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Des ponts de musique

Lamiaa Al-Sadaty, Lundi, 20 mars 2017

Joussour (ponts), premier album du compositeur palestinien Issa Murad, vient d’être lancé sur le marché égyptien.Sorti en France, il y a quelques mois, il occupe le haut de l’affiche dans la catégorie jazz.

Des ponts de musique
Dans son album Joussour, Issa Murad franchit les frontières des genres et des cultures.

Ce n’était pas par hasard que le compositeur palestinien Issa Murad a choisi comme titre de son premier album : Joussour (ponts). Si dans la langue, le mot « pont » renvoie à cette construction permettant de franchir un obstacle en passant par-dessus, en musique, le pont désigne ce passage plus ou moins développé entre deux phrases ou deux sections. Bien joué ! Murad a voulu être ce médium rapprochant les cultures, voire les hommes.

Pour ce faire, il a commencé par son groupe qu’il avait fondé en 2012. Portant le même nom que l’album, son groupe Joussour est composé de trois musiciens français : le pianiste Richard Turegano, le bassiste Marc Burnofosse et le percussionniste Frédéric Chapperon, un Indien, le joueur de bansouri (instrument à vent indien) Rishab Prasanna, un percussionniste syrien, Samir Homsi, et lui-même comme luthiste.

Renfermant 10 morceaux, l’album de Murad est un voyage qui franchit les frontières des genres et des cultures : du jazz aux influences du Balkan fusionne avec les musiques arabes et indiennes. Enregistré au studio La Buissonne à Avignon, le son et le mixing de l’album ont été faits par Sylvain Thévenard, et le mastering par Marwan Danoun.

Dans La Mer, qui a obtenu en 2015 le prix de la fondation culturelle Al-Mawred Al-Saqafi pour la meilleure bande, le compositeur reflète une expérience personnelle. « Originaire de Bethléem, il m’a été interdit de voir la mer. Or, lorsque je suis passé à Jaffa, j’ai été ému de voir la mer pour la première fois de ma vie. J’ai commencé à composer cette pièce. Celle-ci n’a été achevée que quelques années après mon séjour en France, lorsque j’ai vu l’océan Atlantique pour la première fois de ma vie », explique Murad très impressionné. Ce morceau ressemble beaucoup à la mer : à la fois calme et vif, il est riche en émotions opposées.

De cette expérience personnelle, Murad passe avec L’Egaré à une expérience commune à pas mal de gens : composant ce morceau à l’origine pour l’une des scènes d’un documentaire (qui n’a pas vu le jour faute de moyens), il y relate la crise d’un jeune homme moitié égyptien, moitié palestinien. Ce dernier vit une vraie crise d’identité, très bien exprimée par les rythmes des derviches.

Avec La Folle qui danse, il a bien voulu expérimenter un genre nouveau et inattendu. « Le principe de ce morceau est plutôt technique. Il s’agit de faire une sorte de variation sur les deux plans de l’échelle et du rythme. Comme le rythme n’est pas constant, il est impossible que l’homme danse sur ce morceau, à moins qu’il soit fou : ce qui explique le choix du titre », souligne Murad.

En effet, ce va-et-vient entre les cultures, cette variété de genres aussi bien que cette variation de mélodies et de rythmes ne sont qu’un caractère inné chez l’artiste.

Né à Bethléem en Palestine, Murad était très ouvert au monde musical dès son plus jeune âge. A 16 ans déjà, il s’inscrit à l’Institut national Edward Saïd pour la musique, où il apprend à jouer au luth et à chanter. En 2001, il remporte le Prix Marcel Khalifé pour le meilleur luthiste en Palestine. Une fois le diplôme en poche, il passe au Caire pour rejoindre Beit Al-Oud, fondé par le grand luthiste Nassir Chamma. Les années se suivent, mais ne se ressemblent pas pour Issa Murad.

La France fut aussi une phase importante, quant au parcours du jeune compositeur. A la Sorbonne, il obtient son magistère en musique ethno, de quoi lui ouvrir une porte sur le jazz ethno ou le World Music. Ainsi, sa musique se base essentiellement sur les structures du jazz du point de vue thème et improvisation, mais dont les rythmes et l’harmonie s’inspirent des musiques du monde, en particulier de la musique d’Asie. Une raison pour laquelle il a été choisi pour participer à pas mal de festivités et festivals de par le monde destinés à la musique du monde dont World Sacred Spirit Festival en Inde.

Par ailleurs, Murad vient de lancer son album sur le marché égyptien, sans donner des concerts qui interprètent ses morceaux. « La scène artistique égyptienne préfère encore et toujours les concerts de chants plutôt que ceux de la musique brute ! ».

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