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Histoires de corruption mal ficelées

Yasser Moheb, Lundi, 04 juin 2018

Dans son téléfeuilleton du Ramadan Awalem Khafiya (mondes cachés), Adel Imam campe le rôle d’un journaliste enquêtant sur une série d’affaires de corruption. Après des premiers épisodes convaincants, l’histoire s’alourdit de longueurs et d’un manque de chronologie thématique que même Al-Zaïm n’arrive pas à compenser totalement.

Histoires de corruption mal ficelées
Adel Imam tente de changer de peau.

Parmi les émissions de la grille de ce mois du Ramadan figure, en bonne place, le téléfeuilleton Awalem Khafiya (mondes cachés), avec la star Adel Imam. Ecrit par le trio Amin Gamal, Mohamad Mehrez et Mahmoud Hamdan, et réalisé par Rami Imam, le feuilleton nous place, sous forme de thriller, au sein d’une série d’investigations qui dévoilent la corruption à différents niveaux de la société égyptienne, et ce, à travers les enquêtes menées par le journaliste vétéran Hilal Kamel, joué par Adel Imam. Ce personnage, connu dans son entourage par son objectivité et sa passion de poursuivre les fautifs, trouve — par pur hasard — les mémoires d’une comédienne nommée Mariam Riad, qui vient de mourir. Ces mémoires dévoilent la corruption de plusieurs personnes et responsables de haut rang, dont les noms et prénoms sont indiqués par les initiales, ce qui constitue, pour le journaliste Hilal, une source de curiosité et aiguise son appétit d’investigateur.

Le feuilleton démarre sous forme d’événements qui reprennent des faits actuels de la société égyptienne contemporaine et à travers lesquels le téléspectateur fait la connaissance du héros, campé par Imam, et de son entourage, c’est-à-dire de ses collègues, fans ou disciples parmi les journalistes et de quelques célébrités et responsables, dont la vie ou les crimes sont suivis par le héros, afin d’en déchiffrer les énigmes. L’histoire se tisse ensuite autour de relations problématiques, mais ne tombe pas dans la dénonciation éclatante d’une société égyptienne en constante mutation et qui est — selon le dialogue des premiers épisodes — « en train de changer de peau pour se débarrasser de ses anciens maux ». Après ces quelques épisodes introductifs, l’intrigue commence à décoller, mais dans quelle direction ? Malheureusement dans tous les sens ... Suspense, faits historiques, ascensions dramatiques, enquêtes scénaristiques, tout est là, mais sans chronologie thématique linéaire. Côté fond, Adel Imam a essayé de changer de peau à travers le remplacement de son scénariste fétiche Youssef Maati. Formant un tandem à succès depuis près de vingt ans, le duo Imam-Maati a connu beaucoup de réussites sur le plan cinématographique comme sur celui du drame télévisé. Mais si de nombreuses oeuvres ont été encensées par la critique et célébrées par le public et les box-offices, elles ont aussi peint un portrait presque répétitif de Adel Imam, ou d’Al- Zaïm, comme les fans préfèrent l’appeler. Néanmoins, le secret ne réside pas, semblet- il, dans le nom du scénariste, mais dans les interventions évidentes d’Imam dans la trame de l’oeuvre. Adaptation oblige, les histoires des multiples personnages sont parfois abrégées et la notion de temps réel est mal transcrite. Il y a beaucoup de va-et-vient d’un personnage à l’autre, dont certains sont moins bien dessinés que d’autres, comme le personnage de Zaki, le photographe un peu comique joué par Khaled Eleich.

Du renouveau, tiré par les cheveux

Dès lors, l’histoire la plus réussie du scénario et qui retient l’attention presque tout le long des épisodes est celle de Hilal Kamel (Adel Imam). Pourtant, il faut souligner la présence de toute une série d’acteurs. Traditionnellement les oeuvres centrées sur un seul personnage, on découvre dans cette oeuvre-ci, autour d’un lieu commun, les tranches de vie de différents protagonistes, dominés chacun par la passion : le pouvoir, l’argent, l’amour, le sexe ou même les représailles. Au départ, le scénario réussit à nous fasciner par la description réaliste des différents personnages et de leur vie. Mais, au fil des événements, des longueurs s’installent et les traces d’un style théâtral signé Adel Imam n’aident point à tenir le téléspectateur en haleine.

Par ailleurs, le téléfeuilleton Mondes cachés vise haut, très haut et c’est peut-être là son principal défaut. En tête d’affiche, voici la crème de la crème de plusieurs générations d’acteurs. Du célèbre Adel Imam à la toute jeune Héba Magdi, de l’actrice faisant son come-back Wafaa Salem à la jeune Bouchra, et de Samir Ghanem et Salah Abdallah à Fathi Abdel-Wahhab, Ahmad Wafiq et aux jeunes Tareq Sabri, Mahmoud Hégazi, Hind Abdel-Halim, Khaled Eleich ou Nour Qadri, ils ont chacun leur espace dramatique à l’écran, mais, parfois, sans aucun éclat. Pour ce qui est de l’image, le réalisateur Rami Imam reste fidèle à son style élégant et bien travaillé. Le visuel attire par sa beauté et son ajustement dès les premières scènes. Et Adel Imam est lui-même, depuis quelques années, devenu le projet artistique de son fils Rami Imam. Or, tout cela n’empêche pas qu’on est face à l’oeuvre la moins éclatante de Rami Imam, puisque celui-ci a aussi plongé dans un certain simplissime. Même le débat accompagnant le feuilleton dès la diffusion du premier épisode — certaines voix affirmant que l’histoire n’est que celle du suicide de la belle Cendrillon, feue Souad Hosni, ce que l’équipe du feuilleton nie — ne réussit pas à dévier l’attention du spectateur loin de quelques défauts répétitifs. Finalement, et il faut le souligner, la présence de Adel Imam à l’écran et surtout dans les téléfeuilletons du Ramadan reste très rentable pour les producteurs et les chaînes satellites et offre un certain éclat et parfum aux drames télévisés du mois de jeûne. Une nouvelle aventure pour la famille Imam, qui n’est — jusqu’ici — malheureusement pas aussi éblouissante que de coutume. Un feuilleton qui mérite d’être suivi toutefois, aussi illogique soit-il .

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