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Dans l’espoir d’un rebond favorable

Mona Chédid, Lundi, 18 février 2019

La réalisatrice soudanaise Marwa Zain vient de projeter son premier long documentaire au Festival du film de Berlin. Offside Al-Khartoum (Khartoum, hors-jeu) parle du combat de l’équipe féminine soudanaise de football pour obtenir une reconnaissance officielle.

Dans l’espoir d’un rebond favorable
Les jeunes sportives sont de vraies battantes.

La première internationale du film documentaire de la réalisatrice soudanaise Marwa Zain a eu lieu à l’occasion de la 69e édition du Festival de Berlin, qui s’est tenue du 7 au 17 février, dans la section Forum. Il s’agit du premier long métrage de Zain qui a déjà signé deux courts métrages— un docu­mentaire sur la photographe Randa Shaath et une fiction, A Game, d’après le texte d’Alberto Moravia, Let’s Play a Game.

La réalisatrice, qui a vécu long­temps en Egypte et qui y a achevé ses études à l’Institut du cinéma en 2009, a décidé de renouer avec ses origines soudanaises dans ce pre­mier long métrage, Offside Al-Khartoum (Khartoum, hors-jeu). Celui-ci aborde la condition fémi­nine au Soudan à travers le combat de l’équipe de football féminine, dont les membres luttent pour prendre leur place sur la scène spor­tive soudanaise. Elles veulent abso­lument représenter leur pays dans les compétitions internationales, alors que l’Union soudanaise de football leur met les bâtons dans les roues, leur refusant toute reconnais­sance officielle ou financement. Et ce, sous prétexte qu’elles n’ont pas soumis tous les documents requis sur le plan administratif.

Même la seule femme membre de l’Union du football ne leur est d’au­cun soutien. Les jeunes sportives se battent donc envers et contre tous. Elles essayent de poursuivre leur rêve et d’aller jusqu’au bout, même si leur vie est loin d’être simple. Car elles livrent également une bataille contre la pauvreté, le sexisme et s’entraînent souvent à leurs propres frais. Leur survie est ainsi une lutte au quotidien.

Le poids du politique

A travers cette expérience humaine et sportive, Marwa Zain passe en revue plusieurs problèmes sociopoli­tiques, comme la division du Soudan en deux Etats. Sarrah, la capitaine de l’équipe, a du mal à renouveler son passeport, car son père est du Sud et sa mère du Nord. Elle rêve de repré­senter le Soudan unifié en jouant au football lors de la Coupe du monde de football féminin, l’été prochain.

Marwa Zain passe d’une histoire à l’autre et d’un problème à l’autre, pour montrer que le statut de la femme se dégrade. La situation d’aujourd’hui n’a rien à voir avec les photos qu’elle montre et qui mon­trent des femmes soudanaises dans les années 1960-1970. Des photos de sportives, de chanteuses, de photo­graphes, d’activistes, etc. « Nous sommes les enfants de l’ancienne Nubie. Notre histoire abonde de reines et de combattantes. L’histoire de l’humanité commence en Afrique. J’ai besoin de 100 films pour en parler », déclare la réalisatrice. Et d’ajouter : « J’ai décidé de faire un bond en arrière pour comparer le statut de la femme autrefois et l’état actuel. La première femme parle­mentaire arabe était soudanaise, elle s’appelait Fatma Ahmad Ibrahim. Il y avait aussi une juge femme. En ce moment, dans les manifestations contre le régime, les activistes femmes sont aux premiers rangs. Pourtant, elles peuvent être condam­nées à 40 coups de fouet selon la loi si elles osent porter des pantalons, fumer des cigarettes ou boire de l’alcool ».

L’idée du film est née via une initiative de l’institution soudanaise Röya (vision), qui a demandé à la réalisatrice de tourner un court documentaire sur l’équipe de foot­ball féminine, afin de l’aider à se faire reconnaître. Marwa Zain s’est prise d’amitié pour ces jeunes femmes et a ensuite voulu faire un film plus long sur elles. Le tournage a duré plus de 4 ans, à partir d’oc­tobre 2014. Marwa Zain a autofi­nancé son film, car l’industrie du cinéma n’existe plus au Soudan. Ensuite, elle a été matériellement soutenue par la productrice égyp­tienne Géhane Al-Tahri et le pro­ducteur danois Henrik Underbjerg.

Ce n’était pas facile non plus d’obtenir des autorisations de tour­nage. La réalisatrice a filmé parfois avec une caméra cachée ou sous la protection des gens du quartier où vivent les sportives. « Je souhaite que le film mette en lumière la cause de ces jeunes filles et qu’elles puissent participer à la Coupe du monde prévue l’été prochain en France. Pour cela, j’ai tenu à ce que le film soit projeté à l’étranger, dans un festival international, pour avoir plus d’écho », explique Zain.

Le film sera projeté en mars au Festival de documentaires CPH : DOX, puis il sera en tournée au Canada et aux Etats-Unis. « J’espère qu’il sera bientôt projeté au Soudan », conclut la réalisatrice .

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