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L’Orient et ses parfums exotiques

May Sélim, Lundi, 03 février 2020

Le palais Aïcha Fahmi à Zamalek accueille sa quatrième grande exposition sur les trésors du patrimoine depuis sa restauration en 2017. Cette fois-ci, on peut y admirer 125 toiles signées par des peintres orientalistes des XIXe et XXe siècles.

L’Orient et ses parfums exotiques

A peine on franchit l’entrée du palais Aïcha Fahmi que les tableaux à cadres dorés classiques attirent l’attention. On s’en approche pour les contempler en écoutant les mélodies orientales diffusées. Les tableaux exposés nous ramènent au passé, plus précisément à il y a environ deux siècles, lorsque la vie au Moyen-Orient avait un goût plus exotique. Les 125 toiles exposées nous proposent de voyager dans l’Orient mythique des artistes orientalistes des XIXe et XXe siècles, dans le but de nous faire redécouvrir les collections privées des musées d’art égyptiens. Et ce, sous le titre de Mémoires d’Orient.

Les artistes européens épris du Moyen-Orient, surtout après la traduction des Mille et une nuits, partagent leurs fantasmes sur cette partie du monde. « Les oeuvres des orientalistes sont nombreuses, mais j’ai fait une sélection de 125 tableaux qui sont en bon état et représentatifs des différents styles de l’époque », indique Ihab Al-Labban, directeur artistique du palais Aïcha Fahmi et commissaire de l’exposition. Empruntées aux musées d’Al-Guézira, des beaux-arts d’Alexandrie et de Mahmoud Khalil, les toiles exposées montrent que beaucoup d’orientalistes étaient fascinés par la vie en Egypte, ses habitants et ses rues. Ils étaient complètement sous le charme des femmes orientales, de leurs corps voluptueux, de leurs tenues traditionnelles et des us et coutumes. L’Orient, notamment l’Egypte, constituait un mystère à leurs yeux, qu’ils essayaient de déchiffrer au fur et à mesure en peignant leurs oeuvres, qui peuvent aider à documenter toute une époque.

Une parfaite source d’inspiration

L’Orient et ses parfums exotiques
Tristesse, de Onnig Avédissian.

La peinture à l’huile d’Eugène Fromentin Le Nil traduit une grande passion pour le paysage et les femmes au bord du fleuve. Celles-ci, avec leurs jarres sur la tête, se reposent avec nonchalance en dirigeant le regard vers l’horizon. Quelques-unes sont allongées par terre, pieds nus. Leurs habits trahissent leurs courbes, leurs rondeurs. Le tableau aborde aussi le quotidien des femmes qui viennent chercher de l’eau près d’une roue hydraulique. Fromentin a reproduit cette scène, issue du quotidien égyptien.

Le Nil était l’un des sujets favoris des peintres orientalistes. Il est souvent associé à de beaux paysages. Sur certaines peintures, on voit l’immense étendue du fleuve, ses ramifications et ses rives dans Le Caire d’autrefois. Barque sur Le Nil, de Syano Gillian, est une autre peinture dédiée au paysage. Le Nil y est long et vaste et il y a une petite barque à la surface de l’eau. Les îlots sont couverts de verdure. Quelques nuances de rouge couvrent l’horizon. La peinture est riche en couleurs. On y devine les reflets du soleil. La chaleur, le beau paysage, l’eau … tout invite à la méditation.

Le Caire sous tous ses aspects

L’Orient et ses parfums exotiques
Le Nil, peinture à l’huile d’Eugène Fromentin.

Quelques peintures signées par Gaspard Dughet et Narcisse Berchère évoquent les coutumes des Egyptiens, notamment Al-Doussa et A Folk Wedding (mariage populaire). Dans la première oeuvre, il s’agit d’un rite soufi souvent pratiqué dans la capitale, plus précisément dans le quartier d’Al-Ezbékieh. Les derviches s’allongent sur le ventre en priant et attendent l’arrivée du cheikh à dos de cheval. C’est le chef de la confrérie soufie qui doit passer sur leurs corps. Le rite est actuellement peu connu et peu répandu en Egypte, mais la peinture de Dughet l’a bien enregistré.

Quant à la toile Mariage populaire, de Narcisse Berchère, elle dépeint un cortège populaire durant une célébration de mariage. Le mari, sur un chameau, est escorté par les amis, les membres de la famille, les musiciens et les percussionnistes en djellaba, jusqu’à la maison de la mariée. Dans cette oeuvre, Berchère insiste sur la densité de la foule, qui brandit de petits drapeaux rouges. Cette couleur exprime la gaieté et accentue l’ambiance de fête.

L’Orient et ses parfums exotiques
Une Fontaine publique turque, de Larin.

Dans Sadness (tristesse), l’artiste Onnig Avédissian peint une femme affligée par la mort d’un proche. Elle porte son enfant, vêtu de blanc, dans le cimetière. Les traits tirés, elle est en détresse. L’arrière-fond grisâtre, avec deux tombeaux, accentue le sentiment de tristesse, alors que tout le reste du tableau est en couleurs. Un contraste entre la vie et la mort.

Les rues du Caire, son architecture islamique et plein d’autres aspects urbains sont eux aussi très présents dans les oeuvres en exposition. Old Cairo (le Vieux Caire), de Prosper Marilhat, montre une vue panoramique: une suite de maisons, une grande mosquée, des voûtes, etc. Cairo & Castle Walls (Le Caire et les murs de la Citadelle), d’Eugène Girardet, opte pour une vue verticale de la Citadelle et de son quartier. L’architecture des mosquées constitue un élément marquant de la plupart des peintures à l’huile, comme celles de Charles Albert Pesnelle et de Jean Léon Gérome, ou la gravure au burin de Réville. A Turkish Public Fountain (une fontaine publique turque) est une aquarelle de Larin qui reproduit une oeuvre architecturale de l’Empire ottoman devenue aujourd’hui un monument historique et archéologique. Il s’agit d’une fontaine qui existe toujours dans le Vieux Caire.

Vers le Maroc et la Turquie

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La Fête au Maroc, de M. Bertutchi.

Certains orientalistes ont accompagné des missions et expéditions scientifiques européennes et ont découvert la beauté des paysages d’Assouan, les temples de Louqsor et les sites archéologiques d’Alexandrie. Ainsi, on identifie la Citadelle de Qaïtbay d’Alexandrie sur la gravure de Garou, Assouan dans l’oeuvre d’Albert Marquet et de Henri Verge-Sarrat et les monuments colossaux de Memnon et les temples de Karnak et de Philae, à Louqsor, dans les peintures de Louis Amable Crabelet et de Narcisse Berchère et les gravures au burin de Victor Baltard, d’André Dutertre et de Baugean.

Outre l’Egypte, quelques peintures nous révèlent les charmes du Maroc et de la Turquie. L’Orient s’étend merveilleusement sous les coups de pinceaux. Le pointillisme de M. Bertutchi traduit l’ambiance festive du Maroc, avec des personnes en blanc portant des tarbouches rouges. Des arbres aux feuilles vertes couvrent l’arrière-fond du tableau. L’effet de la lumière et du soleil est dominant, avec d’habiles jeux de clair-obscur.

L’Orient et ses parfums exotiques
Al-Doussa, de Dughet.

La capitale historique de la Turquie, Istanbul, est souvent reproduite par des vues sur la mer et des couleurs claires. Prienz Burdin a ainsi peint Le Port d’Istanbul, tandis que Narcisse Barteaux a peint, à l’aquarelle, la place d’Eyup, avec des nuances de noir, de blanc et de gris. Toutes ces peintures font revivre des paysages d’autrefois, des scènes du quotidien, parfois d’une beauté exceptionnelle .

Mémoires d’Orient, les 5 et 6 février, de 9h à 21h, au Centre des arts, palais Aïcha Fahmi, 1, rue Aziz Abaza, Zamalek

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