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Drames télévisés : Un réalisme indigested

Yasser Moheb, Mardi, 27 avril 2021

Parmi la vingtaine de séries télévisées diffusées pendant le Ramadan, plusieurs oeuvres ont opté pour un réalisme jugé trop cru, des personnages et des scènes jugés violents, voire vulgaires, suscitant ainsi la controverse. Tour d’horizon.

Drames télévisés : Un réalisme indigeste
Al-Tawous.

Entre la rue et le petit écran, il n’y a qu’un pas. Bien des feuilletons, parmi la vingtaine diffusée pendant ce mois du Ramadan, sont allés plonger dans le quotidien de la société égyptienne. Une certaine transcription d’un quotidien de plus en plus rude se réfléchit dans différents genres de héros, envahissant l’écran durant le mois sacré. Et ne manque pas de susciter diverses réactions. Plusieurs polémiques sont ainsi nées. La première concerne la décision du Conseil suprême de régulation des médias égyptiens d’enquêter sur le groupe du travail de la série Al-Tawous (le paon) et les responsables des chaînes satellites qui le diffusent, tout en réclamant d’arrêter son tournage. Le conseil a déclaré récemment dans un communiqué qu’il avait reçu plusieurs plaintes concernant le langage utilisé dans cette oeuvre qui, selon le communiqué, « ne correspond pas aux codes émis par le conseil, confirmant la nécessité de défendre les valeurs, de ne pas porter préjudice aux familles égyptiennes ou de les diffamer, ou de les montrer d’une manière qui les rabaisse ». Par contre, le conseil a affirmé son « parti pris pour la liberté de l’art et de la créativité, des valeurs artistiques et esthétiques », tout en insistant sur le fait qu’« il tâche toujours de purifier l’ensemble des oeuvres artistiques et d’empêcher les images offensantes de porter atteinte à l’ensemble du drame télévisé égyptien ». Et ce, avant que ce problème ne soit finalement résolu, suite à l’indignation des téléspectateurs et des intellectuels « contre toute censure excessive ou injustifiée ».

Alors que certains soutenaient la réaction immédiate du conseil contre la série, d’autres ont critiqué le choix de ce travail spécifiquement pour être arrêté, tout en fermant les yeux sur d’autres oeuvres qui contiennent un dialogue choquant et des scènes décrites comme « inappropriées ». De même, certains critiques égyptiens viennent, pour leur part, d’annoncer leur refus pour ce qu’ils ont appelé « la traque du Conseil suprême des médias contre ce qui est montré à l’écran, en particulier pendant le Ramadan ».

Avec un scénario signé Karim Al-Dili, mettant en vedette l’artiste syrien Gamal Soliman, la jeune actrice égyptienne Sahar Al-Sayegh, avec la star Samiha Ayoub, Ahmad Fouad Sélim, Heba Abdel-Ghani, Rania Mahmoud Yassine, Hala Fakher, Khaled Eleich, l’oeuvre, réalisée par Raouf Abdel-Aziz, porte sur l’histoire d’Amina, une jeune fille appartenant à la classe moyenne, droguée puis violée par un groupe de jeunes hommes appartenant à la classe aisée. Kamal, un avocat âgé et d’une grande intelligence, s’est lancé à enquêter sur le cas du viol, tout en essayant, à tout prix, de défendre la pauvre victime. Si le Conseil suprême de régulation des médias a trouvé dans cette scène de viol des événements et un dialogue qu’il juge inconvenants, la prestation très juste et fascinante de tous les acteurs et actrices de cette oeuvre était bien suffisante pour gagner l’estime et la sympathie du public pour une télésérie assez différente.

Héros ou anti-héros ?

D’autres drames télévisés populaires ont fait couler beaucoup d’encre depuis leur diffusion lors de ce mois du Ramadan, de par leurs héros assez controversés. Des deux caractères Sariya et Safina dans la série Melouk Al-Gadaana (rois de la bravoure), à Ghazal, Qadriya, Sayed et Ali dans Lahm Ghazal (chair de Ghazal), en passant par Seif Al-Khédeiwi dans Elli Malouch Kébir (l’intrépide), tous ces personnages prennent l’allure du truand ou de la femme rude, à l’image de costauds assez modernes.

Commençons par la série la plus disputée : Melouk Al-Gadaana, écrite par Abir Soliman et réalisée par Ahmad Khaled Moussa. Réunissant le duo de jeunes stars Moustapha Chaabane et Amr Saad dans les rôles d’amis intimes nés et passant leur vie au sein de la communauté de la rue égyptienne, cette oeuvre renferme plusieurs scènes dont l’audace est bien recherchée par le réalisateur, en plus de tout un lot d’expressions et de termes vulgaires qui réussissent à peindre les traits caractéristiques de ces êtres, qui sont intrépides et audacieux. « Les jeunes Egyptiens braves et cléments ne sont jamais d’une telle impertinence, ils ne portent des armes blanches sur eux, ni ne sont aussi vulgaires et terrifiants, à l’instar des caractères présentés dans ce feuilleton », vient de déclarer l’actrice et productrice Samah Anouar, critiquant ouvertement le dialogue de cette télésérie, ainsi que ce genre de protagonistes.

Pas loin de ce duo de costauds, on peut souligner également le personnage de Seif Al-Khédeiwi, joué par Ahmad Al-Awadi, dans Elli Malouch Kébir. Ce dernier se déclare, d’après la trame, comme défenseur des droits des gens et bourreau des méchants ! Un métier qui le rend célèbre et riche, avant de lui causer certes des tourments sans fin. Langage osé, parfois choquant, tels sont les ingrédients de ce portrait de truand, berçant entre la dureté d’actions et la bonté humaine innée.

Drames télévisés : Un réalisme indigeste
Elli Malouch Kébir.

Autres truands modernes dans les drames de ce Ramadan ? Bien sûr. Ghazal, Ali Maämoun, Sabri Al-Qarn, Sayed Galala et Saïd Massoura, le groupe des super-héros modernes du feuilleton Lahm Ghazal, écrit par Iyad Ibrahim et réalisé par Mohamad Ossama. Bien dessinés quoique caricaturaux, tout en naviguant dans un contexte dramatique qui se veut être trop populaire et assez vulgaire, ces personnages viennent prouver la tendance des dramaturges cette année vers les personnages berçant entre le mal et le bien, et dont le caractère vilain cherche toujours un prétexte ou un but noble : chercher ses droits ou ceux des autres. Des rôles à travers desquels les comédiens Ghada Abdel-Razeq, Chérif Salama, Amr Abdel-Guélil, Khaled Kamal et Mohamad Chahine ont réservé une place assez avancée dans la liste des caractères et héros populaires tant marquants que critiqués dans le festin dramatique de ce Ramadan.

Bref, bien qu’elles soient une source de loisirs, les séries télévisées de ce Ramadan restent un témoin à part entière du penchant des dramaturges vers un drame populaire dont le grand but est de gagner l’audimat et l’attention du public par une liberté parfois excessive et un langage qui ne cherche qu’à captiver. Le débat, dans ce cas, s’impose ....

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