conduit son récit comme un thriller en dévoilant progressivement les clés d’une intrigue qui va nous conduire à la recherche de ce qui s’est vraiment passé .

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique