
Segn al-nessa (la prison des femmes).
C’est le tandem des grands records. Un an après le succès du feuilleton Zat, Kamla Abou-Zikri et Tamer Karawan travaillent à nouveau ensemble dans Segn al-nessa (la prison des femmes). Le ciment de cette union ? Une grande sensibilité et connaissance de la musique, et surtout une même conception de ce qu’elle doit apporter à l’image. Toujours sur un scénario signé Mariam Naoum, ce duo artistique plonge dans le monde des femmes détenues et pénètre leur intimité. Qu’elles soient prisonnières ou emprisonnées, ces femmes changent de caractères vu les tourments de la vie. Le duo réussit de nouveau à franchir les frontières du visuel pour aller plus loin dans l’imaginaire.
« Une bande sonore réussie est certes un travail colossal nécessitant sensibilité et analyse. En parfaite relation avec l’univers de l’oeuvre artistique, ses forces, ses faiblesses et la moindre interprétation artistique, le compositeur travaille main dans la main avec le réalisateur », explique Tamer Karawan.
Mais comment était son second rendez-vous avec la réalisatrice ? « Avec Kamla, tout est une question de sentiments et d’expressions. Ses oeuvres sont très émotionnelles, très expressives. En apparence, ça part dans tous les sens humains, mais rien n’est jamais dit à la légère. Elle choisit toutes les expressions avec soin, tant pour leur intuition que pour le rythme qu’elles apportent. En fait, les rythmes musicaux sont souvent là, et à moi de les capter », ajoute-t-il.
Les mélodies où les violons et le luth sont les principaux vecteurs expriment parfois même l’inexprimable. Assumant des rôles parfois réciproques mais souvent complémentaires, ces deux instruments réputés pour leur finesse offrent aux images des airs célestes, assez romantiques. Ils servent efficacement la dimension psychologique et émotionnelle de l’oeuvre.
Dès le début, Tamer Karawan annonce le goût et la couleur de l’espace, avec un rythme de tambours, caractéristique des cérémonies populaires, désignant l’ambiance générale qui régit les événements. Les notes échangées entre les violons désignent l’état d’âme saturé, parfois même sanglant des protagonistes. On se laisse bercer par la fluidité du thème musical qui est joué plusieurs fois, mais avec toujours à l’esprit cette tension créée par les notes aiguës des violons. Un magnifique crescendo et une modification radicale de caractère nous replongent alors dans la tension du début, dans un petit interlude avant que ne revienne le thème de Ghalia, la gardienne de prison devenue du jour au lendemain prisonnière.
Insistant sur son désir d’échapper au goût populaire de l’espace fictif pour présenter le goût éloquent et noble des émotions, Karawan a en fait gagné son pari: étaler les sentiments les plus modestes dans l’emballage musical le plus touchant et le plus élégant.
Bref, l’importance de la composition de Tamer Karawan va au-delà du simple fond musical pour affirmer l’idenwtité du feuilleton. La musique est utilisée de façon complètement athématique afin de ne pas habituer les sens à des sons particuliers et de surprendre l’auditeur. Chaque morceau a donc sa propre fonction, et participe à l’intention de l’ensemble: jouer de la frontière délicate entre le réel et la fiction.
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