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Juste des couleurs pour aller vers l’Autre

Najet Belhatem, Mardi, 21 avril 2015

Après une escale à Paris, l’exposition Bridge, de la fondation Caravan Art, s’est installée au Caire avec pour mission de construire des ponts entre les religions et les cultures. Balade.

Juste des couleurs pour aller vers l’Autre
Filles aux tresses de Mona Al-Bayoumi.

L’idée de répondre à la haine, aux tensions entre les religions, par l’art peut paraître dérisoire vu l’état des choses en ce bas-monde. Mais un proverbe égyptien ne dit-il pas « Dieu peut mettre son secret dans la plus faible de ses créatures » ? Pour dire qu’il ne faut surtout pas sous-estimer les petites choses. Faire passer un message de tolérance via l’art : voilà justement l’objectif premier de la fondation Caravan Art qui, année après année, consolide sa vision. Cette année, son exposition annuelle s’inscrit sous le titre Bridge, pour signifier encore une fois l’importance de construire des ponts entre les cultures et les peuples au-delà de leurs diffé­rences. Elle a d’abord été tenue à Paris en février dernier, juste après les attentats de Charlie Hebdo à l’église de Saint-Germain-des-Prés. L’exposition intinérante devait ensuite s’instal­ler à Londres, « mais on a décidé à la dernière minute de passer par Le Caire », fait remarquer le révérend Paul Gordon Chandler, fondateur de Caravan.

L’exposition réunit les oeuvres de peintures de 47 artistes musulmans, chrétiens et juifs de par le monde autour de ce thème de pont entre cultures et religions. Chaque artiste a interprété le thème selon son inspiration. Celle du Français Marc Goldtain l’a guidé vers le baiser entre un homme et une femme aux cheveux grisonnants. Une oeuvre pleine de force et de douceur. « Symboliquement un baiser est un pont entre deux personnes … Il relie — comme la reli­gion — par sa propre nature », explique-t-il sur une pancarte sous son tableau. Dans sa toile, le peintre égyptien Mohamad Aboul-Naga dresse les traits d’une femme au visage flou qui baigne dans une ambiance rouge. Pour lui, une manière de dialoguer avec un orientalisme qui, au-delà de la réalité du Moyen-Orient, a développé sa vision de la réalité.

L’Egypto-Américaine Mona Al-Bayoumi met en scène de jeunes filles qui ont l’air de sortir de la campagne égyptienne et dont les longues tresses s’entremêlent pour créer un pont d’éner­gie positive. Justement, la présence féminine est très omniprésente dans les 47 tableaux. Naglaa Qamir, usant de peinture et photographie, met en valeur un ventre de femme enceinte entouré de plusieurs mains protectrices, comme une huma­nité unie pour sauver son avenir. Chez l’Iraqien Qais Al-Sindi, c’est l’ébauche d’une femme dont on discerne le sein, « c’est une femme qui porte ses bagages et affaires personnelles et s’apprête à monter un pont très abrupt au bout duquel l’attendent d’autres personnes qui elles aussi vont à sa rencontre ». Pour le peintre, un pont n’a de fonction que s’il est utilisé dans les deux sens, pour permettre une rencontre.

Réda Abdel-Rahmane a mis en action deux femmes aux ombres pharaoniques, son thème favori, pour prôner l’amour entre Occident et Orient, un amour qui devrait, selon lui, couler tranquillement comme le Nil. La femme aux traits faits de patchwork de la Jordanienne Hilda Hiary tient entre deux doigts une ligne droite, symbole, selon elle, de la manière dont son peuple a été habitué à respecter toutes les reli­gions ... avant que les choses ne deviennent plus compliquées. Le Néerlandais Ronen Siman Tov a choisi, lui, de peindre le corps d’un prophète en posture de recevoir la révélation dans une relation entre Ciel et Terre et entre les gens dans un souci de réunir.

La fondation Caravan Art en est à la troisième exposition itinérante. La première tenue en Egypte en 2013, En paix et avec compassion, a mis en scène 90 ânes de taille réelle en fibre de glace, que 45 artistes de plusieurs nationalités ont revêtus de leur vision artistique. Amen, une prière pour le monde que Caravan récidive, avec des corps humains toujours en fibre de glace dans des postures de prière.

Cette troisième et dernière exposition est moins imposante, avec juste des tableaux, mais elle tombe à un moment où les tensions, le racisme dans le Moyen-Orient et dans le monde font de plus en plus la une. Après Le Caire, elle installera ses quartiers à Londres, puis à Barcelone, New York et San Francisco .

Jusqu’au 30 avril, au Westown HUB, SODIC West (le km 38, route Le Caire-Alexandrie, Cheikh Zayed)

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