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Femmes à huis clos

May Sélim, Lundi, 15 août 2016

Les deux photographes Nourhan Réfaat Maayouf et Héba Khalifa expriment leurs idées rebelles et assez féministes, à travers des photos, souvent mises en scène chez elles.

Femmes à huis clos
Héba Khalifa avec sa petite fille, photo de la série fait maison.

Qui dit photographie autobiographique, dit désormais Héba Khalifa. Cette photojournaliste, qui travaille au quotidien Al-Shorouk, a depuis toujours opté pour un art qui s’éloigne de la couverture directe des événements. Elle essaie d’aller au-delà des faits de l’actualité et parfois même de dévoiler ses propres émotions. Dans ses expositions, elle va jusqu’à partager son monde intérieur, préparant des mises en scène chez elle et à huis clos, comme elle l’a fait pour la photo exposée actuellement à Haïfa en Palestine, avec 8 autres artistes arabes, intitulée Breath (respiration). Il s’agit d’une photo de la série qu’elle a intitulée Homemade (fait maison), assez représentative de son univers artistique.

Ce projet, qui lui a valu la bourse d’Afaq-Magnum (Fonds arabe pour les arts et la culture), comprend 20 photos montées et agencées par Khalifa chez elle, consultables également sur la toile. La photo exposée actuellement à Haïfa montre une jeune fille, aux formes généreuses, allongée sur un sofa sobre. Elle cache son corps, par le biais d’un mannequin plein d’épingles. Tout autour, le mur est décoré par des papiers jaunissants, des soutiens-gorge transparents et les logos de Facebook.

Héba Khalifa réclame la liberté de la femme haut et fort. Elle l’invite à s’exprimer, à s’accepter, à aimer son corps, loin du poids de la société. Elle commente sa photo, en disant : « Les nouvelles technologies nous donnent une plus grande liberté. Une jeune fille, acceptant mieux son propre corps, peut se permettre de se confier à une autre, d’un continent à l’autre ».

Des autoportraits
Parfois accompagnée de sa fille, Ward, la photographe pose devant sa propre caméra. Toutes les deux se prêtent à des acrobaties ou des pitreries.

Khalifa dévoile son côté mère seule, son statut de femme divorcée qui a appris à affronter la société et à faire fi des moeurs. Elle met souvent en scène un quotidien surchargé de détails et de contraintes, avec des femmes qui luttent contre vents et marées. Diplômée des beaux-arts, section décor d’intérieur, ses études marquent son travail photographique. « Etre photojournaliste m’a permis de toucher de près aux maux des gens et de partager leurs soucis. La photographe Randa Shaath, qui m’a embauchée à Al-Shorouk, m’a beaucoup encouragée à m’exprimer librement. Je lui dois beaucoup. Désormais, ma vision artistique s’impose librement », poursuit-elle. Dans une série antérieure intitulée Al-Midan (la place), Khalifa a mêlé photographie et dessin, afin de partager ses souvenirs et ses émotions, liés à la révolution du 25 janvier 2011.

Depuis, elle s’extériorise beaucoup plus sur ses photos et ose exposer ses conflits intérieurs. Ses mises en scène accentuent l’idée de l’absurdité du quotidien. Elle part de sa propre histoire, pour ensuite évoquer celles des autres femmes, comme dans la série From the Inside (de l’intérieur). On y retrouve par exemple une photo d’elle, avec des plantes vertes sur la tête : des idées qui germent, qui poussent en toute liberté, sans toit ni loi. « Mes photos se veulent toujours provocatrices. Il faut du courage pour dévoiler nos peines. Et ce genre de photo me permet de faire face à moi-même et aux autres, afin de mieux avancer dans la vie », estime la photographe qui se confie : « L’art est mon refuge et mon soulagement. Mettre en scène des idées rebelles me permet de respirer ».

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