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Une jeunesse en quête de sens

Névine Lameï, Mardi, 14 janvier 2020

173 artistes participent à la 30e édition du Salon des jeunes, actuellement en cours au Palais des arts, au Caire. Confrontés à un avenir incertain et qui les effraie, ils sont nombreux à avoir trouvé dans le passé une source d’inspiration pour leurs oeuvres.

Une jeunesse en quête de sens
Installation de Mohamad Omran.

D’une vraie hardiesse, les artistes du Salon des jeunes, ayant tous moins de 35 ans, s’attaquent au monde artificiel qui les entoure. Cette 30e édition, ayant pour thème Les Jeunes, un regard vers l’avenir, regroupe 173 participants qui exposent 183 oeuvres, marquées notamment par les effets des réseaux sociaux.

Une jeunesse en quête de sens
Peintures de Sara Abdel-Fattah.

Il est évident que pour eux, l’avenir est incertain. Donc, quelques-uns ont préféré chercher refuge dans le passé, en guise de « valeur sûre ». « Pas mal d’artistes du Salon des jeunes de cette année se sont inspirés de la période de la Renaissance. Ils ne parviennent ni à se projeter dans l’avenir, ni à comprendre le présent, alors ils font appel au passé », indique l’artiste Hani Rached, mentor d’un grand nombre de jeunes artistes participant au salon.

Une jeunesse en quête de sens
OEuvres de Noha Fahmi.

L’une de ses disciples, Chaïmaa Samir, lauréate du Prix des arts numériques du salon, participe avec 15 petits tableaux qui forment une série ressemblant aux manuscrits islamiques anciens. Le protagoniste de tous ses tableaux est toujours une femme. Une femme rappelant l’âge gothique, d’une grande élégance. Elle se dresse telle une créature légendaire, avec ses longs cheveux. « J’essaye d’exprimer la condition féminine de manière symbolique. Le signe du zodiaque du taureau représente l’enracinement, la foi en l’amour et la détermination. Conservatrice. Il ne faut donc pas compter sur la femme taureau pour faire la révolution. D’ailleurs, si vous l’obligez à faire quelque chose contre son gré, elle va vous montrer bruyamment son désaccord », souligne Chaïmaa Samir.

Une jeunesse en quête de sens
Installation d'Ahmad Al-Husseini.

Dans les dizaines de peintures d’Alaa Hassan, qui ressemblent à de vieilles photos collectées dans des albums familiaux, les couches de couleurs se superposent: ocre, marron et beige. « J’aime créer, penser les choses différemment, tenter de les embellir pour leur donner une seconde vie », lance Alaa Hassan. Et d’ajouter : « J’aime convoquer le temps passé, celui des beaux souvenirs et de l’enfance, dans mes peintures, le présent étant peu humain ».

Certains participants veulent donner un sens à leur vie; ils sont en quête de ce sens. Moustapha Taha peint des portraits de marginalisés, de jeunes gens, comme lui, en train de jouer sur des ruines romaines. Moustapha Taha, Weam Omar et Ahmad Magdi mettent en scène des personnages du quotidien à l’allure mythologique de dieux et de déesses. Ils ne cachent pas leurs émotions face au monde actuel, marqué de conflits et de doutes.

Quant à Ahmad Soliman, il utilise une peinture d’une texture ancienne pour évoquer l’histoire des Massaï, cette ethnie légendaire d’Afrique de l’Est, restée à l’écart du progrès. Et Abdel-Rahman Ezzeddine peint sur des papyrus usés des hommes et des femmes qui ne sont pas sans rappeler les fameux Portraits du Fayoum.

Un monde en pleine mutation

Une jeunesse en quête de sens
OEuvres d'Asmaa Abdel-Wahab.

Les peintures à l’ancienne et d’une apparence patinée dominent ce Salon des jeunes. C’est le cas également de l’oeuvre de Sara Abdel-Fattah (Prix du salon pour les dessins) qui montre des femmes et des enfants, usant d’une palette de couleurs pâles. A l’aide d’une technique innovante, Mariam Khalil a esquissé sur un papier en paille de riz une femme au dos nu. Celui-ci laisse voir une grosse cicatrice. « Le recours à la paille de riz donne à mon travail un cachet ancien. La cicatrice et le brouillard sont des symboles de la souffrance. On vit tous dans le brouillard, tout est flou. Nous pensons que les nouvelles technologies de communication nous unissent, mais, en fait, elles nous séparent davantage », indique Mariam Khalil.

L’immense peinture en 3D, réalisée à l’aide de médias mixtes par Noha Fahmi, constitue un spectacle à elle seule. L’oeuvre abonde de symboles : le cactus représente la souffrance et la discrimination sociale. Les deux autruches le stress, la balance l’égalité souhaitée, les yeux tristes la provocation absolue. « Le pop art, tiré de la culture de la masse populaire et de l’environnement quotidien, est pour moi le meilleur moyen d’exprimer mes sentiments et mes idées face à un monde en mutation. Nous sommes tous en train de passer d’un monde structuré à un autre, chaotique et mondialisé », précise Noha Fahmi.

Moustapha Amer (Prix des arts numériques) évoque, lui, la révolution des moyens de communication, la société de consommation et la généralisation d’Internet. Il met en scène un jeune homme dont on ne voit que les joues. Sur celles-ci sont tamponnés les labels « Facebook », « Coco Chanel », « McDonalds », « Puma », « Nike », etc.

Ce sont les symboles de cette même culture de consommation que dénonce Haguer Mohamad (Prix d’encouragement du salon) à travers son travail. Elle a fixé, sur une pancarte énorme, d’innombrables labels de marques internationales de luxe. Côte à côte avec ceux-ci sont écrits, sur de petits bouts de papier, les mots suivants: tranquillité d’esprit, rire du fond du coeur, santé, espoir, éthique ... On cherche un refuge dans les valeurs du passé pour ne pas avoir à se confronter à un monde qui nous est étranger. Les jeunes du salon se prêtent bien à ce jeu l

Jusqu’au 31 janvier, de 9h à 14h et de 17h à 21h (sauf le vendredi), au Palais des arts, terrain de l’Opéra du Caire, Guézira.

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