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Hassan Al-Gereitly : J’ai la nostalgie de l’avenir

Soheir Fahmi, Lundi, 16 octobre 2017

Al-Warcha, compagnie de théâtre indépendant de Hassan Al-Gereitly, a été fondée en 1987. Elle fête cette année ses trente ans d’existence. Tour d’horizon avec un homme passionné et passionnant.

Hassan Al-Gereitly

Al-ahram hebdo : Vous fêtez trente ans d’activi­tés pour Al-Warcha. Comment allez-vous vous y prendre ?
Hassan Al-Gereitly : Ce sera 30 ans en novembre. Mais, nous avons eu déjà une petite célébration avec le Festival D-caf et deux créations avec une pièce de Beiram Al-Tounsy et Zakariya Ahmad, et l’on a créé un spectacle d’un compositeur suisse, Alexandre Siro, qui a intégré le tra­vail de la troupe Halawet Al-Donia, sur les villes et Le Caire. Il a créé un spectacle plus musical et expérimen­tal, à partir du répertoire de la troupe, ainsi qu’une grande exposition de photos. Mais nous avons recom­mencé à travailler sur une pièce, Les petites chambres, d’un grand dra­maturge syrien relativement jeune, Waël Kadour, qui est actuellement réfugié politique en France. J’avais déjà travaillé sur cette pièce, mais il y a eu des événements au centre-ville liés aux indépendants et l’on a ensuite arrêté durant des mois, et l’on a repris. On travaille depuis quelques semaines. Le spectacle devait avoir sa première dans quelques jours, mais on est en retard sur l’aspect scénographique et la comédienne principale s’en va en Allemagne pour jouer dans un spec­tacle. On envisage donc de le don­ner au début de l’année, durant trois mois, dans le focus théâtral arabe du Festival D-Caf. C’est notre état de lieux.

— Comment travaillez-vous ?
— Nous sommes en for­mation continue. Tous nos comédiens jeunes et moins jeunes travaillent tout le temps. Nous avons également une dizaine de jeunes très talentueux qui sont arrivés et qui sont déjà très bien formés sur des arts traditionnels clas­siques arabes. On se demande, d’ailleurs, com­ment ces jeunes ont eu toute cette motivation pour arriver à ce niveau avant d’arriver à Al-Warcha. Et moi, j’ai d’ailleurs une indication quasiment pour tous, je leur dis :« Détendez-vous, soyez relaxe, votre travail doit être plus en communi­cation avec le public ». Ils arrivent pour vivre un peu leur génération, même en chantant des choses tradi­tionnelles, et en ayant une formation très solide. Ils jouent à leur façon, comme tous les jeunes d’Al-Warcha. Ils cher­chent à connaître leur propre culture, car la révolution de janvier 2011 était une manière de se reconnecter avec le patrimoine et l’identité, mais dans l’ouverture. Une identité complexe, multiple et égyptienne. Nous continuons donc à former la nouvelle génération et les moins jeunes aux arts dont on a besoin pour nos créations : le chant, la danse, le mouvement, etc. Le but est de faire un comédien diversifié. On travaille également beaucoup l’art du récit, que je préfère au mot conte. Tous les Egyptiens sont des conteurs. La valeur de l’échange continue à être très importante en Egypte et dans le monde arabe. En fait, le meilleur moyen c’est de raconter sa vie ou d’écouter les récits des autres. Schéhérazade a sauvé sa vie en se racon­tant. Les Egyptiens, eux aussi, rendent leur vie vivable en se racontant. J’aime que le travail mûrisse lentement. Mon travail est celui d’un plom­bier artistique. J’essaye d’ouvrir la voie et aussi la voix. De faire en sorte qu’on entende la personne. Faire en sorte que la tuyau­terie se dégage pour qu’émerge la personne sans les distorsions. Je travaille très longtemps, et je ne cherche pas, mais je trouve et à ce moment, je recon­nais ce que j’ai trouvé.

— Vous êtes un homme habité par le théâtre et après trente ans on sent que vous êtes encore plus passionné. Comment cela a-t-il commencé ?
— Cela a commencé à l’âge de 9 ans, dans la cour de l’école. Une école égyp­tienne nationaliste privée, mais pas une école de lan­gues. J’étais donc dans la cour et j’entends du bruit dans la salle de musique, je regarde par la fenêtre et la prof me voit et me demande de faire le tour. Je vois une scène de théâtre, et il y avait une fille et un garçon qui n’avait pas l’air de s’y plaire. Elle me demande de prendre sa place et d’embrasser la main de Soad, en faisant partir le petit garçon qui ne demandait pas mieux. Je jouais le rôle du khédive Ismaïl avec l’impératrice Eugénie pour l’inauguration du Canal de Suez. Et depuis je n’ai jamais arrê­té. Mes parents ont d’ailleurs beau­coup valorisé toutes les activités artistiques et particulièrement le théâtre. Je voulais toujours être acteur. Et comme mon père n’avait pas fait exactement ce qu’il voulait, il insistait beaucoup pour que je fasse ce que j’aime. Comme j’étais très bon élève, il y avait des pres­sions. Mais je suis parti ensuite en Angleterre et en France, où j’ai fait des études et des stages de théâtre. Mais ce que je voulais, c’est avoir les mains dans la pâte. Je suis reve­nu plus tard en Egypte en 1982 à la mort de mon père, j’ai décidé d’y rester. Ici, lentement, j’ai fondé Al-Warcha en 1987, dans un garage en dessous, dans une ruelle de la chambre où j’habitais au centre-ville. On est la troupe qui a le plus représenté l’Egypte à l’étranger, mais on n'a jamais été produit par l’Etat.

— Comment évaluez-vous ces trente années ?
— Je ne regarde jamais derrière moi. J’ai fait ce que j’avais à faire et avec les hauts et les bas, je fais mon chemin. Je vais travailler plus pro­fondément sur la Geste hilalienne. J’aime travailler sur les strates en profondeur. On continue à creuser. Je suis toujours en gestation. J’ai la nostalgie de l’avenir.

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