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Le surréalisme à l’égyptienne

May Sélim, Lundi, 07 novembre 2016

L’exposition du groupe Art contem­porain, à la galerie Al-Massar, nous fait redécouvrir l’oeuvre de certains artistes qui ont renoncé au réalisme dans les années 1940-1950, optant pour une expression surréelle et plus métaphysique.

Le surréalisme à l’égyptienne
(Photo: Bassam Al-Zoghby)

Dès qu’on franchit le seuil de la galerie Al-Massar à Zamalek, le portrait au crayon de Hussein Youssef Amin (1904-1984), signé William Morcos, accueille les visiteurs. L’artiste a intitulé son tableau The Thinker (le penseur), car c’est ainsi qu’il considère le maître-fondateur du groupe Art contempo­rain, fondé en 1946. Il suffit de contempler les toiles, proches les unes des autres, pour découvrir les peintures plus anciennes d’Amin les­quelles remontent aux années 1920 et 1930. Ce professeur de dessin, ayant travaillé dans plusieurs lycées, était très attaché au style des por­traits classiques, à l’européenne, au début de sa carrière, comme Renaissance (le portrait d’une femme aristocratique), réalisé par Amin en 1925. Plus tard, il a essayé d’égyptianniser la peinture, en créant le groupe Art contemporain, au len­demain de la Deuxième Guerre mon­diale, avec quelques jeunes parmi ses étudiants et disciples dont Abdel-Hadi Al-Gazzar, Mahmoud Khalil, William Morcos, Ibrahim Messaouda, Youssef Kamal et Salem Al-Habachi. Les membres du groupe ont renoncé au réalisme s’orientant vers la métaphysique et le surréel. Ils inséraient dans la peinture des élé­ments de la culture et du patrimoine égyptiens et mélangeaient plusieurs tendances, parfois réconciliées, par­fois en contraste. Quelques aqua­relles des années 1930-1940, expo­sées à Al-Massar, témoignent de l’évolution de Hussein Amin. La série de paysages intitulés La Vallée attire l’attention par ses couleurs dégradées. La brume dans Vigo, les nuances bleuâtres de la mer dans Canaris surpassent la réalité. Ils nous font redécouvrir la nature, à l’aide d’une approche métaphysique.

Salem Al-Habachi évoque dans Conflit le rapport homme-femme. Les corps nus des femmes, en cou­leurs ou au crayon noir, ont des proportions démesurées et des formes surréelles. Ces femmes sont situées entre le rêve et la réalité.

Exorciser les vieux démons

Le surréalisme à l’égyptienne
Canaris de Hussein Youssef Amin. (Photo: Bassam Al-Zoghby)

Au fur et à mesure, le groupe, guidé par Youssef Amin, a dévelop­pé une identité qui lui est propre, dégageant un caractère national. Les oeuvres d’Al-Gazzar, exposées actuellement à Al-Massar, résument en quelque sorte ce développement. Les lignes et styles de Sleeping Nude (en stylo sur papier), Nudes, Horses & Shell (aquarelle) et de Démons (encre sur papier) marquent le pas­sage d’une tendance à l’autre. Les deux premiers tableaux sont plus représentatifs de ses débuts, avec des femmes nues, aux formes plantu­reuses, noyées dans une ambiance rêveuse, aux nuances surréalistes. Et dans le troisième tableau, l’artiste avait commencé à s’intéresser à la superstition et aux rites populaires visant à exorciser les démons. L’homme y est enfermé et n’arrive pas à passer à autre chose. Al-Gazzar s’attachait ainsi davantage à la culture égyptienne, ses oeuvres exprimaient de plus en plus les chan­gements que subit le petit peuple.

Des villageois surréalistes

Le surréalisme à l’égyptienne
La campagne égyptienne, par Mahmoud Khalil. (Photo: Bassam Al-Zoghby)

Quatre tableaux (au stylo plume sur papier) de Mahmoud Khalil révèlent le talent d’un peintre très attaché aux paysages campagnards de l’Egypte. Il y associe des corps nus et des symboles surréels. Les Musiciens surréels de Maher Raef sont en djellaba, avec des traits plu­tôt abstraits. Leurs instruments sont purement égyptiens comme le daf (tambourin) et le rebab. Samir Rafie est aussi présent, avec une seule oeuvre en aquarelle et au stylo plume, datée de 1963, Adam et Eve. (L’oeuvre est achevée plus tard à Paris en 1968). Les corps de l’homme et de la femme ne sont pas sans évoquer un rapport assez tendu. L’ensemble des oeuvres exposées raconte l’évolution du groupe artis­tique, cherchant à faire un pas en avant vers une expression plus libre, plus humaine, plus sophistiquée l

Jusqu’au 22 novembre, de 10h à 14h et de 17h à 21h (sauf le vendredi) à la galerie Al-Massar, 157b rue 26 Juillet, Zamalek.

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