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Retour au bercail

Dalia Chams, Mardi, 07 août 2018

Une pléthore de chansons, mais très peu de nouveautés. Les tubes lancés à l’occasion de l’été reflètent plus ou moins une tendance traditionnelle et une rupture avec le genre révolutionnaire.

Retour au bercail
Magda Al-Roumi danse et chante à la libanaise.

Loin de l’approche intellectuelle et révolutionnaire qui a marqué la scène musicale arabe ces dernières années, du marginal qui était devenu mainstream, on assiste en ce moment à un retour au bercail. C’est ce qui marque les titres sortis cet été. La jeunesse, qui avait quitté les rues et avait trouvé un autre terrain d’expression dans le champ musical, n’est plus sur le devant de la scène. On trouve plutôt des starlettes botoxées qui proposent de la pop bubble gum. Les chansons offertes par les nouvelles cassettes ou les singles qui viennent d’être lancés sur la toile ne nous placent plus aux coeurs des villes arabes en mouvement. On cherche refuge, par leur intermédiaire, dans un monde pseudo-classique, mettant en avant les affres de l’amour, ses souffrances, la prise de distance, etc.

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Abir Nehmé s’interroge : Mais t’es où ?

Ce ne sont plus les jeunes qui sont les acteurs d’une métamorphose, mais des stars relookées, parfois ultraliftées pour nous étonner avec leurs non-rides ou leurs lèvres pulpeuses. Ceci ne veut dire aucunement manquer d’égard à leurs talents et à leurs capacités à faire exploser la toile, car effectivement, certains ont frappé fort, dont notamment Amr Diab lequel gagne souvent son pari. La sortie de l’un de ses nouveaux CD est toujours l’événement musical de la saison.

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Amr Diab, à chaque fois un nouveau look.

Diab sait séduire sans pour autant innover. Nouvelle coupe de cheveux balayés, le chanteur vient de lancer Dah Law Etsab (si je le quitte), disant sur un rythme dansant : « Si je m’en sépare, je perds les nerfs et vis dans la souffrance ». Mieux vaut donc pas. Une autre chanson du même CD ayant pour titre Lahn Al-Wadaa (un air d’adieu) tire toujours sur la corde de la séparation : « En se quittant, tu m’avais promis tant de choses, tu m’avais dit que tu allais faire revivre tous nos beaux souvenirs. Plus tard, je t’ai retrouvée, avec un autre et avec ton enfant à qui tu as prêté mon prénom ». La musique ressemble pour beaucoup à celle de ses précédentes chansons. Incontestablement son rival, Tamer Hosni opte pour un sujet plus amusant, avec la chanson phare de son album : Eich Béchoqak (ne faire qu’à sa tête). Malgré ses positions ambiguës lors de la révolution de 2011, ce dernier reste un chanteur très apprécié. Il chante comme en parlant un langage de tous les jours : « Vis comme tu peux, selon ton goût. Si la vie te fait chier, il faut la savonner et porter un masque gai. Prétends que tes chaussures Bata sont signées. Dépense tout ce que tu as dans les poches … Le sel et le sucre ont la même couleur, l’un est salé, l’autre doux ».

L’accent libanais

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Marwan Khouri, un maître du romantisme.

Ce n’est plus la mode du raï « World Music » des années 1990, ni la saison des artistes rock et électro, ni des groupes underground, mais cet été s’avère plus traditionnel. Il se caractérise par une centralité égypto-libanaise. Car outre ces deux noms égyptiens, les artistes libanais sont plusieurs à avoir lancé de nouveaux tubes. Citons-en Magda Al-Roumi, Marwan Khouri, Elissa et Abir Nehmé. D’où un autre phénomène souligné, non innocemment, par les médias, ces dernières années : l’Egypte a véhiculé pendant trois quarts de siècle (1904-1975), dans le reste du monde arabe, un modèle culturel ; aujourd’hui, ce sont les Libanais qui donnent le ton. L’égyptianisation « forcée » des chanteurs arabes et le modèle égyptien sont devenus obsolètes à l’orée des années 1980. Les chanteurs libanais sont fiers de l’accent levantin. Majda Al-Roumi chante sur un air de Dabké assez joyeux, un rythme de danse levantine qui n’est pas sans rappeler certaines chansons de Faïrouz, composées par les Frères Rahbani. C’est Charbel Rouhana qui signe la musique de cette nouvelle chanson de Majda Al-Roumi, Mili Ya Hélwa (penche-toi ma belle) : « Penche-toi en dansant ma belle, libère ton corps mince. Applaudis jusqu’à me rendre les années qui m’ont échappé ».

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Tamer Hosni sème la gaieté.

En effet, c’est l’une des chanteuses en bons termes avec les années qui passent, contrairement à une Elissa qui se veut constamment jeune, déplorant sa solitude, à travers sa chanson : Ana Wahida (je suis seule) : « Je suis seule, je tourne en rond depuis des années. J’essuie mes propres larmes à la main. Je ne rêve même pas de repos, comme enfermée dans une chambre ». Une autre chanson slow est également en lien avec le temps qui passe, Ah Ya Zamani Ah ! (ô le temps !) : « J’aurais bien aimé consoler mon soi-même, lui faire oublier tant de souffrances ». Puis, elle reprend un chef-d’oeuvre de Warda et Baligh Hamdi, Wahchtouni (vous m’avez manqué), dans une imitation fade et monotone.

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Elissa est toute seule.

Abir Nehmé a choisi une belle musique de Marwan Khouri, dans Waynak (où es-tu ?) : « Quelles nouvelles ? Je te manque toujours autant ? (…) le rire pleure suivant tes mélodies ». Une chanson différente composée par Khouri, dont le nom est devenu au fil des ans synonyme de succès romantiques. Il a sorti lui aussi un nouveau titre : Samaani Ghénniya (écoute la chanson), où il maintient l’équilibre entre douceur pop et mélodies orientales. Il reste fidèle à son style plus au moins classique, sans trop de chichis. Malgré cette pluralité, il n’y a pas cet été un refrain qui nous trotte particulièrement dans la tête toute la journée.

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