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Haro sur la politique

Fawzi Soliman , Lundi, 17 juin 2013

Omni présente dans les films de la 16e édition du Festival international d’Ismaïliya des documentaires et des courts métrages, la politique s’est aussi imposée dans les débats et les coulisses du festival.

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La politique était omniprésente dans les films venus de divers pays du monde. Telle est l’image de cette seizième édition. Le film libanais Nuits sans sommeil, réalisé par Eliane Raheb, scénario et production de Nizar Hassan (prix du jury), relate l’itinéraire d’un ancien responsable de la milice des forces libanaises dirigées par Béchir Gémel, pendant la guerre civile qui a fait rage de 1975 à 1991.

Le film évoque son implication dans des violences et d’autres éliminations physiques et raconte comment il a tué ses adversaires de sang-froid ou déclare, sans scrupule, avoir reçu un entraînement militaire en Israël, partant d’une forte conviction de vouloir fonder une nation chrétienne solide. Il affiche son repentir, mais n’est pas honnête au fond de lui-même.

Le film danois The Act of Killing, réalisé par Jushua Oppenheimer, met à nu une page noire de l’histoire de l’Indonésie, à l’heure du renversement du gouvernement de gauche en 1965 et de l’accession d’un gouvernement fasciste qui a persécuté et assassiné tous ceux qui étaient suspectés de déloyauté, tuant ainsi plus d’un million de citoyens.

Le réalisateur fait parler certains de ces criminels qui ont abordé avec fierté leurs actes et qui ont été largement récompensés par le nouveau gouvernement.

Le réalisateur du film palestinien Gaza 36 mm, Khalil Muzayen, qui a étudié le cinéma à Moscou, a raconté, au cours de la projection-débat, qu’il voulait enregistrer son témoignage sur la disparition et l’incendie de 10 salles de cinéma à Gaza par les « extrémistes ».

Ces derniers avaient commencé par s’attaquer au cinéma dans certaines mosquées, le taxant d’impudicité. Les cinémas étaient apparus pour la première fois à Gaza en 1944 et ses habitants trouvaient du plaisir à visionner les films égyptiens. Le cinéma Al-Nasr projetait des films américains et arabes contemporains. Mais cette salle fut incendiée, comme pas mal d’autres, à la grande déception des cinéphiles.

Focus : musique

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Le festival était marqué par une grande dose de musique et de chansons populaires, que ce soit dans les salles fermées ou en plein air sur les plages du Canal de Suez. Le film Electro Chaabi a projeté pendant 70 minutes les chants et danses de jeunes groupes. Les chansons populaires et les rythmes électroniques à la manière du rap populaire y sont filmés dans les quartiers populaires du Caire, comme Matariya, Imbaba et Madinat Al-Salam. La troupe musicale veut transmettre ses sentiments et ses chagrins au public. Elle est accompagnée d’un large public qui chante et danse.

Des filles voilées et d’autres non voilées dansent à leurs rythmes dans les ruelles des bidonvilles, où les oies courent et les pigeons s’envolent. Ces jeunes expriment leurs maux, se demandent si la révolution qu’ils ont menée incarne leurs ambitions et dressent une critique acerbe de la société. Ces chansons interprétées dans un langage populaire spontané constituent une sorte de défoulement pour les jeunes opprimés, révoltés contre les contraintes.

Après la projection du film longuement applaudi, le public a appris, à sa grande surprise, que la réalisatrice du film, Hind Meddeb, n’était pas de nationalité égyptienne, mais qu’elle se considérait comme méditerranéenne et travaillait comme correspondant auprès de la chaîne Arte en Tunisie et en Egypte. Comment alors a-t-elle pu transpercer les tréfonds de la jeunesse égyptienne ? C’est le réalisateur égyptien du cinéma dit indépendant Ibrahim Al-Battout qui l’a orientée et l’a présentée aux troupes. Et le film est produit par Studio Misr.

Sur la plage, était projeté le documentaire Chante pour la liberté, Eskenderilla de Tamer Ezzat et Tamer Al-Hawari, lequel relate le parcours de ce groupe musical. Après la projection, le public avait rendez-vous avec la troupe qui a chanté pour lui et répondu à ses questions.

Premières

En outre, le festival a attiré un grand nombre de films, projetés pour la première fois au Moyen-Orient, favorisant la jeunesse. La cinéaste Alia Ayman a réalisé un superbe film Défoulement : une autobiographie. Elle y aborde sa position envers la société et les tabous dans une tentative de parvenir à une réconciliation avec soi-même. Son film a décroché le prix du meilleur court métrage. La réalisatrice a d’abord essayé de s’exprimer à travers la poésie et les nouvelles avant d’opter pour le cinéma.

Cette dernière édition a réussi à organiser le forum de la production arabe, avec la participation de jeunes réalisateurs venus d’Egypte et d’autres pays de la région sous la direction de la jeune réalisatrice Magy Morgan. Trois projets ont été sélectionnés dans ce cadre. Le directeur du festival, Mohamad Hefzi, a déclaré pouvoir contribuer au financement des sept autres projets non élus.

L’instrument musical authentique de la région du Canal, al-semsemiya (lyre orientale), a été choisi comme trophée, marquant le caractère typique du festival .

Madame la présidente

Cette année, la réalisatrice Tahani Rached était présidente du jury pour la section Documentaires. Elle a marqué le public de par le monde avec des films comme 4 femmes d’Egypte sur l’amitié de quatre militantes emprisonnées ensemble, Ces filles-là sur les enfants de la rue et Voisins sur le quartier cairote de Garden City. Son dernier film Un Long souffle portait sur les événements de la révolution, vus par une famille égyptienne .

Le festival des 6 jours

Peu avant la cérémonie d’ouverture, une panoplie d’intellectuels s’est réunie devant le Palais de la culture, sous la houlette du réalisateur Magdi Ahmad Ali, qui lui-même a présidé la 15e édition du festival. Ils levaient des pancartes dénonçant les décisions du ministre de la Culture, scandant « A bas la gouvernance du guide de la confrérie ! ».

Avec son courage et son calme habituel, le président du festival, Kamal Abdel-Aziz, a mis l’accent sur le message que véhicule l’art et sur son rôle constructif, invitant le réalisateur et chercheur Hicham Al-Nahass à prononcer l’allocution inaugurale en sa qualité de fondateur du festival. Al-Nahass, s’appuyant sur sa canne, est monté sur l’estrade et a éclairci pourquoi la ville côtière sereine d’Ismaïliya avait été choisie pour accueillir le festival afin de briser le monopole culturel du Caire. Le festival avait d’abord un cachet national et durait 3 jours, puis s’est transformé en un rassemblement international de 6 jours, depuis 1991 .

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