Après deux ans de travail assidu, l’espace culturel 6 Bab Sharq vient d’être inauguré en janvier dernier, à Alexandrie. « Nous avons tout d’abord commencé par lancer des activités en ligne et avons été suivis par 1 000 abonnés sur Facebook. Nous comptions ouvrir nos locaux à partir de 2020, mais tout a été retardé à cause de la crise inédite de coronavirus », indique Mostafa Ismaïl, cinéaste et photographe, qui s’occupe de la programmation. 6 Bab Sharq est une initiative de l’Institut Goethe d’Alexandrie, qui date de novembre 2019, et laquelle est financée par le ministère fédéral allemand des Affaires étrangères. Situé dans le sous-sol d’un ancien immeuble des années 1920, précisément au 6 rue Ibrahim Abdel-Sayed, dans le quartier de Bab Charq, le nouvel espace tente d’opérer indépendamment de l’Institut Goethe, faisant plutôt office d’un collectif autonome géré par trois jeunes Alexandrins, à savoir Mostafa Ismaïl, Salsabil Salah et Mutaz Sobhy. Ces derniers ont été sélectionnés parmi 12 autres stagiaires en gestion administrative afin de prendre leur responsabilité.

La musique électronique, domaine favori de B’sarya. (Photo : Dmitrii Makhonin)
Composé de trois grandes pièces, il peut servir comme endroit de répétitions, salle de spectacles, d’expositions ou de projections, étant muni de tous les équipements nécessaires. Il dispose également d’une immense bibliothèque. Et se veut comme un foyer accueillant 150 artistes, âgés entre 18 et 35 ans, qui travaillent actuellement sur 38 projets culturels, dont le Club d’écriture, animé par une quarantaine d’écrivains professionnels.
Plusieurs ateliers d’art visuel, de photographie, de cinéma, de dessins animés et autres sont prévus en coopération avec Hazem Al-Mistekawi, Mohamad Mahdi, Marc Lotfi et d’autres. « Nous tenons à former les jeunes afin de mieux suivre la technologie numérique, mais aussi afin de maîtriser les outils traditionnels, dans tous les domaines. Par exemple, il faut savoir faire des illustrations au papier et crayon, en même temps, apprendre comment sont réalisés les films de Disney. Et puis à chacun de choisir son école », précise Mostafa Ismaïl.
Parfois, il est question d’organiser des événements en dehors de ses locaux, comme c’est le cas des concerts, tenus du 4 au 11 février, en collaboration avec l’association culturelle jordanienne Abraz, ayant regroupé le musicien égyptien Mohamad Abo Zékri et le Jordanien Ahmed Selawy. Et ce, dans le cadre du projet Folklore Bridges, au House of Arts and Culture (Dar), à Al-Darb Al-Ahmar, dans le Vieux Caire.
L’espace 6 Bab Sharq s’ajoute ainsi à d’autres initiatives privées qui ont vu le jour ces dernières années à Alexandrie, dans le but de redorer le blason de la ville côtière, comme B’sarya et la galerie Shelter. Cette dernière, située au 52 rue Fouad, au centre-ville, a élu également domicile dans le sous-sol d’un vieux bâtiment historique, ayant servi comme abri antibombe durant la Seconde Guerre mondiale.
Fondée en janvier 2020, la galerie Shelter a accueilli 38 événements, dont des expositions d’art contemporain, des ateliers de photographie, de cinéma, de danse. En ce moment, la galerie organise un atelier de photographie sur les villes et l’architecture, jusqu’au 25 février, en collaboration avec la société Sony et le photographe Abdel-Rahman Gabr.
Chacun sa spécialité
« Nous avions constaté le manque d’espaces culturels à Alexandrie, à comparer avec Le Caire, et c’est la raison pour laquelle nous avons fondé B’sarya (petits poissons, en allusion aux artistes émergents). Sans chercher à rivaliser avec d’autres endroits de la culture, nous travaillons en étroite collaboration avec nos confrères, afin de faire évoluer la scène artistique alexandrine », déclare Ahmed Nagy, cofondateur et directeur de l’espace B’sarya, créé en février 2019, au 40 rue Fouad, à la station Al-Raml. L’espace offre un mentorat aux artistes émergents, une aide financière à la production, des ateliers de formation et des résidences d’artistes.
Sur une superficie de 900 m2, s’étendent deux studios visant à héberger des plasticiens, un jamming studio pour les musiciens, muni d’équipements haut de gamme, une galerie d’art et une immense salle pour les médias nouveaux. Mais, c’est surtout la musique électronique et l’art visuel qui constituent le champ de spécialisation de B’sarya. A titre d’exemple, celui-ci a récemment accueilli une résidence d’artistes de musique électronique, en coopération avec le pionnier égyptien de l’électro Ahmed Saleh et le percussionniste néerlandais Konstantyn Napolov.
« Les jeunes apprécient tant les nouveaux médias, ceux-ci font leur bonheur et leur accordent une certaine autonomie. Or, c’est rare de trouver à Alexandrie des espaces qui les adoptent, contrairement au Caire, où il y a la remarquable plateforme Cairotronica et d’autres activités new media accueillies par le centre Medrar et le festival des arts urbains D-caf. C’est pourquoi B’sarya a voulu se concentrer sur les nouveaux médias et continuer ses activités en ligne pendant le confinement, portant surtout sur les arts numériques », explique Ahmed Nagy. Et de poursuivre: « Il y a pas mal de jeunes qui ont fait des études aux beaux-arts d’Alexandrie, nous voulons leur offrir des débouchés, au lieu qu’ils cherchent à s’installer au Caire ».
Dans cet esprit, B’sarya vient de poster sur sa page Facebook un appel pour les artistes-photographes, lesquels peuvent participer à sa prochaine exposition, intitulée Tell Your Story, du 8 mars au 8 avril. Et ce, pour célébrer la Journée mondiale de la femme, en partenariat avec l’Institut français et l’Institut Goethe d’Alexandrie .
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