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Anna Antsalo : Le temps qui passe nous vole le passé, mais aussi l’avenir

Yasser Moheb, Lundi, 07 mars 2016

Projeté la semaine dernière à l’occasion du Festival international du film des femmes au Caire, le documentaire finlandais Momentum relate la relation entre deux mondes : celui des malades et celui d’horlogers, et la notion du temps. Entretien avec la réalisatrice du film Anna Antsalo.

Anna Antsalo

Al-ahram hebdo : Comment est né le projet du film Momentum ?
Anna Antsalo : Par pur hasard. Un jour, j’ai rencontré une personne laquelle m’a raconté l’histoire de sa course contre la maladie et contre le temps pour sauver sa propre vie. Cette idée de concevoir le temps autrement m’a beaucoup attirée, j’ai décidé alors de faire un film sur la notion du temps, ou plutôt comment le temps peut être une lame à double tranchant : ou on l’apprivoise, ou il nous tue. Il peut nous voler le passé, mais aussi l’avenir. Gagner du temps s’avère indispensable pour un malade du cancer en attente d’être opéré, dans ce cas perdre du temps signifie la mort. Quelqu’un d’autre m’a parlé de Locle, cette commune suisse du canton de Neuchâtel, connue comme le coeur de l’industrie horlogère. Donc, j’ai pensé à tourner un film sur la relation qu’entretiennent de différents types de personnes avec le temps.

— Quelle a été la durée de ce projet ?
— La préparation du scénario a débuté il y a deux ans, mais on a commencé à tourner l’année dernière. Je suis partie à Locle, afin de rencontrer certains horlogers. Là-bas, j’ai rencontré par hasard la mère d’Issa, cet enfant finlandais qui a un problème cardiaque. Elle luttait contre le temps pour pouvoir opérer son petit et lui sauver la vie. J’ai lu ses billets, écrits sur Internet, et j’ai voulu absolument la rencontrer. Mais on était pressé à cause de la date décidée par les chirurgiens pour l’intervention chirurgicale sur l’enfant malade. Après le voyage entre la Suisse et la Finlande, l’écriture, le tournage et le montage ont été faits presque en même temps.

— Un parallèle se dresse tout au long du film entre les vieux horlogers et le petit enfant et sa mère toute jeune. Vous avez fait exprès de vous focaliser sur le rythme de vie différent des différentes générations ?
— Le film parle essentiellement du temps qui passe, et qui continuera à passer. Quand on entre dans l’univers d’un film, on fait un mélange entre ce qu’on pense de ces personnages, ce qu’il y a dans les scènes, mais qui n’est pas raconté à travers des dialogues, et ce qu’on a connu soi-même. C’est pourquoi j’ai préféré construire mon oeuvre à travers des niveaux d’idées, ou plutôt certains vides que le spectateur lui-même est censé combler. On voit les deux mondes, celui des horlogers et celui des patients, mais il y a aussi ce qui se passe entre les deux, ce qu’on ne voit pas et qui est aussi important. De quoi aider le spectateur à se frayer une voie dans le film. Il se pose des questions, se trouve dans l’obligation de saisir les diverses significations du scénario et parvient à trouver les réponses. Mais rien n’est dit de manière directe.

— Parler du temps à travers un court documentaire, a-t-il nécessité une technique particulière, au niveau du tournage et du montage ?
— Tout à fait. J’ai voulu des cadres très simples mais bien travaillés, une ligne claire dans la narration du film pour que l’histoire soit très lisible, et que les protagonistes aient leur espace pour le jeu. Et ce, tout en mettant en valeur les symboles du temps qui passe, que ce soit à travers la musique tirée parfois du bruit sonore des pendules des horloges ou des sonorités de la salle d’opérations. Je voulais que les visages des héros soient naturels, sans maquillage ni effet de contre-jour, pour qu’on voie le relief de la peau. Quant au travail de montage, il a consisté à me débarrasser du superflu, de tout ce qui pourrait détourner l’attention et donner moins de force à la relation des personnages avec le temps. Au fur et à mesure, j’ai compris que plus on est focalisé sur l’horloger qui répare l’appareil du temps et sur l’histoire de l’enfant qui espère continuer à vivre, plus le film tenait, et moins on avait besoin de massacrer l’oeuvre par le montage. Pour moi, l’essentiel était de dire pourquoi on s’attache à un but, à un lieu, ou à un moment de son histoire. Et pourquoi on est incapable parfois de voir que tout bouge autour de nous, et pourquoi on essaie tout le temps de se rattraper. Momentum pose toutes ces questions. C’est un film qui parle de la vie.

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