
Le Chanteur, en peinture et en sculpture.
(Photo:Bassam Al-Zoghby)
Depuis décembre 2000, Salah Anani n’avait pas tenu d’exposition personnelle. Aujourd’hui, il expose à la galerie Al-Massar, et nous revient enfin observateur de l’actualité sociopolitique du pays, réunissant des scènes quotidiennes sur ses toiles aussi bien que dans ses sculptures. Il présente 37 oeuvres réalisées entre 1995 et 2016, sous le titre de Résurrection. De quoi suggérer son retour au monde des galeries, toujours sur un ton fort expressionniste.
Les toiles et les sculptures récentes de Anani sont plus mouvementées. Les corps sont plus crispés, musclés et entrelacés. Ses oeuvres ne s’éloignent pas de son monde favori : la ruelle égyptienne. Mais cette fois, c’est une ruelle plus étroite et plus peuplée que l’on retrouve. « L’idée de la résurrection remonte aux Anciens Egyptiens. Elle a donné sens à leur existence. Pour moi, l’idée ne se limite pas au fait que l’âme quitte le corps et ensuite le retrouve, mais comporte aussi une connotation morale beaucoup plus importante, résumant la nature et le cycle de la vie lui-même. Les pharaons ont excellé dans la peinture murale et la sculpture colorée. A chaque fois que leurs oeuvres palissaient, ils les repeignaient et les recoloraient, comme pour les ressusciter. Aujourd’hui, nous sommes dans un état de confusion et de distorsion que l’on n’a jamais connu auparavant. C’est pourquoi on a besoin d’une résurrection », estime Anani, dans le catalogue de l’exposition.
L’espoir, malgré tout
Les couleurs criardes et gaies constituent un souffle de vie. Les traits des personnages ressemblent réellement aux petites gens que l’on côtoie au jour le jour. Impossible de trouver une oeuvre qui rompt avec la réalité du quotidien. Malgré leur air maussade, les protagonistes des toiles La Gare Centrale, Le Fonctionnaire, Al-Ghouriya et Les Voisins de Dongol ont quelque chose de caricaturale, de comique. Ils sèment l’espoir à tout va et proposent des perspectives nouvelles.
Dans Al-Acheq (l’amant), les couleurs s’avèrent encore plus éblouissantes. C’est un personnage heureux, arborant un grand sourire et fumant son narguilé.
Résurrection est plutôt un baiser chaleureux entre un homme et une femme. Le couple reprend vie en s’embrassant, surmontant la dimension de leurs corps aux formes cubiques.
Le tableau représentant La Révolution a été retouché plusieurs fois par l’artiste durant l’année 2011. Anani y a reproduit, à sa manière, tous les événements survenus à l’époque : les manifestations, les attaques contre les révolutionnaires, le drapeau égyptien, les slogans affichés, l’émotion des jeunes ...
Le Tribunal montre une scène d’actualité. On y voit les regards des avocats, ceux des juges, des magistrats et de l’accusé. Dans un sens de lecture verticale, le tableau propose une hiérarchie juridique frustrante où l’accusé semble condamné à l’avance.
On retrouve certains personnages présents sur les peintures à l’huile, dans les sculptures en bronze. C’est le cas de Le Chanteur qui revêt l’aspect d’un pauvre artiste qui chante l’amour, malgré sa détresse.
Anani nous propose ainsi un voyage dans la ruelle égyptienne, parsemée d’antennes paraboliques, à l’aide d’une palette riche et un trait sensible qui s’accrochent à la vie l
Jusqu’au 5 juin, tous les jours de 10h30 à 21h à la galerie Al-Massar. 157 b, de la rue 26 Juillet, Zamalek.Tél. : 27368537.
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