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Mahmoud Sabbagh : J’ai décidé de présenter un problème délicat, mais dans un cadre et un esprit légers

Yasser Moheb, Lundi, 26 novembre 2018

Dans un entretien accordé à Al-Ahram Hebdo, le scénariste et réalisateur saoudien Mahmoud Sabbagh revient sur son deuxième long métrage, Amra wal Ors Al-Sani (Amra et le deuxième mariage), projeté lors du Festival international du film du Caire.

Mahmoud Sabbagh

Al-Ahram Hebdo : Pour commencer, qu’est-ce qui vous a incité à écrire et à présenter ce film critiquant certaines traditions de la société saoudienne ?

Mahmoud Sabbagh: En tant qu’artiste et citoyen dont le métier est de montrer les réalités à sa façon sur l’écran, je voulais faire un film sur les luttes des femmes dues à certaines moeurs et convictions sociales aussi nocives que courantes. J’ai décidé alors de présenter un problème délicat et un sujet assez sombre, mais dans un cadre et un esprit légers.

J’ai donc utilisé des éléments narratifs différents et des traits de comédie noire allant jusqu’à l’absurdité, tout en évitant toute audace qui pourrait être le premier choix de certains cinéastes abordant un thème pareil. J’ai aussi essayé de présenter un dialogue adéquat sur les droits des femmes, alors que le film ne traite pas seulement de femmes, mais parle en outre du patriarcat, d’une société impitoyable le plus souvent avec la femme, de la stigmatisation et, en particulier, des femmes au foyer et de ce qu’elles deviennent si elles demandent le divorce ou se trouvent du jour au lendemain divorcées.

Il s’agit également des privilèges des hommes et de la manière dont ils peuvent s’en sortir. Ce sont des problèmes auxquels nous sommes confrontés de manière quotidienne et sur lesquels nous devons attirer l’attention. Toutefois, je dois avouer que j’ai été inspiré par le style de narration des frères Coen et par leurs techniques de discussion de n’importe quelle idée sérieuse et délicate, mais dans un cadre comique, voire parfois sarcastique.

— Choisir une actrice non professionnelle pour le rôle principal, n’était-ce pas une aventure, surtout dans votre deuxième expérience cinématographique ?

Vous avez raison, mais j’ai pris l’oeuvre tout entière comme une aventure— pleine de risques, mais aussi pleine d’ambition et d’expérimentation. J’ai fait des auditions et des castings pendant quatre ou cinq mois avant de trouver ce que j’imaginais en ce qui concerne le look et la performance. J’ai trouvé en Al-Chaïmaa Tayeb ce que je cherchais. Elle m’est venue à l’esprit une fois que j’avait terminé l’écriture du film et j’ai pensé qu’elle pouvait être la meilleure pour ce rôle. Je n’ai pas écrit le rôle pour elle, mais en relisant le scénario, j’ai trouvé en elle cette puissance et ce look naturel indispensable, à mon avis, pour le rôle.

Le personnage lui est propre: elle est une femme dans la quarantaine, mère de deux enfants et elle a vécu des expériences très similaires avec des femmes de son entourage. Je l’ai donc appelée et lui ai demandé si elle voulait jouer tel rôle, dans tel film et avec tel sujet. Elle m’a répondu: « Mais pourquoi pas ? », et c’était parti. Autour d’elle, j’ai réussi à trouver un bouquet d’acteurs et d’actrices tous convaincants à mon avis, pour commencer une période de cinq mois de répétitions et de discussions avant le début du tournage.

— Trouvez-vous que votre film facilite la présentation de ce type de sujets devant un public international ?

— Espérons-le, puisqu’il a été présenté dans des festivals et manifestations internationaux et essaie de discuter d’idées dont la majorité est locale, mais à la portée peut-être universelle. Quand j’ai montré ce film à des amies d’Italie et d’Europe, elles se sont retrouvées dans quelques détails concernant les problèmes et les sentiments des femmes face à une certaine oppression masculine ou injustice sociale. Il y a peut-être parfois des similitudes, loin de toutes les différences géographiques.

— Finalement, quels défis devront, selon vous, être relevés par les cinéastes et artistes saoudiens? Et quels sont vos prochains pas sur le chemin de la création d’un cinéma saoudien différent ?

— Nous vivons une période importante pour tout artiste saoudien, celle du début d’une révolution culturelle, où l’on ouvre des cinémas et présente tant de nouveaux films de divertissement en Arabie saoudite. A mon avis, c’est un bon moment pour être présent. Mais ce ne sera pas facile et nous devons nous efforcer de réaliser quelque chose de différent et de fructueux.

En ce qui me concerne, je suis en train de préparer mon troisième long métrage. Il aborde comme toujours quelques problèmes de notre société, mais dans un cadre purement comique, dans le but de pouvoir aider à les résoudre et à réaliser le changement dans le bon sens. Je le fais avec passion et je souhaite que mes histoires paraissent de plus en plus et puissent faire du bien .

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