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Salman Rushdie entre la vie et la mort

Dimanche, 14 août 2022

Victime d’une attaque au couteau, alors qu’il s’apprêtait à donner une conférence aux Etats-Unis, l’écrivain Salman Rushdie a été grièvement blessé et transporté à l’hôpital en hélicoptère. Il est placé sous assistance respiratoire.

Salman Rushdie entre la vie et la mort	 H

Trois jours avant d’être poignardé, vendredi 12 août, dans l’Etat de New York, Salman Rushdie, 75 ans, annonçait la sortie de Victory city, son quinzième livre, en février 2023. Le romancier jugeait que continuer à écrire était une forme de résistance contre le fanatisme, le totalitarisme islamiste et les tribunaux d’inquisition des temps modernes . L’auteur était menacé de mort depuis la fin des années 1980, après avoir écrit Les Versets sataniques. Il a été la cible d’une fatwa de Khomeiny en 1989, le condamnant à mort pour avoir signé un roman que l’ayatollah iranien trouvait blasphématoire. « Tous les musulmans zélés du monde sont appelés à exécuter rapidement, où qu’ils se trouvent, Salman Rushdie et ses éditeurs », avait-il dit.

Né à Bombay, en Inde, en 1947, l’auteur d’expression anglaise s'est installé pendant des années en Grande-Bretagne, et porte sa nationalité, avant de résider aux Etats-Unis depuis l'an 2000. Il a été élevé par une famille d’intellectuels musulmans non pratiquants, riche, progressiste et cultivée. Son pays natal a été l’un des premiers à interdire, en octobre 1988, Les Versets sataniques, son quatrième livre, à sa sortie en Angleterre, « pour atteinte aux sentiments religieux ». Et puis, plusieurs autres pays ont suivi. L’auteur était contraint dès lors à vivre dans la clandestinité et sous protection policière.

Rushdie est depuis considéré comme un symbole de liberté et de résistance par les uns, et comme un musulman impie, ridiculisant le prophète Mohamad et le Coran, par les autres. On prenait sa défense ou on s’attaquait à lui, selon les cas, sans forcément avoir lu ou compris ses œuvres, écrites dans un style qui n’est pas l’un des plus faciles. Cette situation le dérangeait, à long terme, car il voulait être surtout vu comme un écrivain et libre-penseur, et non pas comme un symbole. Or, la plupart des gens continuaient à le percevoir sous l’unique prisme de la fatwa.

Son agresseur, Hadi Matar, 24 ans, est un chiite d’origine libanaise, admirateur de l’ayatollah Khomeiny. Arrêté et mis en garde à vue par la police, les enquêtes préliminaires ont révélé qu’il aurait des accointances avec l’extrémisme chiite ; son acte fut salué par la presse conservatrice iranienne.

« Salman va probablement perdre un œil, les nerfs de son bras ont été sectionnés et son foie a été poignardé et est endommagé », a déclaré dans la presse internationale Andrew Wylie, l’agent de l’écrivain britannique.

Le fait d’avoir été poignardé au cou et aux nerfs du bras n’était pas sans rappeler aux Egyptiens une agression similaire qui avait ciblé le prix Nobel Naguib Mahfouz, en octobre 1995, par un extrémiste qui n’avait jamais lu un de ses livres, mais qui s’était permis de le taxer d’apostat pour avoir écrit Les Fils de la médina. Mahfouz en a souffert jusqu’à la fin de ses jours, car il était incapable de faire usage de sa main droite.

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