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FIFC : Il était une fois, la femme …

Yasser Moheb, Lundi, 29 novembre 2021

Dans sa 43e édition, le Festival international du film du Caire présente une panoplie de films portant sur les préoccupations et les aspirations des femmes d’Orient et d’Occident. Tour d’horizon.

Belough (devenir).

A mi-chemin, déjà, du 43e Festival International du Film du Caire (FIFC), des favoris commencent à se faire connaître. Et comme chaque année, la grande fête du cinéma multiplie les temps forts, les coups de coeur et les petites histoires. Si le public a salué notamment la comédie Official Competition (compétition officielle), interprétée par la sublime Penelope Cruz, en tête d’affiche face à un Antonio Banderas en pleine forme dans le film d’ouverture de cette édition, les journalistes ont, de leur côté, eu des coups de coeur parmi les films déjà projetés. De la compétition officielle à la section Horizons du cinéma arabe, en passant par les révélations des oeuvres hors compétition, l’intérêt à la femme et ses problèmes semble être le maître-mot, à mi-parcours de cette 43e édition du FIFC.

FIFC

Attrayante sur l’écran comme sur le papier, la sélection officielle de cette cuvée 2021 tient plutôt bien ses promesses, avec une forte proportion de films de genre traduisant « l’actualité du monde moderne ». « Il y a beaucoup de films sociaux dévoilés comme films de genre », a souligné le président du festival, Mohamad Hefzi, dès le premier jour de projection.

De la Palestine, le documentaire Journaux de la rue Gabriel, signé Rachid Macharawi, vient comme l’oeuvre dont le thème est le plus tiré de l’actualité mondiale à la compétition officielle, puisque ses événements se déroulent pendant la période où les autorités françaises ont fermé leurs frontières en raison de la propagation de la pandémie de coronavirus et ont confiné leurs citoyens chez eux, tout en déployant la police dans les rues. Le réalisateur y a tourné son oeuvre alors qu›il était à Paris, sans aucune planification en tant que citoyen palestinien piégé dans l’un des plus beaux quartiers parisiens, Montmartre. L’oeuvre présente alors de journaux intimes et souvenirs à une époque qui a changé la face du monde.

Temps forts

Les différentes compétitions du festival lors de cette 43e édition témoignent d’une concurrence assez vive entre les différentes productions cinématographiques arabes, égyptiennes et internationales. Certains films devraient susciter la controverse en raison de l›audace de leurs thèmes ou de leurs styles artistiques. Parmi les temps forts de cette première semaine du festival, figure la projection du film saoudien Belough (devenir), réalisé par cinq jeunes réalisatrices: Sarah Misfir, Fatma Al-Banawi, Jawaher Al-Amri, Hind Al-Fahd et Nour Al-Amir. L’oeuvre permet à chaque réalisatrice de présenter sa propre vision cinématographique dans un cadre de coopération intense, traitant des histoires de femmes qui reflètent une véritable image de la femme moderne dans la société saoudienne contemporaine, de plus en plus ouverte sur le monde. Ces transformations abordées reflètent l›étendue de la diversité créative dont l’Arabie saoudite est témoin, d›autant plus que le film attire diverses idées et histoires.

La tendance majeure caractérisant la majorité des films de ce premier tour de cette édition du Festival du Caire est sans doute l’engagement de cette sélection 2021, résolument intéressée à la cause des femmes et aux enjeux auxquels elles font face dans le monde actuel.

Boîte de mémoire.
Boîte de mémoire.

Parmi les toutes premières projections de cette 43e cuvée, donnant un coup de projecteur sur le thème de la femme face à ses conditions et son entourage, vient le film jordanien Filles de Abdel-Rahman, réalisé par Zayd Abou-Hamdan, et qui a été sélectionné par la direction du festival pour ouvrir la section Horizons du cinéma arabe cette année, parmi une dizaine de nouvelles productions cinématographiques en provenance du monde arabe. Ayant en vedette un groupe de stars, dont notamment Saba Moubarak, les événements de ce long métrage se déroulent dans un quartier dont les habitants appartiennent tous à la classe moyenne de la capitale jordanienne, Amman. C’est là que Zeinab, une jeune célibataire, mène une vie assez dure, puisqu’elle se trouve censée travailler comme couturière locale afin de soutenir son père. Une fois, le père l’a vue accidentellement dans une robe de mariée qu›elle modifie pour son employeur, la vie de cette petite famille s’en trouve chamboulée.

Toujours, dans cette même lignée de fictions portant sur la femme, citons le film d’auteur tunisien Atyaf (spectres), signé Mehdi Hamili et traitant d’une histoire encore plus émotionnelle et délicate. Il s’agit là d’une femme mise en prison pour adultère et prostitution, ce qui pousse son fils à se sentir dévasté par le scandale, puis embourbé dans le labyrinthe de la vie nocturne tunisienne. Une fois la mère libérée, elle se lance dans la recherche de son fils un peu partout, surtout dans les rues les plus discrètes et le monde le plus violent de la Tunisie. C’est au cours de cette longue aventure à la recherche du fils disparu que la protagoniste doit saisir la réalité des changements bien nets de la société tunisienne.

Fictions arabes, entre imagination et réalité

Pas loin de ça, le film libanais Boîte de mémoire, réalisé par le tandem Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, relate l’histoire de Maya, une mère célibataire qui vit à Montréal avec sa fille adolescente Alex. La veille de Noël, elles reçoivent une cargaison inattendue, enfermant des cahiers, des cassettes et des photos que Maya envoyait autrefois à sa meilleure amie, vivant à Beyrouth dans les années 1980. Maya, elle, refuse d›ouvrir la boîte et de confronter ses souvenirs, mais sa fille Alex commence à y plonger secrètement. Entre imagination et réalité, la fille découvre peu à peu le monde de l›adolescence tumultueuse et impressionnable de sa mère pendant la guerre civile libanaise, et c’est à travers cela qu’elle découvre les mystères de son passé caché.

Filles de Abdel-Rahman.
Filles de Abdel-Rahman.

Venant également du Liban, le film Le Fleuve traite de l’histoire d’un homme et d’une femme qui, tout en étant sur le point de quitter un restaurant situé au coeur des montagnes libanaises, se trouvent secoués par le bourdonnement d’avions de chasse à basse altitude. Ainsi, ils se sont rendu compte que la guerre éclatait à nouveau. Alors que la femme est perdue, l›homme commence tout un voyage agité à la recherche de son épouse dont il n’a aucune trace.

D’autres films nagent dans ces mêmes eaux engagées, où la femme est protagoniste principale. Le film iraqien Kalchi Mako (notre fleuve… notre ciel) traite des problèmes épineux des femmes et de la violence sectaire, tout en racontant l’histoire de Sara, une mère célibataire et romancière, endurant silencieusement une série de malheurs, en raison de graves violences sectaires dont elle a été victime, et à cause du couvre-feu nocturne à Bagdad. Toutefois, elle tente de résister avec ses voisins à la fragmentation de leur monde, à la recherche d’une lueur d›espoir et de croyance en un avenir meilleur.

Le film égyptien Du Caire, réalisé par Hala Galal, ne manque pas cette tendance. Ce documentaire représentant l’Egypte dans la section Horizons du cinéma arabe aborde là, dans sa première mondiale, plusieurs problèmes des femmes égyptiennes et arabes, à travers la vie de Heba et Aya, deux jeunes femmes qui vivent seules au Caire, ce qui les conduit à prendre des décisions assez difficiles, dévorées presque toujours par la peur, au sein d’une société cairote de plus en plus énergétique.

D›Algérie, le film Héliopolis, réalisé par Jaafar Qassem, relate l’histoire d’une famille appelée Famille Zanati, vivant dans une ferme familiale au sein d’une ville dite Héliopolis, construite par les colons français juste au milieu des champs fertiles de l›est algérien. Si le père de cette famille a bien élevé ses deux fils sur les valeurs islamiques loin de compromettre la culture occidentale, il rêvait cependant de les voir un jour jouer un rôle important dans l›Algérie française en laquelle il croyait. Toutefois, le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale bouleverse cette structure fragile et révèle une Algérie plus complexe.

Chroniques de mères en détresse

Autre film traitant de la femme, le film slovaque 107 Mothers (107 mères), projeté lors de la première semaine du festival et traitant de l’histoire d’une fille nommée Lizia. Après avoir commis une offense morale, celle-ci est condamnée à sept ans de prison correctionnelle, où elle donne naissance à son premier enfant, tout en plongeant dans ce monde regroupant uniquement des femmes de tous âges: prisonnières, gardiennes, infirmières, etc.

Il rivalise durement avec le film italien Small Body (petit corps), réalisé par Laura Samani, dont l’histoire se déroule dans l’Italie des années 1900. Il s’agit d’une enfant née morte, toutefois sa famille entend parler d›un endroit, dans les montagnes, où les enfants peuvent être ramenés à la vie une seule fois pour le baptême! Lors d›un voyage avec le cadavre de sa fille cachée dans une boîte, la mère de la famille rencontre un garçon qui lui propose de l’aider. Tous deux, ils se lancent dans une aventure qui leur permettra d›aborder un miracle apparemment impossible.

Bref, c’est au travers de ces sujets forts et variés, tels le monde professionnel, l›éducation, le mariage forcé, l’histoire ou même le sport, que les cinéastes participant à cette édition du FIFC ont pu exprimer leur sensibilité et leur engagement en faveur de la cause des femmes. Rendez-vous avec quelques-uns d’eux peut-être dans le palmarès !

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