La mort des uns bouleverse la vie des autres, comme un coup de tonnerre. C’est le cas avec la disparition subite du critique de cinéma Ali Abou-Chadi à l’âge de 72 ans. Cette figure de proue du septième art s’est éteinte dans son appartement au quartier Al-Haram, pas loin de l’Académie des arts, où il a effectué un diplôme supérieur à l’Institut de la critique artistique vers la moitié des années 1970.
Les réactions sont vives. Sur la toile, la réalisatrice et productrice Marianne Khouri déplore la perte de celui qui l’a beaucoup marquée et encouragée, alors qu’elle était à Berlin pour assister au célèbre festival cinématographique. D’une autre génération, le jeune réalisateur Mohamad Hamad affiche sa dernière photo avec le critique, à l’occasion de l’une des projections de son film à succès Akhdar Yabes (vert aride).
Plusieurs autres cinéastes se disent frappés par le décès subit du critique, qu’ils ont croisé, il y a quelques jours à peine, à la clôture du festival de l’Association du film, où il a présidé le jury. Et d’aucuns préparaient déjà la célébration qui devait lui rendre hommage, lors de la prochaine édition du festival d’Ismaïliya sur le documentaire et le court-métrage. Celui-ci est censé fêter son jubilé d’argent et, en fait, a été créé par Ali Abou-Chadi lui-même, afin d’attirer l’attention sur un genre souvent traité comme le parent pauvre de la fiction et des longs métrages.
D’ailleurs, Abou-Chadi lui a consacré l’un de ses livres intitulé Le Documentaire dans les années 1970, ainsi que d’autres écrits et articles publiés dans la presse. Car le critique était l’invité permanent des journaux et des revues spécialisées. Il a même été rédacteur en chef de deux périodiques, à savoir Al-Cinema (le cinéma) et Al-Saqafa Al-Gadida (la culture nouvelle).
Rapprocher les points de vue
Outre ses ouvrages spécialisés et très nombreux archivant l’histoire du cinéma égyptien, comme Noir et Blanc ou Les 50 Classiques du cinéma, il était aussi un fin connaisseur du cinéma arabe, sur lequel il a signé également certains livres comme Ahmad Rached, Ouyoune Taachaq Al-Cinema (Ahmad Rached, des yeux qui adorent le cinéma).
Ayant fait partie d’une génération de critiques avant-gardistes, qui ont disparu récemment l’un après l’autre, comme Samir Farid ou Fawzi Soliman, Abou-Chadi était aussi un administrateur rodé. Il a occupé plusieurs postes-clés, notamment vers la fin des années 1990 et le début des années 2000.
Sous Moubarak, il était parmi ceux qui savaient tenir la corde par son milieu, pour atteindre un compromis à même d’être respecté par les créateurs ou les professionnels du cinéma et par les autorités. Ainsi, grâce à son intervention, plusieurs crises concernant la sortie ou la censure d’un tel ou tel film ont été surmontées ou évitées, avec beaucoup de tact.
Abou-Chadi a présidé l’organisme de la censure à deux reprises. Ensuite, il a été nommé à la tête du Conseil suprême de la culture, de 2007 à 2009. Il a aussi été conseiller du ministre de la Culture entre 2009 et 2011, et ce, sans vraiment être classé comme un homme proche du pouvoir. Bien au contraire, une grande affinité le liait au monde des créateurs et des faiseurs de films. On déplore ainsi la perte d’une personnalité unique, ouverte d’esprit et qui possédait l’aptitude de rapprocher les différents points de vue.
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