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L’art d’embellir la réalité

Yasser Moheb, Lundi, 31 juillet 2017

Une nouvelle tendance se fait remarquer dans la majorité des oeuvres dramatiques égyp­tiennes récentes, à savoir un plus grand attachement à l'es­thétisme. Le plan visuel est mieux tra­vaillé, ce qui donne des images soignées de la réalité.

L’art d’embellir la réalité
Tesbah Ala Kheir (bonne nuit).

Des décors assez riches, des costumes super élé­gants, des sites assez recherchés et bien colo­rés : ce sont les caractéristiques du nouvel esthétisme du drame égyp­tien, que ce soit au cinéma ou à la télévision.

Dès la fin de l’année 2010, les côtés artistiques et visuels de plu­sieurs oeuvres artistiques égyptiennes ont témoigné d’une certaine évolu­tion sur le plan de l’image. D’où plusieurs nouvelles oeuvres cinéma­tographiques et télévisées très bien travaillées visuellement.

A partir du feuilleton Ahl Cairo (les gens du Caire), diffusé durant le Ramadan 2010, en passant par Taraf Talét (troisième partie), mais surtout avec Segn Al-Nessa (la prison des femmes), Hékayet Hayah (histoire de Hayah), Tariqi (mon chemin) et finalement Wahat Al-Ghoroub (l’oa­sis du coucher), une nouvelle manière de concevoir le décor des oeuvres dramatiques s’est imposée, réussissant à détourner le public des traditionnels feuilletons syriens, mexicains, brésiliens ou turcs qui avaient le vent en poupe.

« C’est une nouvelle génération d’artistes qui a réussi cette méta­morphose visuelle et ce rebond artis­tique et esthétique devenu dominant dans le drame égyptien », souligne la critique et scénariste Magda Khaïrallah. Et d’ajouter : « Kamla Abou-Zikri, Hala Khalil, Mohamad Ali, Mohamad Sami, Tamer Mohsen et surtout Mohamad Chaker Khodeir sont tous des réalisateurs qui sont parvenus à embellir l’image, même lorsqu’il s’agit d’événements et de sujets réalistes, durant les dernières années ».

Les nouveaux cinéastes qui se sont introduits ces derniers temps dans le domaine du drame télévisé n’ont pas manqué d’avoir leur touche très spé­ciale. Ils ont en quelque sorte révolu­tionné l’image du petit écran. « La vie est parfois dure et laide, il faut alors savoir comment la réformer et l’accepter. Le cinéma en est l’un des moyens, et avec certains films magnifiques, on peut repeindre la réalité différemment et aider les gens à déguster ses saveurs autrement. Cette beauté recherchée est donc une mission avant d’être un simple outil artistique », affirme le jeune réalisa­teur Mohamad Sami. D’après lui, les artistes égyptiens possèdent tous les moyens et l’expérience nécessaires qui les rendent à même de conduire cette renaissance esthétique du drame égyptien. « Tenaces et bien formés, plongés dans le quotidien local tant rude que troublant tout en étant ouverts sur les différentes écoles artistiques et stylistiques occidentaux, les jeunes créateurs du cinéma et du drame télévisé égyp­tiens possèdent bien les moyens de peindre une nouvelle image de leur vie », ajoute-t-il.

L’attrait de la vie moderne
Le principal attrait des séries télé­visées actuelles semble reposer sur le style de vie moderne qu’elles évo­quent. Du point de vue du jeune public, la modernité est devenue inséparable des relations et incidents sociaux de nos jours.

« Dans ces séries, les femmes sont libres, plus émancipées, ont des rela­tions plus ouvertes ou plus équili­brées avec les hommes », souligne Gihane Al-Mahdi, professeure de communication à l’Université du Caire. Et de poursuivre : « Les jeunes téléspectateurs déclarent apprécier beaucoup plus le roman­tisme des héros et des héroïnes de ces oeuvres artistiques, à l’instar du comédien tunisien Zafer Labdine, ayant tenu le rôle principal dans le feuilleton Halawat Al-Doniya (beau­té de la vie) ou celui de May Omar dans Afarit Adli Allam (fantômes de Adli Allam). Les actions se situent dans des quartiers résidentiels et des villas luxueuses, de quoi constituer un attrait supplémentaire pour ces oeuvres. On montre des endroits où les spectateurs rêvent d’y vivre ».

Les exemples sont nombreux. Citons-en : Grand Hôtel, La Totfeë Al-Chams (n’éteins pas le soleil) ou Acham Iblis (impossible), et au ciné­ma, Bachtéri Raguél (je recherche un homme) ou récemment Tesbah Ala Kheir (bonne nuit). Dans ces oeuvres, l’esthétique frôle la perfec­tion qu’on croit rêver.

L’esthétisme s’impose

L’art d’embellir la réalité
Halawat Al-Doniya (beauté de la vie).

Loin des chiffres de vente ou de distribution des séries et des revenus du box-office, une question se pose : pourquoi les oeuvres hautement esthétiques ont-elles un si grand suc­cès, même si les scénarios relèvent parfois du déjà-vu ou sont vides de tout sens ? « Le drame d’action et de suspense a cédé une plus grande place aux comédies romantiques et aux drames sociaux soigneusement exécutés partout dans le monde », répond le réalisateur Mohamad Sami.

Selon lui, le public est avide de beauté, les ingrédients commer­ciaux, recherchés jusqu’il y a quelques années, ont changé. C’est plutôt l’esthétisme et la qualité artis­tique qui a pris le dessus, étant capables de vouer l’oeuvre au succès ou à l’échec. « Artistiquement par­lant, un grand nombre de téléséries et de films sont assez bien faits. Le public apprécie majoritairement les modèles de vie idéaux présentés dans ces oeuvres. Il se sent épris et apaisé par la beauté des métrages. Une portion de douceur et de beauté dans notre monde chaotique est certes fort demandée », indique Magda Khaïrallah.

Bref, la majorité des oeuvres artis­tiques qui ont rencontré un succès énorme auprès du public et de la critique n’ont pas révolutionné les genres dramatiques qu’elles ont pré­sentés, mais elles ont su engendrer un renouveau visuel et miroiter une image agréable de la vie quotidienne en Egypte. Elles nous ont plongés dans une beauté, coupant net avec à la laideur ambiante. Un procédé aussi humain qu’artistique et com­mercial .

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