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Azzedine Hakka : L’artiste a le droit de rêver et de revendiquer l’utopique

May Sélim , Mardi, 18 septembre 2018

Dans un entretien accordé à Al-Ahram Hebdo, le metteur en scène algérien Azzedine Hakka évoque son spectacle Ceux qui brûlent, en représentation au Festival du Caire et qui aborde les crises et l’inégalité dans les pays du monde arabe.

Azzedine Hakka

Al-Ahram Hebdo : Comment est née l’idée de votre spectacle Ceux qui brûlent ?

Azzedine Hakka : J’avais entendu, par hasard, un texte à la radio qui m’avait beaucoup touché. C’était Mondes, écrit par la Roumaine Alexandra Badea. Je l’ai contactée et lui ai proposé l’adaptation de son texte pour le théâtre. Je lui ai ensuite envoyé des extraits de journaux, portant sur l’actualité politique de la région moyen-orientale, en y ajoutant quelques-unes de mes idées, pour qu’elle-même fasse l’adaptation. Le texte original traitait d’une correspondance entre une femme et un photojournaliste.

— Vous abordez dans votre spectacle la crise du Yémen, les frustrations des peuples des pays arabes, les guerres, etc. Est-ce un théâtre engagé qui condamne l’injustice partout dans le monde ?

— En fait, on ne condamne pas. On pose des questions. Pourquoi, par exemple, certains êtres humains ont-ils le droit de voyager et d’autres non ? Ceux qui portent le passeport algérien et ceux qui portent le passeport français ou européen n’ont pas les mêmes droits. Les sujets évoqués dans le spectacle, comme les guerres et les crises des pays arabes, sont pour moi des sujets universels. Il n’est pas question d’aborder un problème propre ni à l’Algérie, ni à la France. On rêve plutôt d’un monde en équilibre. Je vous parle en tant qu’être humain, non pas en tant que personne qui réside ici ou là. Il faut traiter ce genre de sujets selon un point de vue humain et non pas politique, ni autre. C’est utopique. Mais l’artiste a le droit de rêver et de revendiquer l’utopique. D’ailleurs, c’est aux opprimés de réclamer leurs droits. L’utopie, pour moi, c’est de la poésie. C’est le monde dans lequel toute personne souhaite vivre, un monde égalitaire et juste.

— A chaque représentation, le spectacle se renouvelle. S’agit-il d’un travail en continu ?

— On est encore dans une phase d’expérimentation. On ajoute des scènes, on fait des changements, etc. Ici, au Caire, j’ai ajouté des images en rapport avec l’actualité et j’adapterai au fur et à mesure le spectacle en suivant ce qui se passe dans le monde. Les chiffres doivent être actualisés, ainsi que les rapports des journaux que les comédiens lisent.

— Votre création est une production récente de votre troupe, qui sera en tournée dans les jours à venir. Quelles sont vos prochaines destinations ?

— Notre troupe est francoalgérienne. La première de cette pièce a eu lieu en France, le 24 juillet dernier. L’actuelle représentation au Festival du Caire constitue la première dans le monde arabe. On jouera le spectacle à Paris, le 25 novembre prochain, puis à Meknès, au Maroc, du 20 au 23 décembre. On le donnera au Montrouge au début de 2019 et ultérieurement au Burkina-Faso en 2020. On se produira également dans d’autres pays arabes, mais les dates sont encore à déterminer.

— Vous travaillez souvent l’image à travers une nouvelle technique de vidéo : le mapping, une technique de projection multimédia, appelée aussi fresque lumineuse ou projection illusionniste. Misez-vous davantage sur le visuel ?

— En Europe, la technique du mapping est arrivée il y a sept ans. J’y ai été formé il y a presque un an. J’ai toujours voulu travailler l’image avec le verbe et les corps des personnages. C’est mon théâtre. C’est ce que j’ai toujours voulu faire et ce que je défendrai.

— Que représente ce Festival du théâtre contemporain et expérimental pour vous ?

— Participer au jubilé d’argent de ce festival égyptien constitue un honneur pour notre troupe. On est intéressé par le festival pour deux raison : d’abord, on fait du théâtre expérimental et militant, un théâtre de pensée. Ce n’est pas un théâtre de mouvement. Ensuite, ici, au Caire, le spectacle est à sa place, parce que c’est un festival contemporain et expérimental. On est dans une forme théâtrale un peu lente où le corps est fatigué et ancré dans le sol et où le débit de la parole est un peu long. Le festival fait place à d’autres visions que le théâtre classique. Un spectacle expérimental peut paraître un peu complexe, dense ou lourd, mais c’est ainsi que l’on crée d’autres formes de théâtre. Le Festival du Caire nous permet donc de rencontrer d’autres genres, d’explorer nos connaissances et de tester nos expériences face à un nouveau public arabe .

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