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Une comédie qui ne va pas au bout de ses idées

Yasser Moheb, Lundi, 10 septembre 2018

La nouvelle comédie Al-Badla (le costume), avec Tamer Hosni, Akram Hosni et Amina Khalil, est plutôt réussie, mais pèche par manque de crédibilité. Film en tête du box-office.

Tamer et Akram Hosni, le costume ne fait pas l’officier.
Tamer et Akram Hosni, le costume ne fait pas l’officier.

Quand une star du box-office rencontre une autre star du box-office, tous les voyants sont au vert pour faire scintiller le film de la fête aux millions d’entrées et de revenus. Et c’est tout le bien que l’on pourrait souhaiter au jeune réalisateur Mohamad Gamal Al-Adle alias Mando Al-Adle, avec Al-Badla (le costume). Une comédie romantique qui vient de le placer au sommet du box-office égyptien.

Le tandem Tamer Hosni et Walid Mansour revient avec une nouvelle comédie populaire, Al-Badla (le costume). Encore une fois, tous les deux réussissent bien l’exercice, mais malgré un casting abouti et un scénario potable, le film pèche par manque de crédibilité dans la caricature de ses personnages.

Le scénario du film est simple, mais fonctionne plutôt bien. Walid Gamal, interprété par Tamer Hosni, est un jeune chômeur qui n’a pas réalisé les rêves de sa mère, campée par Dalal Abdel-Aziz. Styliste de mode et de costumes pour les oeuvres artistiques, il a commencé à travailler avec son oncle, ayant le même âge que lui, Hamada Aïn Al-Aql, joué par Akram Hosni. Un jour, il reçoit une invitation sur Facebook, regroupant tous les anciens élèves de son école, y compris Rim — interprétée par Amina Khalil — son amour d’enfance. Croyant par erreur qu’il s’agissait d’un bal masqué, le jeune Walid emprunte deux costumes d’officiers, pour lui et pour son oncle.

Ses anciens camarades de classe pensent vraiment qu’il était devenu policier, alors il continue son jeu de déguisement jusqu’au bout, encouragé par le prestige qu’on lui accorde.

Le film respecte parfaitement les codes de la comédie et plus précisément ceux de la comédie populaire, oscillant entre farce et vaudeville. Ainsi, le film est conduit par ce duo comique, un jeune bateleur accompagné de son auguste. Le personnage de Tamer Hosni est celui qui doit subir son compère, de quoi amener le ressort comique. Akram Hosni, lui, joue parfaitement le gaffeur et entraîne forcément certains effets clichés. Une bonne caricature fonctionne lorsque les acteurs accentuent les traits crédibles et risibles. Et sans nul doute, les scènes les plus drôles du film sont celles où les protagonistes parodient le monde des policiers.

L’écriture évolue constamment: au début, c’est du comique de situation, un peu de répétition, mais après, le scénariste Ayman Bahgat Qamar va chercher la comédie dans des situations qui pourraient être beaucoup plus grinçantes.

Critiquer tout en restant gentil !

Le gros inconvénient avec Al-Badla (le costume), c’est que les gags ne font que chercher à faire rire et non pas à laisser rire, et grande est la différence. Le film reste toujours gentil et politiquement correct. Il ne va pas à fond dans la caricature. L’oeuvre reste toujours dans la mesure, alors que les auteurs tapent au bon endroit sur ceux qu’ils chargent. Une fois encore, s’ils y vont, qu’ils y aillent à fond. Et dans les recoins de cette comédie romantique gaie, le scénariste essaie de glisser— à sa façon peut-être pas la meilleure— plein de petites idées, sur la différence, sur l’ambition, sur le paraître qui peut cacher un profond mal-être. Autant de petits éléments qui ne font que s’éparpiller sans trop nuire à cet attrait qui se noue entre le spectateur et cette comédie, la grande gagnante du box-office de la fête.

Malheureusement, Al-Badla reste tout le temps sur la retenue, et le film devient complètement inoffensif et plat. Il vire même dans l’exagérément gentil pour tous les caractères qu’il présente, y compris celui du méchant bandit, presque larmoyant à la fin.

Au final, on a le sentiment d’avoir vu un film qui ne prend jamais le moindre risque, qui se moque un peu, mais en faisant attention de ne pas trop brusquer et de n’égratigner personne. Dommage.

Outre la présence de Tamer Hosni et d’Akram Hosni, le film réunit quelques seconds rôles qui font plaisir à voir. Dalal Abdel-Aziz renvoie décidément à son rôle habituel de mère du héros. Mais cette fois-ci, le spectateur la découvre un peu plus, et la voit gaffer presque à chaque scène. A l’inverse, Magued Al-Masri dans le rôle de l’international criminel professionnel, Marcos, est parfait en costaud complètement déjanté. Amina Khalil, pour sa part, offre au film une certaine fraîcheur, sans gagner au niveau artistique.

Un nouveau-venu au genre comique

Dans le paysage surpeuplé des comédies égyptiennes, c’est sans trivialité, sans débauche et avec une certaine clémence qu’Al-Adle Junior fait ses débuts de metteur en scène de comédies. Outre une drôlerie qui fait parfois mouche sans pour autant rechercher l’outrance poussive de la caricature des personnages, Mando Al-Adle fait preuve de beaucoup de sensibilité pour emballer un scénario au message simplissime sur la différence. Il défend l’idée que l’amour peut balayer tous les obstacles, et qu’à chacun de trouver le costume qui lui convient réellement.

Le réalisateur fait des situations drôles, une comédie saltimbanque, tantôt directe, tantôt malicieuse. Alors certes, l’effort est un peu crédule, souvent convenu et globalement tiré par les cheveux, mais sans verser dans la fable sociale subtile et profonde.

Décidément, ce n’est pas encore avec ce Costume que les acteurs entreront au grand panthéon du cinéma comique égyptien. En l’état, ils rejoignent surtout le long cortège de ces humoristes qui tentent de transposer leur style cocasse sur grand écran.

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