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L’héritier des anciens artisans

Amr Kamel Zoheiri, Mardi, 26 novembre 2019

Mohamad Mandour est un artiste exceptionnel et un passionné de la poterie. Il expose actuellement à la galerie Picasso des objets que l’on peut facilement confondre avec des pièces antiques, vu la dextérité de leur fabricant.

L’héritier des anciens artisans
Le fils d'Al-Fostat continue de nous surprendre.

Mohamad Mandour est un fils du vieux quartier d’« Al-Fostat », aux alentours de la mosquée bâtie par Amr Ibn Al-As au lendemain de la conquête islamique de l’Egypte. Le quartier est auréolé de légendes, mais il a aussi été longtemps connu comme étant le fief des maîtres de la poterie. Celle destinée à l’usage domestique comme celle à dessein plus artistique. Les traditions et techniques de la fabrication de poterie, depuis l’antiquité, y sont utilisées jusqu’à nos jours. Mohamad Mandour est issu de cette longue tradition, ce qui ne l’empêche pas d’innover dans cet art millénaire. Les amateurs de poterie et de céramique peuvent actuellement admirer son travail à la galerie Picasso, à Zamalek, au Caire.

La précision de la fabrication résulte d’une grande passion. Mandour s’y met sans modération, et cela se ressent dans ses oeuvres, qui affrontent majestueusement le temps. On a l’impression qu’elles font partie du passé, mais, en même temps, sont très modernes et ouvrent des fenêtres sur l’avenir. L’art de Mandour est intemporel. De quoi pousser les critiques à le considérer comme « inclassable », « en dehors du temps », et « appartenant à l’essence de la civilisation humaine ». « Dès mes débuts, je suis convaincu de la nécessité de baser mon travail sur des techniques et des méthodes héritées de l’ancienne Egypte », indique Mohamad Mandour.

Les traces d’autres civilisations — hellénique, persane et romaine — sont également perceptibles dans ses objets, notamment dans ceux en céramique. D’ailleurs, le critique et artiste Ezzeddine Naguib rappelle constamment que le travail de Mohamad Mandour, en poterie ou en céramique, comporte des dimensions multiples. On y retrouve son âme authentique, sa vocation innée ainsi qu’un héritage antique. Et à Naguib de souligner : « Il réussit, grâce à ses techniques et son style recherché, à créer des effets d’usure, à refléter les marques du temps sur ses créations. Il a redonné vie aux jarres de grande taille qu’on utilisait autrefois pour préserver les produits alimentaires pendant de longues durées ».

Jouer avec la pâte d’argile

Un jour, une princesse en provenance d’un pays du Golfe a visité son atelier et a choisi l’une de ses pièces, qu’elle a récupérée quelques heures avant de prendre l’avion pour son pays. Peu de temps après, Mohamad Mandour a reçu un inspecteur de la police des antiquités, qui était persuadé que l’oeuvre achetée par la princesse est une pièce ancienne. Heureusement, Mandour précise, tous ses objets portent sa signature ainsi que la date de la création, à la base de la poterie. Cette anecdote, l’artiste la raconte souvent, afin de montrer à quel point ses créations ont l’air authentique. Elles peuvent même semer le doute chez les spécialistes, selon lui.

Né et ayant grandi à Fostat, l’artiste a été formé à la poterie dès son plus jeune âge. Il a commencé à travailler pour aider sa famille à joindre les deux bouts. L’atelier est presque son terrain de jeu. A la différence des autres apprentis, Mandour était enthousiaste, ambitieux et trouvait énormément plaisir à malaxer la pâte. Peu docile, il changeait souvent de maître, jusqu’au jour où il est tombé sur un patron qui a cru en son talent. Ce dernier lui a appris tous les secrets du métier tout en lui laissant la liberté de faire des essais, en tout. Chez ce patron, Mandour a aussi rencontré l’artiste-sculpteur Mohamad Hagrass, qui l’a emmené avec lui dans la banlieue de Hélouan, dans le but de se consacrer entièrement à ses créations artistiques.

Depuis cette date, dans les années 1960, encouragé par la bienveillance de Hagrass et de l’artiste Safia Helmi, Mandour crée une pièce tous les jours. Il mène une recherche continue dans le domaine de la matière, pour atteindre l’éternité. A travers l’exposition à la galerie Picasso, l’artiste confirme une fois de plus que l’éternité est à sa portée. Son nom y sera gravé en lettres d’or.

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