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Un pied à Alexandrie, un autre à New York

Névine Lameï, Lundi, 06 novembre 2017

Originaire d'Alexandrie, vivant à New York, l’artiste-peintre Ahmad Morsi expose à la galerie Gypsum des peintures qui racontent sa ville natale, où il vit depuis plus de 40 ans. Souvenirs, chimères, sous l’effet du temps qui passe.

Un pied à Alexandrie, un autre à New York
Un personnage partagé en deux : un homme et une femme.

Fermez les yeux pour voir l’invisible est le titre de la nouvelle exposition du peintre, poète, philosophe, critique d’art et interprète Ahmad Morsi à la galerie Gypsum. L’exposition, qui réunit peintures, dessins, poèmes et gravures, réalisés à Manhattan entre 1974 et 2012, est un appel nostalgique à la ville d’Alexandrie, notamment à l’époque qu’a passée le peintre là-bas dans les années 1940- 1950. Et ce, avant qu’il ne parte en 1974 pour New York, où il vit à présent dans la même ambiance cosmo­polite de sa ville natale d’antan. Oscillant entre deux cultures, Morsi reste influen­cé par Jamaat Al-Fan Wal Horriya (le groupe art et liberté), fondé en Egypte en 1937, en réaction à l’immobilisme poli­tique et aux carcans académiques et artistiques. D’où une sorte d’antipathie envers les tendances minimalistes qui étaient à la mode lors de son arrivée à New York, qui le distingue d’autres artistes néo-expressionnistes occiden­taux.

Morsi interprète le temps différem­ment, selon une spiritualité marquante et un penchant mystique, qu’il a tendance à décrire comme « l’âme égyptienne unique » versus « l’enfer new yorkais, avec ses vitrines froides ».

Ce contraste, on le retrouve dans ses toiles à caractère dramatique, marquées par son héritage populaire égyptien et par le néo-expressionnisme, en vogue à New York vers la fin des années 1970. Ainsi, il crée ses propres oeuvres mêlant histoire artistique et littéraire d’Alexan­drie et éléments du quotidien vécu à New York. D’où tout un monde d’énigmes et de mystères rassemblant plein de motifs populaires (poissons, chats, oiseaux crânes de chevaux …), dans des compositions lyriques, où le temps s’écoule et la mer demeure pré­sente, voire éternelle.

Ciel, mer et désert se confondent. Les personnages assez émotifs sont plutôt des âmes que des corps, peints dans des situations différentes. Ils semblent être issus d’un au-delà métaphysique, à la fois calme et spacieux, pur et rêveur. Loin de tout chaos.

Le bien et le mal
La plupart du temps, il y a un homme et une femme qui, à corps nus et dépour­vus de front, sont peints dans un énorme champ vide — synonyme de l’exil — parsemé de couleurs noir et blanc. C’est l’incarnation du bien et du mal comme perçue par Morsi. Les yeux du couple, tels des mannequins, sont rivés vers le ciel. Ils sont en quête de l’amour absolu, capable de rendre à l’homme son humanité, à tout lieu et à tout moment, en dépit des atrocités qui l’entourent. Le couple échange souvent des regards amoureux, mais inquiets, tristes et soucieux, nés d’une certaine solitude. Sur l’une de ses peintures, le profil d’une femme vêtue d’un diadème bleu invoque la mémoire de Cléopâtre, la dernière reine ptolémaïque. Mais est-ce Cléopâtre ou la déesse Isis ? ! Ses larges yeux contemplatifs dégagent une maussaderie douce, en référence à l’oeil d’Horus, fils d’Isis, un mélange d’oeil humain et de faucon. Cet oeil, motif répétitif dans la plupart des oeuvres de Morsi, a un pouvoir protecteur, il est connu pour éloigner l’envie et la malé­diction dans la tradition populaire. Celle-ci trempe toujours l’oeuvre de Morsi dans un lyrisme presque parfait .

A la galerie Gypsum, jusqu’au 2 décembre, de 10h à 21h (sauf le vendredi). 5, rue Ibrahim Naguib, Zamalek.

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