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Musique: Chanter la révolution à l’ancienne

Houda Belabd, Mardi, 02 avril 2013

Chanter les nouveaux défis de la société égyptienne, mais à l’ancienne. Un pari gagné pour le groupe Al-Maghna Khana. De jeunes mélomanes, politiquement engagés, ont fait vibrer le centre culturel de Saqiet Al-Sawy. L’émotion et les frissons furent également au rendez-vous !

chanter
Mahmoud Maher évoque le malaise du pays.

Pleurer la bonne paix sociale d’antan, chanter l’encens des vieilles ruelles du Caire fatimide, éduquer les masses par le biais du chant patriotique, satisfaire aux normes de la société moderne, sans plaquer la tradition, rêver d’un lendemain meilleur pour la mère patrie …

Les membres d’Al-Maghna Khana font tout cela à la fois … et pas seulement ! Leur répertoire musical riche en leçons moralisatrices et en louanges patriotiques est témoin de la touche positive qu’ils ajoutent à l’actuelle scène musicale.

Leur philosophie de la révolution, elle, se résume dans la maxime « le changement commence par l’effort personnel ». Munis de leurs castagnettes, de leurs daffs (tambourins), de leurs guitares et de leur rébellion, les musiciens du groupe, pour le moins ambitieux, avancent le coeur léger.

Héros du groupe, Mahmoud Maher Al-Khateeb ne se présente plus aux adeptes des centres culturels cairotes. Et pour cause, le jeune homme qui compose ses propres chansons depuis son plus jeune âge ne rate aucune occasion pour rencontrer son public qui grandit d’année en année. Tout petit, il savait déjà qu’il chantait juste.

Mais ce n’est qu’en 2003 qu’il a décidé de se faire connaître à travers des ateliers d’art et de chant. En 2010, il a rejoint Al-Maghna Khana et a juré fidélité à la « révolution éducative » de son pays.

Accompagné par ses musiciens, il milite, surtout, pour une nouvelle génération optimiste, éduquée, civilisée et productrice. « L’éducation passe par tous les canaux qui puissent attirer l’attention des jeunes citoyens. Preuve en est, ces dernières années, les jeunes mélomanes qui affluent en grand nombre vers les salles de concert, afin de suivre de plus près leur groupe ou chanteur fétiche qui chante, entre autres, pour le patriotisme, le développement social … Bref, pour une Egypte qui n’a rien à envier aux pays les mieux éduqués au monde ».

Un groupe « vieux jeu »

A la différence des nouveaux groupes musicaux qui militent, à quelques détails près, pour les mêmes causes, les membres d’Al-Maghna Khana se démarquent par leur grand amour du folklore et leur dégaine entretenue « à l’ancienne ». En effet, à en croire leurs tuniques et taëyas (chapeaux égyptiens) brodées d’une manière typiquement traditionnelle, l’on se croit dans un concert ayant lieu au beau milieu des années 1940 du siècle dernier. Cependant, Mahmoud Maher s’en réjouit : « Dire que nous sommes un peu vieux jeu nous fait un peu sourire, mais cela ne nous offense pas. Nous avons même offert une chanson éducative intitulée Daa adima (vieux jeu) pour annoncer la couleur de nos choix folkloriques au public qui voudrait bien nous écouter. La chanson est également une ode à la tolérance et à l’acceptation de l’autre. De même, toujours pour ce qui est du folk, force est de constater que ce positionnement est intrinsèque à notre identité égyptienne. Autant s’en réjouir ».

Contrairement à son acception, la chanson Masr al-qadima (qui signifie Vieux-Caire) est tirée du vécu de l’Egyptien de l’après 25 janvier. La chanson qui se plaint de la perte de la bonne vieille paix sociale qui a longuement été inhérente à la vie des quartiers du Caire fatimide évoque aussi un certain malaise qui a, tout d’un coup, frappé ce long fleuve tranquille. Un malaise omniprésent dans les chansons du groupe.

Le répertoire de cette formation musicale est d’autant plus « vivable » qu’il réussit à séduire des publics issus de toutes les catégories d’âge, voire de toutes les classes sociales. Ce qui n’est pas sans prouver que le groupe est à deux doigts de la gloire.

Depuis ses débuts, le groupe Al-Maghna Khana joue dans des écoles, universités, théâtres, festivals, centres culturels, mais aussi et surtout en plein air, pour être proche de la « rue égyptienne » qu’il défend contre vents et marées. Le groupe a également sillonné les quatre coins du pays. Son modèle n’est autre que le fameux cheikh Imam et son ambition est d’immortaliser le folklore du pays. Le groupe promet un prompt retour au centre culturel d’Al-Sawy, prochainement.

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