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Un univers moins étouffant

Névine Lameï, Dimanche, 11 octobre 2020

Les artistes-peintres Kinda Adly, Yasmine Réda et Rasha Amin exposent ensemble à la galerie SafarKhan, sous le titre de Métamorphoses. Leurs oeuvres, réalisées à l’aide de médias mixtes, mêlent mythologie et pop art. Elles nous plongent dans un monde chimérique.

Un univers moins étouffant

Changements de société, de moral, de culture, d’habitude ou de croyance, c’est ce qu’expri­ment les oeuvres de trois artistes femmes, qui exposent à la galerie SafarKhan. A savoir Kinda Adly, Yasmine Réda et Rasha Amin.

Ces dernières, à la différence de leurs styles et techniques, évoquent des Métamorphoses, comme l’indique le titre de cette exposition de pop art.

Leurs peintures nous font voyager dans des univers plus gais, moins étouffants.

Libre et autonome, l’artiste autodidacte Kinda Adly anime un monde en couleur, proche des dessins animés. Elle réside depuis des années en Suisse et s’inspire surtout de ses souvenirs d’enfance et de ses mémoires individuelles. Ses toiles, en grand format, sont réalisées à l’aide de médias mixtes, d’une large palette de couleurs frui­tées et d’un tas d’éléments en perpétuel mouvement. Bref, c’est une fiction narra­tive, chargée de détails et d’émotions qu’elle anime sur la toile. « Ce sont mes mémoires, celles d’hier et d’aujourd’hui, fortement liées aux émotions vécues à un moment donné de ma vie. Des accumula­tions intenses, en couches superposées de peinture. Elles sont capables d’exprimer ma vie riche en métamorphoses, entre gra­cieuses et désagréables, gaies et mélanco­liques », précise Kinda Adly.

Ses toiles sont saturées de couleurs, sans un brin de vulgarité. Elles ont quelque chose de désordonné, énergique et vibrant. « Mes peintures sont nées de la diversité des cultures et des géographies sociales. Elles sont le fruit de mes multiples déplace­ments entre Le Caire, ma ville natale, et la Suisse, mon pays de résidence », ajoute-t-elle.

L’artiste combine dessins abstraits, figures humaines et cartoons. Voici des plantes et des fleurs fracturées, des coeurs munis d’ailes, des lignes audacieuses, des notes musicales, des soleils, des villes urbaines, des anges tristes, des poupées, des personnes qui rient, qui dansent ou qui jouent. C’est du pop art inspiré de la culture japonaise, notamment du Super flat et des mangas. « Tous ces éléments imagés for­ment mes toiles, travaillées comme des miniatures. Elles sont cohérentes, plus abs­traites que réalistes, métaphoriques que directes. Elles sont dotées d’une énergie positive, d’une joie enfantine. Elles me res­semblent quelque part », affirme Kinda.

La petite Lily

Un univers moins étouffant
Les toiles de Kinda Adly abondent en mémoires, en émotions et en couleurs.

Yasmine Réda participe à l’exposition avec une sorte d’autobiographie, très origi­nale, imprégnée de souvenirs d’enfance et de mémoires personnelles. Son personnage phare, le dénominateur commun de toutes ses peintures, toujours en médias mixtes, c’est une douce poupée, moderne et élé­gante, qu’elle appelle Little Lily ou la petite Lily. C’est ainsi que l’appelait autrefois l’une de ses professeures aux beaux-arts de l’Université de Hélouan, section décor. Yasmine Réda s’inspire d’ailleurs des décors de théâtre, notamment au niveau de la composition et de l’assemblage. Voici la petite Lily, en habit moderne; ses cheveux sont remplacés par un chat noir, signe de bonheur ou de malheur, de bonne chance ou de mauvais présage, en fait tout dépend de notre manière de voir. On voit Lily, chez elle, dans sa chambre à coucher ou autres.

Dans cet espace privatif, figure une lon­gue échelle qui repose sur une fenêtre grand ouverte. Un appel à l’émancipation. De nombreux petits drapeaux de bord de mer, de formes triangulaires, des objets du quo­tidien décalés de la réalité, des couronnes comme celles des princesses Disney, accen­tuent le côté pop art.

La peinture phare de Yasmine Réda dans Métamorphoses est intitulée Ensemble nous pourrons, un véritable exemple de force et de résistance. Son message est clair: il est temps que les femmes sortent de leur petit cocon, de se libérer de leurs objets intimes, de leur angoisse, de leur passiveté, de leur silence étouffant et de trouver un exutoire.

Métamorphoses d’Ovide

Un univers moins étouffant
Motifs mythologiques et calligraphies se mêlent chez Rasha Amin.

L’artiste Rasha Amin, qui vit à Rome depuis des années, s’inspire, quant à elle, d’art pharaonique et gréco-romain. Elle marie ses motifs mythologiques avec des calligraphies arabes et persanes. Ses oeuvres dégagent elles aussi un côté pop art, effec­tuant un va-et-vient entre passé et présent. Ainsi, les déesses et les personnages fémi­nins légendaires se transforment en créa­tures fantastiques. Elle s’inspire surtout des Mille et une nuits et des Métamorphoses d’Ovide (poème narratif du poète romain Ovide, comprenant plus de 250 mythes, pour retracer l’histoire du monde).

« Depuis mon premier séjour à Rome, je me sens éprise de ses monuments embléma­tiques, c’est le stimulus de mon art », déclare Rasha Amin dont le travail invite à la méditation et à la spiritualité. Mysticisme et fantaisie sont bizarrement combinés, avec des couleurs entre l’ocre, le blanc et le beige.

Des sirènes sur des pégases, des person­nages mi-femmes mi-oiseaux. Des méduses ailées, une gorgone associée à l’image d’un serpent, ne sont pas sans rappeler la mytho­logique grecque.

Un univers moins étouffant
On suit les aventures de la petite Lily, dans les tableaux de Yasmine Réda.

Dans une autre peinture, Rasha Amin peint Mélusine, telle une fée, issue des contes populaires et chevaleresques du Moyen-Age. « Avec leur monde de mythes, de légendes, de magie et d’imagination, les protagonistes femmes, dans mes tableaux, sont prêtes au changement, à toute évolu­tion positive; c’est ainsi qu’elles se sentent toujours en vie. Elles suivent le rythme de la nature, c’est le chemin qui les conduit au salut », conclut Rasha Amin.

Jusqu’au 22 octobre, de 10h30 à 21h (sauf le dimanche), 6, rue Brésil, Zamalek

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