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Les Shéhérazades de Samir Fouad

Névine Lameï, Mercredi, 13 janvier 2021

Les peintures à l’huile de Samir Fouad, à la galerie Picasso, se nourrissent des contes des Mille et une nuits, de toutes ces femmes conteuses qui cherchent à échapper à la mort ou à leur sort déplorable, par le biais de leurs histoires.

Les Shéhérazades de Samir Fouad
Sensuelle, en tenue populaire.

Et si shéhérazade vivait de nos jours, que raconterait-elle à Shahryar ! Une interrogation qui laisse perplexes les visiteurs de la nouvelle exposition Taste of Time (le goût du temps) de l’artiste-peintre Samir Fouad, 76 ans. Une vingtaine de peintures à l’huile, des portraits de femmes, aux traits égyptiens pas clairement définis, aux corps déformés et aux tenues intemporelles, mais le plus souvent en djellaba. Ces portraits de femmes, en couleurs contrastées, oscillant entre le fade et le chaud, le flou et le flamboyant, le jaune et l’ocre-grisâtre. C’est la magie de l’Orient tel que la conçoit Samir Fouad, cet artiste prolifique et engagé, qui expose tous les ans à la galerie Picasso. Et à chaque fois, il expose une part de son monde, plongeant dans un silence effrayant.

Les Shéhérazades de Samir Fouad
Femme du sud.

« Inspirés des contes des Mille et une nuits, ce conte magistral qui a séduit et envoûté des générations entières, les personnages-femmes de mes toiles ressemblent quelque part à Shéhérazade, qui raconte des histoires palpitantes. Mes protagonistes narrent chacune à sa manière des histoires au passé et au présent. Elles donnent libre cours à leur imagination. C’est ainsi qu’elles restent en vie jusqu’à l’éternité, dans un monde fait de conflit et de trahison », écrit Samir Fouad dans le catalogue de l’exposition.

C’est un monde perturbé, où les femmes ont l’air faible et solitaire, parfois même elles sont usées par l’âge. Elles s’enferment dans leur caverne et se mettent à rêvasser. Puis, animées par un tourbillon de vie, elles accordent une touche lumineuse à ce monde grisaillant, lui apportant un peu de romantisme et de sensualité.

Un jeu de clair-obscur

Al-Naddaha est une naïade ou une femme-djinn qui appelle les hommes se promenant au bord du Nil, probablement à leur mort. Une femme brune, de la Nubie ou de la campagne égyptienne, en djellaba jaune, fait sa sieste sur un canapé chez elle. Bref, des scènes très chaleureuses et lumineuses, sous l’effet de la couleur jaune, en contraste avec les tons gris. Un clair-obscur qui n’est pas sans rappeler Diego Vélasquez, Rembrandt, David Shevlino ou Hassan Soliman.

Les Shéhérazades de Samir Fouad
Une femme avec des taches floues.

Madiha est une femme aux yeux larges, méditatifs, inspirée des Portraits du Fayoum. La peinture donne impression d’être placée derrière une plaque de verre. Sur une autre peinture, une nouvelle mariée en robe blanche se rappelle ses amours passés. Elle est censée être heureuse, la nuit de ses noces, néanmoins, elle sombre dans la détresse.

Parfois, l’on se demande : avec ce trop de fadeur, s’agit-il d’un monde de fantaisie ou de réalité ? Mêlant sur une même toile réalisme et abstraction, impressionnisme et expressionnisme, l’artiste reflète les divers états d’âme de toutes celles qui n’arrivent pas à s’exprimer proprement, celles qui n’osent pas parler. Comme s’il était le seul à pouvoir entendre les douleurs et les angoisses de ses personnages-femmes, au milieu de leur silence contemplatif. Les toiles, aux coups de pinceau rapides et successifs, sont remplies de sensualité. Samir Fouad s’attache à la forme humaine et au dynamisme du mouvement, en estompant les détails et en n'ayant le moindre souci de refléter fidèlement la réalité.

A la galerie Picasso, jusqu’au 20 janvier, de 10h30 à 21h (sauf les dimanches). 20, rue Hassan Assem, Zamalek.

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