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Histoire publique et drame privé

Yasser Moheb, Lundi, 29 juillet 2013

Dans une atmosphère socio-historique et plutôt idyllique, le feuilleton Hékayat bent esmoha Zeth (l’histoire d’une fille qui s’appelle Zeth) regroupe trois grosses pointures : la comédienne Nelly Karim, la scénariste Mariam Näoum et la réalisa­trice Kamla Abou-Zikri. L’un des meilleurs drames télévisés du Ramadan.

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Trois ans après sa pre­mière expérience télévi­sée (la sitcom 6 place Tahrir), la réalisatrice Kamla Abou-Zikri remet le couvert avec une nouvelle mise en scène. Dans Hékayat bent esmoha Zeth (l’histoire d’une fille qui s’appelle Zeth), elle retrouve son tandem pré­féré : la scénariste Mariam Näoum et la comédienne Nelly Karim.

Sans divulguer son histoire, l’oeuvre suit la vie d’une jeune fille au prénom de Zeth — campée par Nelly Karim. Née au lende­main de la Révolution du 23 Juillet 1952, sa vie se recoupe avec les incidents et les muta­tions sociopolitiques de l’époque. Elle suit le parcours du pays en ébullition et en plein changement. Son couple — elle est mariée à Abdel-Salam, interprété par Bassem Samra — est un miroir concave de cette période historique.

Drame social replacé à tra­vers certains faits historiques : apparemment, rien de nouveau sous le soleil. Mais ne sous-estimons pas l’apport du scéna­rio dans le traitement de deux aspects aussi itératifs que le drame social et l’histoire récente.

La scénariste Mariam Näoum prouve une fois de plus son talent en dépeignant les âmes humaines les plus simples comme les plus compliquées et en suivant les embranchements et les enlace­ments de la vie de ses protagonistes englués dans l’histoire et le temps auquel ils appartiennent. En se basant sur le roman Zeth (les années de Zeth) de Sonallah Ibrahim, elle laisse les protagonistes voir de loin les coutumes et les caractéristiques de leur temps, comme s’ils étaient ses icônes ou ses témoins.

A titre d’exemple, la jeune Zeth achète une perruque semblable à celle portée par Mervat Amin, l’une des stars-phare des années 1970, tout en portant les costumes et le look de l’époque : les vêtements courts et modernes des années 1970, suivis du port des habits longs et plus ou moins conservateurs à partir du début des années 1980. Même intérêt à l’incarnation de l’époque à travers le personnage de Abdel-Salam, qui insiste sur le fait de suivre la mode en reprenant la coif­fure des jeunes de l’époque, tout en aspirant à avoir un descendant mâle. Il condamne sa femme et la rend responsable de ne pas pouvoir réali­ser son rêve. Une société égyptienne masculine, comme le déclare Näoum franchement par le biais de l’une des protagonistes !

Un passé éloquent

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Le mari, symbole d'une société masculine.

Côté image, le feuilleton porte également une signature féminine, celle de Nancy Abdel-Fattah. Cette dernière, connue pour l’éloquence de ses cadres et la gaieté des cou­leurs captée par sa caméra, est ici en pleine forme. Elle fait bouger sa caméra entre les nombreux détails de cette période historique comme un papillon se déplacerait parmi les fleurs. On y retrouve du contraste, de la couleur, de la pro­fondeur, et les scènes documen­taires sont fort convaincantes tant au niveau visuel qu’historique.

La magnificence des images, secondée par la fluidité de la mise en scène et la beauté de la photo, concourt aux soubresauts drama­tiques où l’écrivaine observe et dévoile les tempêtes psycholo­giques de son personnage princi­pal. Et ce, à travers le visage de sa comédienne fétiche, Nelly Karim.

Une réalisation, avec de splen­dides décors et costumes, qui excelle à nous emmener dans les coulisses des années 1960 et 70, à travers l’histoire de Zeth. Tout est magnifiquement reconstitué : décors, costumes, postures, contexte historique, jeu de comédiens.

Quant à la réalisatrice Kamla Abou-Zikri, elle possède un sens de la mise en scène très intéressant, avec quoi elle parvient à offrir tout ce qu’il faut d’impérial à son oeuvre. Même constat pour la distribution du casting : c’est bien accompli. Nelly Karim s’avère rayonnante dans un personnage qui n’est pas comme les autres, alors que le déter­minant Bassem Samra trouve ici une prestation convaincante, tout avec un Hani Adel qui n’est pas assez présent, mais ses courtes apparitions restent excellentes.

Kamla Abou-Zikri nous livre donc une oeuvre très distinctive avec une vision tout à fait originale de l’his­toire de l’Egypte. Sa mise en scène est brillantissime ; on y aperçoit partout de l’ampleur et des scènes épiques au possible : la jeune réali­satrice maîtrise aussi bien les plans larges que les plans intimes.

Zeth n’est pas certes le meilleur feuilleton socio-historique jamais vu, mais il reste tout de même l’une des oeuvres assez prenantes du genre. Une aventure féminine bien réussie .

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