Estampillée production à suspense, la série Paranormal (Ma Warä Al-Tabia, en arabe) est basée sur l’oeuvre littéraire d’Ahmad Khaled Tawfiq, auteur égyptien décédé en 2018. Les nombreux romans d’horreur, de science-fiction et les thrillers médicaux de ce dernier l’ont rendu très populaire parmi les jeunes en Egypte et dans le monde arabe.
Avec 15 millions d’exemplaires vendus, et compilant 81 romans, cette série compte depuis sa parution en 1993 parmi les bestsellers. Donc, déjà un bon départ. En outre, avec le réalisateur Amr Salama et des acteurs triés sur le volet, tels l’Egyptien Ahmad Amin et la Libano-anglaise Razane Jammal, il y a de quoi faire venir l’eau à la bouche des spectateurs. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que ces spectateurs, notamment les Egyptiens, ont un vrai engouement pour les formats innovants, surtout après une ouverture sur tous genres confondus grâce à la plateforme américaine Netflix.
Toutefois, sur les réseaux sociaux, l’accueil de Paranormal a été mitigé. Des critiques sur l’utilisation des effets spéciaux, mais aussi des compliments sur la performance de l’acteur principal Ahmad Amin, d’une part. Et d’une autre part, une comparaison avec d’autres feuilletons égyptiens du même genre, et un refus des conseils du réalisateur Amr Salama pour favoriser de bonnes conditions de visionnement. « Ne regardez pas les épisodes au moment où vous mangez (…), éteignez la lumière, etc. », avait-il mentionné sur son compte Twitter.
L’histoire, dont les incidents se déroulent dans les années 1960, se focalise sur les aventures de l’hématologue Réfaat Ismaïl, interprété par l’acteur Ahmad Amin, qui est amené, malgré lui, à enquêter sur des phénomènes surnaturels auxquels il ne croit pas, même quand il y assiste. Confronté à des phénomènes paranormaux, il devient très vite la référence pour résoudre tous les problèmes paranormaux. Avec sa camarade écossaise rousse, dont il est amoureux, la scientifique Maggie Mackillop, il s’aventure dans les rues du Caire, dans des temples pharaoniques ou encore dans le désert libyen, pour traiter ces mystères inexplicables.
Il prodigue en permanence, devant ses interlocuteurs ou en voix off, des commentaires sur l’existence, la société ou le genre humain. Les bases d’une intrigue qui devraient éveiller la curiosité des spectateurs. Quoi de mieux que le suspense pour tenir en haleine? Il vous fait douter, espérer, anticiper et, en fin de compte, vous pousse toujours à en redemander. Mais malheureusement, le suspense et l’horreur y manquent beaucoup. « Bien qu’il prenne les cachets, certains épisodes suscitaient plutôt le rire, comme l’épisode numéro 2 où il était question d’une momie pharaonique, 3 où l’on a vu un gorille féroce et 5 où il y avait le Jathoum (Satan qui rend visite au dormant à travers un cauchemar) », a souligné un des spectateurs sur Facebook. Un autre trouve que la seule qualité de ce feuilleton est le jeu des acteurs, notamment Ahmad Amin, qui mérite vraiment d’être salué. Il explique, par ailleurs, qu’« aucune excuse n’est acceptable pour justifier un feuilleton de ce niveau. D’abord, une production Netflix impose une production à la hauteur, et puis il y avait déjà depuis des années des feuilletons d’horreur réussis comme Kafr Delhab (le bourg de Delhab) et Abwab Al-Khof (les portes de la peur) ».
Effets visuels modestes
Diffusée dans 190 pays, dans 9 langues, dont l’arabe, l’oeuvre essaye de toucher à l’horreur via des effets visuels. Le metteur en scène semble marcher constamment sur une corde raide. « Si l’on n’a pas les moyens pour faire de bons effets visuels, pourquoi ne pas se contenter des effets sonores par exemple ? », s’insurgent les uns. « Nous voulions créer du contenu de haute qualité, sans perdre le caractère égyptien », a expliqué à l’AFP le réalisateur de la série Amr Salama, connu pour des films qui ont été distingués dans plusieurs festivals internationaux. « Nous ne voulions pas faire une série américaine doublée en arabe. Même avec les effets spéciaux, les mythes et les histoires effrayantes, nous voulions que cela soit authentiquement égyptien », a-t-il ajouté.
Amr Samir Atef, scénariste expert du genre avec notamment Kafr Delhab diffusé pendant le mois du Ramadan 2017, trouve que l’importance de Paranormal provient du fait qu’il ouvre la porte aux feuilletons égyptiens à l’international. Ainsi, pour le comédien égyptien Ahmad Amin, connu pour ses vidéos virales et sa série télévisée primée Al-Plateau, Paranormal représente un pas dans une toute autre direction. Il a souligné le « défi » d’adresser la série à une audience internationale. « Depuis l’âge de 13 ans, je suis fasciné par ce personnage », raconte Ahmad Amin à Arab News. « La chose la plus paranormale qui me soit arrivée, c’est que j’ai réussi à l’incarner à l’âge de 40 ans. Je me sens responsable envers les lecteurs et le public de Netflix, ainsi qu’envers l’ouvrage lui-même ».
Or, le vrai problème, selon le scénariste Amr Samir Atef, est au niveau de la transformation d’un roman en une série télévisée: les lecteurs ne cessent de créer au fur et à mesure de leur lecture un monde à leur propre guise. « Ce monde n’est pas forcément représenté par le metteur en scène. D’où le choc de certaines personnes », explique-t-il.
Ahmad Nader Galal, réalisateur de renom et metteur en scène du feuilleton Kafr Delhab, a souligné le fait de ne pas avoir regardé qu’un seul épisode, dans lequel il a ressenti un problème au niveau de la narration.
Toutefois, certains spectateurs semblent être satisfaits et surpris : « Superbe série! Le scénario est bien ficelé, il y a de la profondeur. Les acteurs et actrices jouent très bien. On s’attache à l’acteur principal, un peu l’antihéros. La musique est vraiment sympa ». Par contre, d’autres considèrent qu’il s’agit plutôt « d’un feuilleton d’horreur pour enfants avec des méchants ratés. Pas très convaincants ».
Certains spécialistes considèrent par ailleurs que l’image est très belle, avec une teinte jouant beaucoup sur le clair-obscur. « Mais, les effets visuels très limités, sinon sobres, ne donnent aucun frisson et nuisent beaucoup à un feuilleton diffusé parmi d’autres où les effets constituent un élément efficace », expliquent d’autres, en demandant de garder l’anonymat pour des questions éthiques. « Imaginez-vous que le seul personnage qui a incarné l’horreur est la petite fille Chiraz. Donc, les effets visuels n’avaient aucun impact ! », argumentent-ils.
Dépaysant, mystérieux, sans être angoissant. Paranormal continuerait à être polémique même s’il pourrait en décevoir plusieurs ! .
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