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S’inspirer du chaos

Nadine Abdel Hamid, Mardi, 09 novembre 2021

L’exposition Lumières du Liban a pour but de promouvoir les artistes d’un pays ravagé par la guerre et la corruption. Elle se prolonge jusqu’au 2 janvier prochain à l’Institut du Monde Arabe (IMA) à Paris.

Installation d’Elias Nafaa, Ruines intemporelles.
Installation d’Elias Nafaa, Ruines intemporelles.

Surnommé la suisse du moyen-orient, le Liban a toujours eu une histoire perturbée, ayant été ravagé par plusieurs guerres. L’exposition en cours à l’Institut du Monde Arabe (IMA), à Paris, tente de mettre en avant les arts plastiques libanais, à travers les oeuvres de 62 artistes. Vivant au Liban même ou dans la diaspora, ils s’inspirent de leurs peines personnelles, de leurs souvenirs de Beyrouth, et montrent des oeuvres datant de 1950 à 2021. Celles-ci appartiennent à des disciplines très variées, allant de la calligraphie à la peinture, en passant par la sculpture et l’art vidéo, et évoquent le chaos total que connaît le pays depuis quelque temps.

Le titre de l’exposition Lumières du Liban est une façon de rappeler que les tragédies qui ont frappé le pays peuvent être aussi une source d’inspiration. D’ailleurs, la troisième partie de l’exposition est dédiée à la période allant de 1991 à 2021, Perpétuelles reconstructions. Nous sommes directement immergés dans l’atmosphère avec le tableau d’Ayman Baalbaki, The End (la fin), qui dépeint, en gris, un immeuble détruit de Beyrouth et le ciel bleu qui l’entoure, et ce, pour représenter la destruction perpétuelle de la ville. Au centre du tableau, nous pouvons lire le mot « The End » écrit avec des néons bleus. La particularité de cette salle est que la plupart des artistes qui y exposent sont nés dans le chaos et n’ont connu que le chaos.

La politique menée après la guerre civile a conduit le pays à l’endettement et à la banqueroute, mais au lendemain de la guerre, de nouveaux talents ont émergé, qui ont trouvé leur réconfort dans la création artistique. Mais le soulèvement de 2019 a interrompu le rythme normal de la vie et de la création. Il fallait se révolter contre le système politique corrompu et peu de temps après, l’explosion des silos portuaires en août 2020 a plongé le pays dans le noir.

Huda Baroudi et Maria Hibri ont recours au tissu, pour montrer des personnes qui ont perdu leurs meubles durant l’explosion. Abdul Rahman Katani, ayant grandi dans le camp de réfugiés de Sabra et qui a survécu au massacre des années 1980, a utilisé des fils barbelés pour évoquer la tornade de 2020.

Ensuite, nous remontons dans le temps, aux années de plomb (1975-1990), cette période marquée par la guerre civile et l’exil de plusieurs citoyens. Beaucoup ont dit au revoir, mais pour eux il n’était jamais question d’un adieu. Zein Assi en est l’exemple. Née en 1974, elle a grandi durant la guerre civile. Avant de commencer à peindre en 2005, elle a appris à analyser la relation entre les habitants et leurs villes durant la période où elle a travaillé pour l’agence de publicité Saatchi & Saatchi. Dans Tenir à un fil, elle dépeint les bâtiments de Beyrouth, ses panneaux publicitaires et les détails de la ville, comme s’il y avait un linge suspendu entre les divers bâtiments de la capitale.

Les deux dernières salles sont consacrées à ce que l’on considérait comme l’âge d’or artistique de Beyrouth, marqué par son indépendance en 1943, jusqu’au début de la guerre en 1975. Nous pouvons y admirer les oeuvres de Paul Guiragossian et Michel Basbous, deux figures majeures de l’art libanais. Guiragossian est réputé pour ses peintures abordant les thèmes de la maternité, la spiritualité et l’exil, alors que Basbous est l’un des meilleurs sculpteurs du pays.

A chacun sa Beyrouth

Ensuite, nous partons à la découverte de 11 jeunes artistes qui ont répondu à l’appel au projet de l’IMA en 2020, pour créer des oeuvres qui rappellent leur Beyrouth tel qu’ils le sentent, voient ou imaginent au lendemain de l’explosion. Cette partie de l’exposition nous plonge dans les réseaux artistiques contemporains de la ville. Elias Nafaa, né en 1997, à travers son installation Ruines intemporelles veut mettre en avant le patrimoine culturel et historique du pays. Des lettres arabes, en blanc, sont ainsi suspendues par des fils pendants. D’autres artistes se sont inspirés du contexte difficile du pays en montrant des collages de journaux et des vidéos pour retranscrire leur Beyrouth, leur Liban.

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