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La caverne de Abla

Lamiaa Al-Sadaty, Dimanche, 17 décembre 2017

Avec une exposition organisée jusqu'au 6 janvier dans la galerie du Greek Campus, l'artiste-peintre Mohamad Abla fait un bilan de son parcours, riche en thèmes et en techniques. Visite.

La caverne de Abla
Le Tourbillon, 1995.

Il ne s’agit ni d’une porte dans la roche, ni du chef d’une bande de quarante voleurs prononçant la formule magique « Sésame, ouvre-toi ! ». Toutefois, au bout des quelques marches menant au rez-de-chaussée du Greek Campus, où se trouve la salle d’exposition, les visiteurs trouvent une véritable accumulation de trésors ! Il ne s’agit ni de diamants, ni d’or, mais des oeuvres de l’artiste-peintre Mohamad Abla. Une fois le seuil de la galerie franchi, on plonge dans le monde de celui-ci. A vrai dire, on se livre entièrement à la découverte de son parcours artistique, depuis ses débuts : qua­rante-huit oeuvres qui résument les différentes phases par lesquelles Abla a passé.

Abla fait partie de ces peintres qui refusent d’être enfermés dans une même et seule école artistique. Art abstrait, tachisme, expression­nisme abstrait … autant de tendances et d’éti­quettes qu’on a voulu lui coller. Or, ce n’est pas l’école artistique qui compte pour lui, mais plutôt le choix d’un style capable de trans­mettre ses idées. Il y a, par exemple, le portrait en pastel d’une jeune fille, remontant à 1976. Les lignes simples et épurées, la douceur et la beauté du visage sont en contraste avec la feuille de carton rugueux. « C’est Soad, le modèle que je dessinais quand j’étais encore aux beaux-arts. Faute de moyens, j’achetais le kilo de feuilles de papier à 60 piastres chez le boucher, et j’arrivais à peine à acheter une boîte de couleurs à une livre et demie », raconte Abla, en indiquant qu’il n’aurait jamais pensé exposer ce portrait. Le Tourbillon est le nom d’une oeuvre datant de1995 et qui repré­sente une autre phase de l’artiste, celle où il dessinait à l’huile sur une surface en cuivre et déposait, par la suite, une feuille de papier dessus. Couleurs et formes sont donc absor­bées par la feuille et l’artiste ne fait qu’accen­tuer certains traits à travers quelques touches de pinceau. « Cette technique a le mérite de toujours me surprendre, car il est difficile de prévoir le résultat ».

L’artiste s’intéresse également à la pho­tographie, un intérêt mis en exergue à tra­vers la posture des personnages dans sa peinture acrylique intitulée Le Frère, signée en 2008. Le collage et la peinture sur papier journal est une autre technique présentée dans l’exposition et fait surtout allusion à la période qui a suivi la révolu­tion du 25 janvier 2011.

Mais pourquoi prendre, maintenant, la décision d’exposer des oeuvres qui datent d’il y a tant d’années ? Est-ce l’auto-éva­luation qui change avec le temps ? « Non. Pas du tout. Un artiste ne doit jamais évaluer ses propres oeuvres », affirme Abla. Et d’ajouter : « Après un incendie qui a ravagé toutes mes oeuvres en 1998 dans mon atelier situé dans le bâtiment historique du Mossafer Khana, j’ai des­siné chaque jour pour être de nouveau entouré d’oeuvres. J’ai décidé de ne plus garder celles-ci dans un même entrepôt. Elles étaient donc dispersées ici et là et j’ai été pris par le désir de revoir des oeuvres effectuées il y a des années. J’ai commencé à les exposer sur ma page Facebook, en écrivant dessous : de la caverne de Abla. J’ai beaucoup aimé le commentaire de l’un de mes amis : c’est plutôt la caverne de Ali Baba ! Et j’ai décidé de faire une exposition de mes oeuvres pour le grand public ».

La sculpture, nouvelle passion
La caverne de Abla nous dévoile, de plus, une nouvelle facette de Mohamad Abla, celle du sculpteur. Ayant déjà une pièce en bronze qui occupe, depuis 1993, l’une des places de la ville de Walsrode, au nord de l’Allemagne, il expose, pour la première fois en Egypte, une sculpture. « C’est ma nouvelle passion ces jours-ci », lance-t-il. Qu’est-ce qui fait qu’un peintre passe à la sculpture ? « Tout d’abord, il faut souligner qu’il n’existe pas de frontières étanches entre les diffé­rents genres d’art. Ceux-ci ne sont en fin de compte que des moyens d’expression. Et c’est l’idée qui impose à l’artiste le moyen ou le genre convenable. Certaines idées ne peuvent s’exprimer qu’à travers la sculpture. Celle-ci a le privilège de faire une sorte de condensé d’émotions ». A travers quatre sculptures faites en 2017, sur bronze et sur pierre, Abla exprime différents états émotionnels et spirituels de l’être humain : contemplation, soli­tude, faiblesse, quête … A l’aide de diffé­rentes postures, le corps sculpté se trouve en lien intime avec la pierre qui constitue son socle. « J’ai encore tant d’oeuvres — peintures et sculptures — qui n’ont jamais été exposées. Je ne travaille pas pour exposer. L’art est pour moi un état d’âme, une relation particulière dans laquelle je me retrouve pleinement, sans jamais sentir ni la solitude, ni le besoin », conclut l’artiste.

Les Aventures de Ali Baba, oeuvres de Mohamad Abla, jusqu’au 6 janvier, au Greek Campus. 28, rue Falaki, centre-ville. De 10h à 19h (sauf les vendre­dis).

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