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L’homme animal, l’animal home

May Sélim, Mardi, 22 juin 2021

Dans le show musical Dogs (chiens), vingt comédiens rentrent dans la peau des chiens pour mieux parler des hommes. Bientôt sur les planches d’Al-Gomhouriya.

L’homme animal, l’animal homme
Les chiens dominaient la rue, avant d’aller en prison. (Photo : Bassam Al-Zoghby)

Dans le spectacle musical Dogs (chiens), il n’est pas question de personnages humains, mais les vingt comédiens incarnent une meute de chiens, sur les planches du théâtre Al-Gomhouriya. En se livrant à un jeu de déguisement, ces chiens parlent, chantent et dansent, pour nous faire plonger dans leur monde. La pièce de théâtre, écrite par Mahmoud Gamal Al-Heddini et mise en scène par Kamal Attia, regroupe de jeunes comé­diens, tous issus de la deuxième promotion de l’atelier de formation théâtrale qui s’intitule « Commence ton rêve ». « Cet atelier a débuté fin 2019, mais à cause du Covid-19, il a été suspendu pendant quelques mois. Entre-temps, les médias traditionnels et les réseaux sociaux ont soulevé les problèmes qu’affrontent les chiens de rue, certains voulaient s’en débar­rasser, alors que d’autres ont pris leur défense. J’ai alors eu l’idée de monter ce spectacle, donnant la parole aux chiens. J’en ai donc esquissé les lignes principales et dessiné les traits de quelques personnages. Puis, j’étais à la recherche d’un dramaturge capable de tis­ser toute une histoire autour de ce thème », raconte le metteur en scène, Kamal Attia. Et d’ajouter : « J’ai préféré mettre le titre en anglais sur l’affiche, car en arabe ça allait passer pour une insulte. Les chiens ont une connotation péjorative en dialectal égyptien. Un titre comme Kélab Ala Al-Masrah (des chiens sur les planches) aurait fait scandale sur les réseaux sociaux et susciter tant de controverses. En outre, Dogs en anglais est phonétiquement plus musical ».

Le titre désigne les différentes sortes de chiens : ceux de la rue, d’autres plus choyés par leurs propriétaires, des chiens de garde, etc. Un jour, ils sont kidnappés et emprisonnés dans des cellules. Le gardien n’est qu’un autre chien qui leur demande d’oublier leur ancienne vie et de s’adapter à la nouvelle. Il essaye de leur assurer des repas réguliers, un lieu pour dormir, pour faire de la gym, pour jouer, etc. Ce gardien les informe aussi qu’ils font désor­mais partie d’une association visant à protéger les chiens et à les mettre à un pied d’égalité avec les humains. Certains acceptent cette nou­velle vie, alors que d’autres refusent d’être enfermés, même si dans des cellules de luxe.

La loi du plus fort

L’homme animal, l’animal homme
Les chiens soumis aux ordres du gardien. (Photo : Bassam Al-Zoghby)

Petit à petit, les repas offerts aux chiens n’ar­rivent pas à temps, la faim les rend plus agres­sifs. En fait, c’est toute une stratégie pour les rendre féroces, leur faire perdre leur fidélité et leur affabilité. Désormais, ils vivent selon la loi de la jungle. Le plus féroce se nourrit aux dépens des plus faibles. Certains chiens de rue s’insurgent contre ce stratagème et en discutent avec leurs collègues. L’un des chiens voulant retrouver sa liberté a fait un trou dans le mur en usant de ses griffes. Mais il n’a pas pu sortir de sa prison, car son corps n’a pas pu passer à travers le trou et il s’est fait tordre le cou. Le gardien l’a tué et a incité le reste des chiens à le dévorer.

L’idée n’est pas sans rappeler la férocité des humains, leurs conflits d’intérêts, les rivalités entre eux. « Ce n’est pas nouveau d’aborder le thème des animaux sur les planches. Le show Cats qui a été donné à Broadway en est un exemple remarquable. Cependant, en Egypte, la représentation des animaux sur scène s’est faite souvent dans des spectacles pour enfants, en restreignant le rôle des animaux. Le dégui­sement misait simplement sur l’usage des masques. C’est quand même une nouvelle expérience pour nous de créer un spectacle pareil où les comédiens adoptent l’attitude des chiens et sont déguisés en chiens », estime Kamal Attia.

Ce dernier a exigé un entraînement physique très strict de la part des comédiens. « Je suis professeur de jeu dramatique et de mise en scène à l’Institut du théâtre de l’Académie des arts. Pendant l’atelier de formation, j’ai tra­vaillé avec des jeunes qui n’ont aucune expé­rience théâtrale pour les transformer en comé­diens, à même d’incarner toutes sortes de personnages. Ils ont appris à jouer, danser et chanter sur scène. En leur proposant les rôles de chiens, beaucoup d’entre eux étaient méfiants. Il leur a fallu étudier les comporte­ments des chiens. Donc, nous avons filmé des chiens de rue, puis nous avons regardé ensemble les séquences filmées. Certains étu­diants ayant des chiens à la maison venaient suggérer quelques mouvements … Nous avons étudié tout ce qui a rapport aux chiens, les comédiens savent désormais quand les chiens aboient », dit-il.

Le metteur en scène a opté pour la forme du show musical chorégraphié, se déroulant dans deux décors simples, créés par Hamdi Attia : celui de la rue avec une maison en arrière-fond et les locaux de l’association composée de plusieurs cellules de luxe. Les diverses chan­sons, composées par Mohamad Hosni, dévoi­lent les multiples états d’âme des chiens, pas­sant de la joie à la dépression.

Le son posait parfois problème, empêchant parfois le public d’en profiter pleinement. « Nous travaillons afin d’améliorer la qualité du son et de régler le problème », affirme le metteur en scène. La chorégraphie signée par Diaa Chafiq est assez simple ; elle puise dans les mouvements des animaux et passe d’un mouvement à quatre pattes à un autre à deux pattes. Les danses collectives se terminent sou­vent par des compositions assez originales. Le déguisement est basé sur les détails vestimen­taires et le maquillage. Les comédiens portent des salopettes qui les couvrent de la tête au pied. La tenue vestimentaire devait différencier les divers genres de chiens, par contre certaines salopettes étaient mal confectionnées.

Quelques chiens ont réussi à affronter la loi de la jungle, celle du plus fort. Deux d’entre eux ont donné naissance à des chiots. La mère chantait pour eux et les encourageait à s’éva­der. Toujours en chantant, elle leur apprenait à contempler le monde extérieur, à profiter de leur liberté et à revenir pour sauver les autres chiens de l’association. Un espoir se profilait à l’horizon.

Dogs sera repris bientôt au Caire, au théâtre Al-Gomhouriya, rue Al-Gomhouriya, Abdine. Ensuite, le spectacle sera donné à Alexandrie pendant l’été.

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