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Une tournée artistique

May Sélim, Lundi, 31 juillet 2017

A l’espace Factory, à TownHouse, l’exposition Do It Bel Arabi donne la chance à tout un chacun de devenir créateur et d’intervenir sur les oeuvres conçues par 70 artistes professionnels. Un projet d’art contemporain qui fera le tour du monde arabe.

tourne artistique

Do It Bel Arabi fait halte au Caire

Une tournée artistique
(Photo:: Bassam Al-Zoghby)

Le concept de l’exposition Do It, organisé aujourd’hui par le commissaire suisse, Hans Ulricht Obrist, remonte en réa­lité au début des années 1990. L’idée de cette exposition est née d’une conversation entre les deux artistes et commis­saires français Christian Boltanski et Bertrand Lavier, au café Le Select de Montparnasse à Paris. Les deux artistes avaient alors dressé les grandes lignes de ce projet d’exposition participative. Avec l’arrivée d’Ulbricht Obrist, ils ont étoffé leur concept et déci­dé de rapprocher l’art conceptuel et contemporain, et d’inté­grer certains incontournables de la musique et de la danse classiques à l’exposition. L’objectif étant de monter une exposition pluridisciplinaire qui dure dans le temps et qui voyage un peu partout dans le monde.

A ce groupe fondateur se sont joints d’autres artistes, de toutes disciplines confon­dues. Et ensemble, ils ont établi une liste d’instruc­tions, permettant au visiteur lambda de pouvoir créer une oeuvre d’art. L’exposition favorise en effet le concept du « do it yourself » (fais-le toi-même) et propose aux visiteurs de suivre la liste d’instructions qui est présen­tée dans l’espace d’exposition. Ceci dit, les visiteurs peuvent faire leurs propres installations ou monter leurs vidéos sur place, exprimant ainsi leur propre créativité. Ils sont égale­ment invités à terminer le travail commencé par certains artistes, ayant trait à des thèmes comme la ville, la nostalgie, le jeu, etc. « Nous tentons d’encourager l’idée de l’art pour tous et à la portée de tous. Grâce à Internet et à l’open source, aujourd’hui, n’importe qui peut tenir une exposition qui sera vue et accessible par le monde entier sans devoir se déplacer, et donc sans frais de transport. Et de la même façon, n’importe qui peut également réagir ou entrer en inte­raction avec les pièces proposées », explique Hans Ulricht Obrist dans un communiqué de presse.

En 2016, la directrice de la fondation d’Al-Sharjah, Hoor Al-Qassemi, le directeur de la galerie La Serpentine, à Londres et Obrist lancent la version arabe de l’exposition Do It, en collaboration avec quelque 70 artistes arabes. Une pre­mière exposition s’est déroulée à Sharjah, début janvier 2016, puis d’autres ont eu lieu à Ramallah (avril 2017), à Amman (septembre 2016), à Manama (décembre 2016), et maintenant au Caire (jusqu’au 9 août, à la galerie TownHouse). D’autres expositions similaires sont prévues au Maroc, au Liban, au Koweït, en Arabie saoudite et au Soudan.

Un spectacle pour se soulager

Une tournée artistique
(Photo:: Bassam Al-Zoghby)

Dans un espace vide, tout est faisable, même les rêves les plus fous. C’est l’idée que partage l’écrivaine libanaise Etel Ednan, en invitant public et artistes à venir se défouler dans cet espace. Le comédien et chorégraphe Mohamad Aboul-Fath improvise un spectacle impliquant le public présent. Accompagné de trois comé­diens, il observe attentivement les expressions émotionnelles et écoute les histoires des spectateurs qu’il commence à interpréter au fur et à mesure. Le public est pris au jeu et commence à s’exprimer librement. La performance est simple, rapide, dense et sincère. L’audience se voit sur scène, se retrouve dans les histoires et les sentiments partagés. C’est un spectacle pour se soulager, se défouler … « Cette rencontre a été assez fructueuse. Désormais, on pense la tenir de façon mensuelle au théâtre Rawabat, mitoyen de TownHouse », déclare Aboul-Fath, soulignant l’effet de catharsis de ce genre de performance.

Faire cuire le cadavre d’un héros

Une tournée artistique
(Photo:: Bassam Al-Zoghby)

« Racontez-moi » est une vidéo de l’artiste libanaise Lara Baladi, soulignant l’absurdité du quotidien des Egyptiens. Elle y présente de petites instantanéités, des bouts de vie hilarants et parfois paradoxaux. L’artiste reprend également une idée lancée par les surréalistes français en 1925, lorsqu’ils ont exposé un tableau intitulé : Le Cadavre exquis boira le vin nouveau, où c’est le public qui fait la toile. Chaque visiteur esquisse un dessin sur une toile blanche, qui est ensuite pliée en deux, et la per­sonne suivante conti­nue à dessiner. L’ensemble de tous ces dessins crée un énorme cadavre exquis surréa­liste.

Reprenant ce concept, Lara Baladi propose aujourd’hui au public de laisser libre cours à son imagination et de se lancer dans la même expé­rience. Sur une liste, affichée au mur, elle donne les instructions néces­saires pour cuisiner le cadavre d’un héros arabe, au choix. « On est vraiment tenté de se prendre au jeu et de cuisiner le cadavre d’un héros que l’on déteste. Le jeune est assez provocateur », lance une jeune fille qui a pris part à l’oeuvre participative .

Messages d’autrefois

Une tournée artistique
(Photo:: Bassam Al-Zoghby)

La nostalgie du bon vieux temps est évoquée par une installation sonore de Sondos Shabayek. Le public est invité à enregistrer ses souvenirs sur des cas­settes, comme on le faisait autrefois pour envoyer nos messages aux membres lointains de la famille, notam­ment ceux travaillant dans les pays du Golfe. Sur un bureau antique sont pla­cés deux magnétophones « vintages » servant à enregistrer et à écouter les messages. De manière aléatoire, les visiteurs parlent devant l’appareil qui a l’air de sortir d’un musée. Des enfants accompagnés de leur mère s’étonnent et rient de ce vieux magnétophone. Ils n’ont plus l’habitude de voir ce genre d’outils, désuets et obsolètes aujourd’hui.

Shabayek, réputée pour ses perfor­mances narratives, expose une deu­xième oeuvre intitulée Voice Notes (notes vocales). A travers un casque, on écoute les messages vocaux que l’artiste a reçus sur WhatsApp. Elle les remet dans un certain ordre de manière à former une histoire ou parfois même une recette culinaire. Ces messages sont teintés d’un humour tout à fait égyptien. L’artiste nous fait voyager dans le temps, en opérant un va-et-vient entre passé et présent .

Il était une foisTownHouse

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(Photo:: Bassam Al-Zoghby)

En mémoire de l’effondrement d’une partie de l’immeuble abri­tant TownHouse au centre-ville cairote, l’équipe de direction de la galerie a opté pour une instal­lation archivistique. En suivant les directives des cinéastes liba­nais Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, l’équipe a accroché au mur plusieurs photos racontant l’histoire de la galerie fondée dans les années 1990. Et l’on a installé juste à côté un petit bureau muni d’un ordinateur et plusieurs papiers imprimés. Sur l’écran se trouve une fausse page Wikipédia racontant l’histoire du bâtiment de TownHouse. « Cette page virtuelle et non active n’existe pas vraiment sur la toile. On a voulu inviter le public à partager ses souvenirs de TownHouse », lance Mahmoud Magdi, artiste et commissaire à TownHouse. Et d’ajouter : « L’année dernière a été un vrai cauchemar pour toute l’équipe. Imaginez un espace d’art contem­porain réunissant pas mal d’ar­tistes qui, soudain, s’effondre ».

Repenser la ville

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(Photo:: Bassam Al-Zoghby)

Les oeuvres de Omar Emadeddine Al-Méligui, Mazen Moussa, Chaza Al-Dégheidi, Yasmine Al-Méligui, Omar Essam Eddine Al-Tawnsi, Nada Baraka et Asmaa Mohamad Al-Sayed retravaillent l’image de la ville en Egypte, suivant les instruc­tions du plasticien palestinien Hazem Harb, lequel s’est souvent penché sur les changements de la ville dans le monde arabe. Harb a réuni et créé une docu­mentation assez riche sur l’architecture des villes en métamorphose ou en voie de disparition. Il a ainsi aidé ses collègues, dans l’organisation de l’exposition en cours, en partageant expériences, regards et points de vue.

Dans cette exposition, Asmaa Al-Sayed expose une photographie retouchée, montrant un immeuble du centre-ville photographié à l’envers. Yasmine Al-Méligui a taillé des portraits de citadins en plas­tique, en reproduisant les émoticônes de Facebook, pour souligner l’effet du numérique sur la ville. Mazen Moussa s’intéresse aux bâtiments récem­ment édifiés en Egypte, devenus de simples blocs uniformes, et rappelant l’aspect des « cités dor­toirs ». Et Omar Al-Méligui a construit une instal­lation faisant parler les immeubles. Les visiteurs sont, quant à eux, invités à livrer leurs impressions, sur des bouts de papier et à les coller sur l’im­meuble .

Jusqu’au 9 août, de 12h à 21h (sauf le vendredi), à TownHouse, 3, rue Hussein Pacha Al-Maamari, centre-ville. Tél. : 2576 8086.

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