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El-Warsha lutte pour la survie

Névine Lameï, Mardi, 16 février 2021

El-Warsha, cette formation théâtrale indépendante qui date de la fin des années 1980, est menacée dans son existence. La pandémie, mais aussi le changement des priorités des pourvoyeurs de fonds ont gravement affecté ses ressources financières.

El-Warsha lutte pour la survie
Jeunes acteurs d'El-Warsha.

El-Warsha lutte pour la survie
Hassan El-Geretly, metteur en scène et fondateur de la troupe.

El-Warsha … doit continuer est le hashtag d’une campagne de soutien lancée début février 2021 sur la page Facebook El-Warsha Theater Troupe, largement partagée par les fans de la formation théâtrale sur les réseaux sociaux, en signe de solidarité.

El-Warsha signifie le chantier ou l’atelier, c’est l’une des premières troupes indépendantes à but non lucratif dans le domaine du théâtre. Elle regroupe un nombre croissant d’amateurs et de professionnels réunis par le seul plaisir de se produire sur les planches et de faire revivre des formes artistiques issues notamment de la culture populaire.

Créée en 1987 par le metteur en scène égypto-écossais Hassan El-Geretly, la troupe fait office depuis quelques années d’institution artistique et d’incubateur de talents. « Les activités de la troupe, à savoir nouvelles productions, formation de comédiens qui veulent mener une carrière professionnelle dans les arts du spectacle, entre autres, sont menacées d’arrêt à défaut de moyens financiers. Par contre, l’institution d’El-Warsha et son atelier théâtral dont les locaux se trouvent au centre-ville cairote, précisément au 17, rue Chérif, poursuivent leur travail dans le domaine du développement par l’art et maintiennent leurs contrats conclus avec des ONG dans plusieurs provinces et villes égyptiennes, telles Minya et Qéna. Par exemple, El-Warsha continue à collaborer avec l’association des Frères Jésuites de Minya, avec la société Tanwira, à Qéna, avec le Forum Lazam Masrah ou Theater is a Must, un festival international de théâtre indépendant à Alexandrie. L’institution continue à s’acquitter de ses fonctions et ses obligations dans les projets sociaux de développement. Entre-temps nous avons lancé le hashtag #El-Warsha … doit continuer, afin de solliciter l’aide des personnes qui s’intéressent à la culture en Egypte et à la créativité indépendante », précise El-Geretly, qui a effectué en 1982 des études supérieures en mise en scène audiovisuelle à la Sorbonne, précédées d’études de littérature française à l’Université de Bristol. « Les politiques de financement des institutions internationales oeuvrant dans le domaine de l’art et de la culture ont changé, à cause de la pandémie, mais aussi en raison des guerres et des conflits qui ravagent la région du Moyen-Orient. Leurs priorités vont plutôt aux réfugiés, aux déplacés, etc. Par conséquent, nous n’avons pas d’idées claires sur notre capacité de travailler durant cette période trouble, d’autant plus que sur le plan local, il y a un manque d’intérêt et de soutien de la paVrt de l’Etat, notamment à l’égard du secteur culturel indépendant », ajoute le fondateur d’El-Warsha, qui a tenu pendant 35 ans à maintenir l’indépendance de sa formation théâtrale et à garantir sa pérennité.

Déjà en décembre 2020, alors que l’Egypte était en pleine deuxième vague de Covid-19, la troupe n’a pas arrêté ses activités. Elle continue d’ailleurs à proposer en live, sur Internet, trois soirées exceptionnelles par semaine : les Nuits d’El-Warsha, basées sur La Geste hilalienne (ou Sira, vertigineuse épopée de la tribu de Béni-Hilal, sur le patrimoine populaire). « J’ai beaucoup travaillé pour convaincre des ONG, partout en Egypte, que l’art est à la base de tout développement, évolution et changement sociétal. L’art est une valeur qu’il faut préserver contre vents et marées », défend El-Geretly.

Recherche de solutions alternatives

Les membres fidèles de la troupe, jeunes et moins jeunes, qui se sont fait connaître en jouant dans les spectacles d’El-Warsha tentent de trouver des solutions qui impliquent partenariat et coopération. « Pour faire sortir El-Warsha de sa crise, je cherche des solutions novatrices, dans des directions multiples, y compris la possibilité d’un financement mixte, sur le champ international et local. J’essaye d’engager le public davantage, des hommes d’affaires, des organisations de la société civile. On étudie la création d’un comité consultatif, on sollicite l’aide de l’Etat, on pense présenter des spectacles payants, organiser des stages de formation payants, on cherche des sponsors, on n’écarte pas l’échange de services, le troc, le volontariat. Il est temps de rentabiliser nos années de travail », indique El-Geretly, lequel a de tout temps choisi son camp et a réussi contre vents et marées à fonctionner de manière autonome.

El-Warsha lutte pour la survie

La comédienne Arfa Abdel-Rassoul, l’une des collaboratrices d’El-Warsha, vient de faire une intervention téléphonique sur l’une des chaînes de télévision égyptiennes, revendiquant le droit d’El-Warsha à la survie. Elle a proposé d’introduire la troupe en Bourse, c’est-à-dire que la formation théâtrale commence à vendre ses actions au public, à fonctionner comme une Offre publique initiale (IPO), et ce, dans le but d’augmenter ses fonds. Le comédien Ahmad Kamal, également un ancien d’El-Warsha, a fait appel à la ministre égyptienne de la Culture, réclamant son intervention rapide pour écarter le danger. Et c’est à Hassan El-Geretly de conclure : « J’ai une grande confiance en la bonne volonté du public et des amis fidèles d’El-Warsha de nous soutenir ». Les jours à venir seront décisifs.

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