Les deux sculpteurs alexandrins Sarkis Tossoonian et Alfons Louis exposent actuellement leurs oeuvres à la galerie Safar Khan, sous le titre La Magie d’Alexandrie. Leur ville natale demeure cette belle cité mythique et inspiratrice. L’exposition révèle le contraste entre le passé de la ville et son présent. Et ce, à travers des sculptures aux influences gréco-romaines, coptes et islamiques.

Chez l’égypto-arménien Sarkis Tossoonian, tout brille de mille éclats dorés. Les surfaces tantôt polies, tantôt granuleuses de ses sculptures en bronze mêlé au laiton restent fidèles à son esprit de contraste, se situant entre ancien et moderne. Pour Tossoonian, peu importe les détails de ses figurines ou encore de ses bustes d’hommes et de femmes, qui font appel aux divinités gréco-romaines et aux postures pharaoniques. L’important chez Tossoonian, c’est l’alchimie des matières et l’élégance des formes. « L’utilisation du bronze, du feu et de l’acide ainsi que le polissage suivent chez moi un processus empirique, jusqu’à arriver au résultat voulu. Je sculpte l’homme, aussi éternel que les divinités, mais je l’insère dans un cadre présent. D’où une touche ludique, incitant les visiteurs à réfléchir aux différentes époques et à la corrélation entre les divers paradoxes : rugueux et doux, lumineux et terne, délicat et agressif », déclare Sarkis Tossoonian.

Pour l’exposition, ce dernier a donné la priorité aux figurines en duo, trio ou en groupe. C’est dans l’union des figurines de Tossoonian que réside leur force. « Il faut nouer un dialogue entre les sculptures et les visiteurs. Le doré fait office de miroir, favorisant ce dialogue, cette communication. Il capte l’attention et invite à se regarder soi-même, pour prendre conscience de notre apparence et dépasser les valeurs du monde matériel », explique Tossoonian.

Sculpture sur bois

Du bois repêché de la mer et sculpté par Alfons Louis.

L’artiste rompt avec la verticalité des formes. D’où un nouvel effet de distorsion, qui n’existait pas dans ses oeuvres auparavant. « Mes statues sont souvent verticales. Ceci leur donne un aspect monumental », dit-il. La belle série des figurines n’est pas sans rappeler les tanagras d’antan. Tossoonian n’imite pas les anciens tanagras, mais s’en inspire, liant plutôt ses figurines à la société actuelle et au contexte contemporain. Son oeuvre Freedom (liberté) en est un bel exemple. L’artiste aspire à la liberté comme plein d’autres et se la réapproprie à sa manière et à celle des anciens.

Alfons Louis sculpte, lui, des morceaux de bois repêchés de la mer d’Alexandrie. Rejetés par la mer et récoltées par l’artiste, ils sont façonnés par lui et incrustés de pierres, de clous, de lanières, de marbre, de fer et d’autres éléments. « Sculpter sur du vieux bois des motifs préhistoriques, des personnages mythiques, des calligraphies coufiques, des motifs floraux, des créatures marines, des histoires tirées de la Bible ou autres traduit à merveille le brassage des cultures et des civilisations qui m’est cher et qui a marqué ma ville d’Alexandrie. Avec les différents matériaux utilisés, il y a toujours le jeu des contrastes, qui relève forme et texture. Mais tout est en harmonie, sans antagonisme, ni discorde. Je rêve de vivre ce même état cordial dans la réalité, un état où tout est juxtaposé, sans mésentente », conclut Alfons Louis, épris, comme son confrère, de la magie éternelle d’Alexandrie et de sa pluralité.

A la galerie Safar Khan, jusqu’au 4 mai, de 10h à 21h (sauf le dimanche). 6, rue Brésil, Zamalek.