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Voir par la tête ou par le coeur

Névine Lameï, Mercredi, 24 août 2022

Douze plasticiens égyptiens participent à l’exposition You see me… You see me not (tu me vois… tu ne me vois pas), organisée par la galerie Easel&Camera. Des oeuvres axées sur le processus de la perception.

Voir par la tête ou par le coeur
Un Van Gogh revisité.

Qui est-ce qui voit, l’oeil ou l’esprit? L’illusion d’une réalité vaut-elle la réalité? Dans la philosophie de perception, ce sont les stimulus qui acceptent plusieurs codages, grâce à nos systèmes sensoriels, s’agit-il donc d’un réalisme direct ou indirect ? Voici autant de questions sur le monde de la perception que soulève l’exposition collective You see me… You see me not (tu me vois … tu ne me vois pas) à travers les oeuvres de 12 artistes égyptiens.

Organisée par la galerie Easel&Camera, fondée et gérée par la plasticienne Weaam El-Masry, en collaboration avec la curatrice Sahar Behairy, l’exposition se déroule jusqu’à fin septembre dans les deux branches de la galerie, celle au Club de golf de Dream Land, à la cité du 6 Octobre, et dans la station balnéaire d’Al-Gouna, sur la mer Rouge.

A cette dernière branche est exposé un chef-d’oeuvre pour chaque artiste, allant de pair avec l’ambiance estivale, alors qu’à la cité du 6 Octobre, on a préféré montrer un éventail d’oeuvres aux styles et techniques variés. «  C’est l’âme qui perçoit… Personnellement, je pense qu’on voit avec le cerveau. Nos yeux sont des caméras qui rapportent des images, des informations, les captent et les transmettent sous forme de signaux prêts à être décodés par notre cerveau. C’est là que commence tout un processus d’analyse, qui fait appel à nos diverses composantes. Notre rapport au réel est un rapport imaginaire, médiatisé à notre insu par une langue, un milieu culturel, des habitudes, un vécu, des expériences affectives, une subconscience... », souligne Weaam El-Masry, propriétaire de la galerie, qui expose elle-même neuf peintures-dessins au crayon et au fusain. Il s’agit toujours de femmes obèses, de corps fantasmés, parfois aussi déformés. « Pourquoi des taureaux? Pourquoi du sang? Pourquoi tant de colère? On me demande souvent la raison pour laquelle je peins des corps sans tête, mutilés ou dominés par l’instinct. En fait, je peins sans tabous le rapport conflictuel entre hommes et femmes », ajoute-t-elle.

La peinture en couleurs de Héba Amin, exposée à Al-Gouna, suscite également des interrogations similaires. Des corps à corps, un poisson revêtant la forme d’un crocodile. Le monde imaginaire d’Amin, inspiré de l’art asiatique, abonde de mystères et de surréalisme.


Toute la famille à vélo.

Névine Hamza, avec ses formes géométriques, joue beaucoup sur l’idée du conscient et du subconscient, deux aspects d’une même réalité, deux facettes de l’état psychique de l’être humain.

La peinture en noir et blanc de Shayma Kamel, également exposée à Al-Gouna, reprend des visages contemplatifs, en côte à côte avec des jarres et des poissons, aux couleurs de la Nubie, sa terre natale. Son travail fait l’amalgame entre l’âme et le corps, la matière et l’esprit, ce qui existe et ce qui n’existe pas.

Huit personnes à vélo

Au Club de golf, à la périphérie du Caire, la peinture de Mohamed Taman montre une danseuse du ventre, au corps musclé, flou et abstrait. Il use de sa technique habituelle, le « tamanisme » aux tons limpides, qui est le fruit d’un mélange de pigments divers. S’agit-il vraiment d’une femme ou d’un homme qui fait la danse du ventre? Marginalisé dans l’oeuvre de Taman, l’être humain risque de perdre son identité. Sur une autre peinture, gaie et ironique, exposée à Al-Gouna, Taman montre un vélo monté avec huit personnes dessus, tous membres de la même famille, en vacances au bord de la mer.

Les figures fantasmagoriques de Hanafi Mahmoud, créées à l’aide de papier froissé, donnent un effet de flou artistique. Ce flou est un peu représentatif du rapport entre réalité et virtualité.

Mohamed Bassiouny applique les couleurs par touches de pinceaux lumineuses et éclatantes. Il peint un Van Gogh découpé et reformulé, résumant sa personnalité tourmentée et instable, celle-ci est reflétée dans un miroir. C’est le miroir de la vie, avec ses multiples connotations.

Walid Taher se plaît à jouer gaîment comme d’habitude, à partir d’un assemblage d’éléments picturaux: couleurs, lignes, figures, créatures imaginaires …


Femme et taureau, de Ali Salem.

Sculptures sublimes

Le sculpteur Ali Salem, qui réside en France, exprime son amour pour les couleurs et les courbes généreuses. Il présente des oeuvres monumentales, accentuant l’abstraction des silhouettes humaines, toujours des femmes obèses dont il raffole. Et ce, à l’aide surtout de pierre et de polyester coloré. A Al-Gouna, il expose un immense taureau que monte une femme sensuelle en rouge flamboyant.

A travers ses deux statues en bronze, The Kiss (le baiser) à Al-Gouna et La luthiste au Club de golf, Hossam Al-Sayed focalise sur la parfaite cohésion entre le corps de la femme et celui de l’homme. Une intimité sujette à de nombreuses interprétations. S’agit-il d’une main qui tâtonne à la recherche de la tendresse, d’un baiser furtif qui répond aux pulsions sexuelles! A chacun de nous d’y voir ce qu’il veut.

Jusqu’à fin septembre, dans les locaux de la galerie Easel&Camera, à la cité du 6 Octobre, Club de golf de Dream Land et dans la ville d’Al-Gouna, nouvelle Marina.

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