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Un début lourd par un cinéma trop humanitaire

Yasser Moheb, Mardi, 23 mai 2017

La première semaine de la 70e édition du Festival de Cannes a été assez intense, marquée par des thèmes tant alarmants que répétitifs.

Un début lourd par un cinéma trop humanitaire

Le soleil, les stars, les projections et les marches rouges … le Festival de Cannes s’est lancé avec les pro­messes de sa direction de présenter des oeuvres sélectives, pas loin du contexte politique qui nous entoure. Et la promesse a été bien tenue, effectivement. Malgré quelques teintes de fantastique, la réalité n’a jamais été bien loin dans les films de cette première semaine. La sélection officielle de cette 70e édition a commencé très fort avec plusieurs films qui peuvent être placés sous le signe des oeuvres poignantes, se déroulant surtout sur fond humanitaire, le plus souvent politique.

Un début lourd par un cinéma trop humanitaire
Wonderstuck.

A son troisième jour de compétition, le festi­val dévoile le premier film français, 120 Battements par minute, réalisé par Robin Campillo. L’oeuvre est émouvante, fait battre les coeurs de presque tous les festivaliers, puisqu’il s’agit de l’histoire de la lutte des asso­ciations indépendantes françaises contre le sida. Habitué de la Croisette, et pour son troi­sième passage derrière la caméra, le Français Robin Campillo met en scène des militants de l’association Act Up-Paris dans les années 1990. Afin de lutter contre le sida qui ravage le monde et avertir le public sur ce problème, ces jeunes n’ont pas hésité à organiser des activités et des manifestations dans le but d’aboutir à leur objectif : sauver les milliers de malades, victimes de la nonchalance officielle de l’Etat, et essayer de stopper l’infection, à cause du manque d’information. Leur association s’est lancée dans des actions fortes pour rendre visible les séropositifs, les homosexuels, et participer à la mise au point de traitements. Les slogans levés sur les pancartes dans le film : « Silence = Mort » et « Action = Vie » s’avè­rent assez alarmants. OEuvre grave, applaudie chaleureusement par les festivaliers, elle est interprétée, entre autres, par Adèle Haenel, qui pourrait bien se retrouver au palmarès.

Une fantaisie suédoise

Un début lourd par un cinéma trop humanitaire

Tout à l’opposé de ce militantisme signé Campillo, c’est l’individualisme de la société européenne qui est souligné dans le film The Square (le carré), réalisé par le Suédois Ruben Östlund. Cette réflexion sur le monde de l’art a également marqué d’autres premières projec­tions de cette cuvée cannoise. Chevronné dans la comédie et surtout la fantaisie, Östlund signe là un film engorgé d’idées, mais qui finit mal­heureusement par plonger dans un discours répétitif, sur la perte de confiance dans la société occidentale.

Un métrage tantôt dur tantôt hilarant, mais qui, sur ces 2h20 de durée, devient bien trop souvent satirique. Tout en remettant en scène la lutte des classes de plus en plus enflammée dans un pays considéré comme l’un des plus égalitaires du monde, le film affirme que cha­cun vit enfermé dans son carré limitatif. On peut également noter un lot de clichés comiques sur le monde de l’art contemporain et l’absur­dité des artistes.

Un début lourd par un cinéma trop humanitaire
Vanessa Redgrave.

Autre coup de coeur portant le label de la compétition, c’est Wonderstuck, réalisé par l’Américain Todd Haynes. Ayant donné le coup d’envoi à la compétition, le film mêle et marie deux histoires à des époques différentes. D’abord, celle de Rose, en 1927, cette fillette sourde-muette qui fuit la maison de son père pour se rendre à New York dans l’espoir d’ap­procher son idole, une star du cinéma muet. Ensuite, il y a l’histoire de Ben, un jeune garçon qui, cinquante ans plus tard, a perdu sa mère, et vient d’être frappé de surdité suite à un acci­dent. Lui aussi, il décide de fuir son malheur, en se rendant à Manhattan, afin d’essayer d’y retrouver son père qu’il n’a jamais connu. Premier point commun entre ces deux par­cours : Rose et Ben vont tous les deux tomber sous le charme de l’ambiance du Musée d’his­toire naturelle, et y faire des découvertes fruc­tueuses.

Dans son oeuvre, Haynes traite de l’imagi­naire enfantin, un univers encore inédit dans sa filmographie. Il tourne la première intrigue en noir et blanc, à la manière du cinéma muet de l’époque, alors qu’il retrouve dans la seconde les expressions de couleurs des films améri­cains des années 1970. Une aventure artistique digne d’être suivie.

Faute d’amour

Un début lourd par un cinéma trop humanitaire
120 Battements par minute.

Toujours sur la même thématique de l’en­fance, s’inscrit le film russe Loveless (faute d’amour) d’Andrey Zvyagintsev, l’un des puis­sants concurrents de cette compétition cannoise 2017. Il s’agit de l’histoire d’Aliocha, un petit garçon de douze ans, qui se trouve obligé d’as­sister au divorce de ses parents. Ceux-ci déci­dent de vendre l’appartement familial, pressés d’entamer chacun sa nouvelle vie avec son nouveau partenaire. Toutefois, le petit Aliocha est complètement écarté de leurs plans person­nels, puisque ni sa mère ni son père ne veut en avoir la charge. Jusqu’au jour où le garçon disparaît, là tout commence à devenir cham­bardé. De quoi pousser les parents à sortir de leur égocentrisme pour partir à sa recherche.

D’un style réaliste apparemment simple, mais qui témoigne en fait d’une maîtrise bien nette, le film excelle à peindre un drame froid, avec une certaine profondeur poétique, ornée par de beaux cadrages et un décor naturel assez expressif .

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