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Gros plans sur la Chine contemporaine

Yasser Moheb, Dimanche, 20 novembre 2016

Le Festival international du film du Caire fait la part belle au cinéma chinois, invité d'honneur de cette 38e édition, avec une quinzaine de films, qui nous font redécouvrir le cinéma made in China.

Gros plans sur la Chine contemporaine
Paths of the Soul (chemins de l’âme).

A travers une sélection de films chinois ou en lien avec la Chine, le Festival du Caire dévoile cette année des regards originaux sur la Chine contemporaine, en plus d’un flash-back sur le cinéma chinois classique.

Le premier des deux séries de films projetés à l’occasion de cet hommage s’intitule Les Films chinois ... Nouvelle ère. Une section regroupant 14 films produits entre 2000 et 2016, taillant un portrait assez détaillé de la Chine contemporaine.

Etant donné que l’un des phénomènes les plus éminents du pays est sa transformation rapide au cours des dernières décennies, tant industrielle que sociale, le 7e art chinois n’est pas resté figé face à de telles mutations majeures. Plusieurs films sont venus souligner ces changements frappant la société, à l’encontre des traditions de ce pays à la plus grande population du monde.

Gros plans sur la Chine contemporaine
A Shanghai Bride (une mariée de Shanghai).

En tête de liste vient le film Cell Phone (téléphone portable) réalisé par Feng Xiaogang, qui aborde certains phénomènes et problèmes nouveaux pour la Chine. Le réalisateur a affirmé que ce film est le plus satirique et le plus humoristique qu’il ait jamais fait. Le métrage raconte l’histoire d’un animateur de talk-show télévisé, intitulé Pour vous dire la vérité, qui ne cesse de mentir dans sa vie quotidienne. Un rôle interprété par l’acteur Ge You, prix du meilleur acteur lors du Festival de Cannes en 1994. Dans les premières années qui ont suivi la diffusion du téléphone portable en Chine, celui-ci représentait — comme partout dans le monde — un certain luxe social. Toutefois, le portable est devenu au fur et à mesure un outil de communication d’usage courant dans la vie de tous les jours. Nombreux sont ceux qui ne peuvent plus s’en séparer, dans leur vie privée comme professionnelle. C’est autour de ceux-ci que les événements du film de Feng Xiaogang tourne, relatant des histoires liées au téléphone portable, jugé parfois comme dangereux, comme une menace à la vie privée ou encore comme un outil d’espionnage. Un sujet assez profond et délicat. Le film a soulevé un certain débat au lendemain de sa sortie en Chine en 2003 étant donné la ressemblance entre les événements de l’oeuvre et certains incidents véritables qui ont secoué la société chinoise au début des années 2000.

Par ailleurs, la Chine dynamique contemporaine semble apprécier les drames sociaux, à base de romance. Dans un contexte dominé largement par le travail où le rythme haletant de la vie broie les relations familiales, comment reconstruire une relation amoureuse ou bien s’entraider malgré le divorce dans un but plus important : un enfant gravement malade ? C’est la question que pose le film In Love We Trust (nous croyons en l’amour) réalisé par Wang Xiaoshuai. Dans un style assez descriptif et sombre, le film raconte l’histoire d’un couple divorcé, qui découvre après la séparation que leur fille unique est atteinte de leucémie et a besoin d’une transplantation immédiate de moelle osseuse. Ils constatent que leur priorité est la santé et le destin de leur fille. Partant, In Love We Trust n’est pas une histoire d’amour ardent à l’eau de rose, mais un drame réaliste conduisant à une simple conclusion : l’amour est avant tout une responsabilité.

Dans son film, Xiaohuai a réussi à montrer Pékin dans sa face la plus simple, une capitale comme toutes les autres villes du monde, mais il est allé assez loin dans la discussion de quelques problèmes sociaux alarmants, tels que le divorce, la lutte de la classe moyenne, l’avortement et le nombre galopant de cancers dans la société asiatique.

Un univers dramatique made in China

Gros plans sur la Chine contemporaine
Printemps dans une petite ville.

Le film A Shanghai Bride (une mariée de Shanghai), du réalisateur argentin Mauro Andrizzi, projeté dans le cadre de l’hommage attribué à la Chine, est pour sa part un véritable fourre-tout. Tour à tour, comédie, drame et romance, ce long métrage cherche à toucher le spectateur par divers moyens. Il s’agit de l’histoire d’un homme sur le point de mourir, mais qui demande à sa famille d’amener le cadavre de la femme qu’il aimait afin de l’enterrer à ses côtés. La famille a volé le cimetière et traversé une ville entière pour réaliser ce dernier voeu de l’homme mourant. Dans un cadre d’absurdité burlesque, découlant de l’opposition entre le moderne et le traditionnel, le film reste une comédie noire, critiquant indirectement plusieurs vices qui se produisent dans la vie quotidienne citadine.

D’ailleurs, il faut souligner que, d’après la production cinématographique annuelle en Chine, on constate qu’il n’y a pas un cinéma chinois, mais des cinémas chinois. L’expression cinéma chinois est de plus en plus utilisée pour évoquer trois cinémas, celui de la Chine continentale, de Hong Kong et de Taïwan. Depuis les trois dernières décennies, le cinéma de la Chine continentale, ainsi que celui de Hong Kong et de Taïwan ne cessent d’être l’objet d’une reconnaissance croissante partout dans le monde. Des cinéastes contemporains tels que Chen Kaige, Zhang Yimou, Wang Kar-Wai, Ang Lee ou Jia Zhangke — auquel le festival rend hommage également cette année — contribuent à cette renommée internationale. Parmi les productions chinoises made in Hong Kong, citons le film Black Coal, Thin Ice (charbon noir, glace mince) réalisé par Diao Yinan. Ce thriller au script assez ficelé relate des événements se déroulant en 1999, lorsque la police trouve la main d’un cadavre, mêlée au charbon dans une fabrique. De quoi inciter l’inspecteur de police à suivre les traces qui peuvent conduire au meurtrier. De nombreux problèmes surgissent.

Gros plans sur la Chine contemporaine
Black Coal, Thin Ice (charbon noir, glace mince).

Par ailleurs, les régions variées de la Chine offrent souvent au spectateur la contemplation de paysages plus distincts. Entre campagnes, déserts, ou encore montagnes, se déroule le film Paths of the Soul (chemins de l’âme) réalisé par Zhang Yang. Ce road movie offre une chronique extraordinaire d’un pèlerinage de 1 200 miles au Tibet. Tourné de façon simple, documentaire, et réalisé avec un casting non professionnel, cette oeuvre constitue une étude d’agitation dans la foi et la spiritualité qui inspirera de nombreux téléspectateurs à réfléchir aux questions de la vie. D’où un succès inhabituel en Chine pour de tels films aux thèmes politico-religieux.

Concluons alors par l’un des deux films importants projetés dans la seconde section de l’hommage, intitulée Les Classiques du cinéma chinois : Printemps dans une petite ville produit en 1948 et réalisé par Fei Mu. Une fois censuré par le gouvernement communiste chinois, ce métrage est maintenant considéré par certains comme le meilleur film chinois de tous les temps. Le film discute l’idée de l’amour secret et des sentiments refoulés entre une femme et un ancien ami de son mari. Elle est tiraillée entre les sentiments de fidélité et ceux de la passion. Un dilemme qui s’exprime par le symbolisme et la métaphore, avec la performance assez puissante de l’actrice Wei Wei.

Les oeuvres présentées dans le cadre de cette section font preuve d’audace quant aux thèmes traités, miroitant le paysage actuel du cinéma chinois et permettant de mieux cerner la Chine contemporaine.

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