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Hassan Benjelloun : La musique fait partie des références. Et quand on perd les références, on perd les valeurs

Hala El-Mawi, Lundi, 02 décembre 2019

Pour la cause est le dernier opus du réalisateur marocain Hassan Benjelloun, présenté au 41e Festival international du film du Caire, dans la section Horizons du cinéma arabe. Entretien avec le cinéaste qui aborde la question palestinienne d’une manière différente.

Hassan Benjelloun

Al-Ahram Hebdo : Votre film traite de l’histoire d’un jeune musicien palestinien vivant en Espagne et d’une chanteuse française juive, originaire du Maroc, qui tentent de se produire en concert à Oran, en Algérie. D’où des problèmes interminables qu’ils affrontent, notamment à la frontière entre le Maroc et l’Algérie. Comment avez-vous eu l’idée du film ?

Hassan Benjelloun: C’est une histoire que j’ai vécue moi-même, en traversant, en 1972, les frontières de l’Autriche vers la Tchécoslovaquie. C’est-à-dire du monde capitaliste vers le monde communiste. J’étais accompagné d’une copine. On a eu les mêmes problèmes et l’on s’est retrouvés sur un No man's land. On a campé là-bas et l’on a commencé à parler et à discuter. J’ai découvert des choses sur elle que je ne connaissais pas et elle aussi a appris des choses qu’elle ignorait sur moi.

J’ai voulu aborder la cause palestinienne, car maintenant avec tous les problèmes que vivent les pays arabes, celle-ci est devenue plus secondaire. Je voulais éveiller la conscience des Arabes à l’égard de la cause palestinienne.

— L’histoire du film commence par la rencontre de deux personnes qui ne se connaissaient pas auparavant. La chanteuse française propose au musicien palestinien de se produire avec elle en concert, et ce dernier accepte tout de suite. Le hasard, la coïncidence, le destin … Vous y croyez ?

— Oui j’y crois. Tu peux partager ta vie avec une personne que tu as rencontrée dans un train. On peut mourir parce qu’on était là à un moment où il ne fallait pas, par exemple. Le monde est fait de ces hasards, même si ce n’est pas scientifique. Pourquoi ne pas accompagner cette jeune et belle femme pour un concert? Il avait toutes les raisons de le faire, sans calculer les dangers.

— La musique est omniprésente dans presque tous vos films. Qu’est-ce qu’elle représente pour vous ?

— La musique fait partie des références. Et quand on perd les références, on perd les valeurs. Si j’entends chanter Mohamad Abdel-Wahab, Abdel-Wahab Edoukali, Abdel-Halim Hafez ou Belkhayatt, cela me situe dans un cadre, un lieu ou une situation. La chose qui peut lier un Israélien et un Palestinien peut bien être Oum Kalsoum ou Abdel-Wahab. Les Marocains juifs qui se sont installés en Israël n’écoutent que de la musique marocaine. Ceci leur fait penser à leur pays d’origine, à leurs références.

— Depuis La Chambre noire et jusqu’à votre dernier film en date, Pour la cause, vous traitez toujours de problèmes arabes contemporains. A votre avis, un réalisateur doit-il absolument être engagé ?

— On a de la chance de pouvoir faire du cinéma, mais malheureusement, on ne peut pas rêver comme un cinéaste d’un peu partout dans le monde, parce que nos sociétés ont besoin de nous. Nous avons une responsabilité et nous sommes obligés d’accompagner les souffrances et les problèmes de nos sociétés. Donc, on ne rêve pas comme on veut. On a une responsabilité. Moi, j’ai plein de scénarios, mais je les laisse de côté, car je trouve qu’ils n’aident pas à faire évoluer la société.

— Vous n’avez pas eu recours à des stars. Or, la présence de quelques grands noms en tête d’affiche aurait pu faire un box-office.

— Si une star convient à mon film, je l’engagerai. Mais je vois que le public, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ne s’identifie pas à la star, mais à une figure qu’il ne connaît pas.

— Vous traitez d’un sujet sérieux, mais vous multipliez les moments d’humour, auxquels a bien réagi le public égyptien.

— Dans ma vie, je prends les choses avec beaucoup de légèreté, même quand il s’agit de choses sérieuses. J’ai essayé de donner du caractère aux personnages, un travail que j’ai effectué avec mon coach, Abdallah Chakeri. J’ai choisi un casting qui me convient, avec des têtes que j’ai repérées. Elles ne sont pas connues, mais ce sont des professionnels du théâtre. Avec Chakeri, on a stylisé les personnages et ensuite, on a donné à chacun les dialogues qui lui conviennent. Il faut dire que le budget était limité et quand c’est le cas, il faut tout préparer sérieusement. Il nous a fallu environ trois ans de préparation .

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