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Les limites de la consultation à distance

May Atta, Lundi, 08 juin 2020

Avec la propagation du Covid-19, les patients, réticents à consulter de peur d’attraper le virus, ont découvert la téléconsultation. Les médecins s’y sont prêtés volontiers, mais non sans réserves.

Les limites de la consultation à distance

Destinée initialement aux habitants privés d’établissements médicaux près de chez eux, la téléconsultation est devenue au temps du coronavirus un moyen d’éviter les heures d’attente dans les cliniques et les cabinets au milieu d’autres patients. Consulter son médecin par visioconférence n’est pourtant pas une nouveauté. Déjà en 2016, la faculté de médecine de l’Université de Aïn-Chams rendait disponible la téléconsultation avec deux cliniques virtuelles, celles de la neurologie et de la gériatrie. « Nous avons commencé avec ces deux spécialités parce qu’elles étaient quasi inexistantes dans les villages », explique Dr Hoda Farid, professeure de gérontologie et directrice de ce programme de téléconsultation gratuite. Aujourd’hui, celui-ci inclut une douzaine de spécialités en plus des consultations relatives au coronavirus. « Nous essayons de développer cette plateforme en l’enrichissant d’une base de données digitalisée de tous les patients en se basant sur les détails de leurs consultations téléphoniques et des protocoles de traitements qui leurs sont prescrits », explique-t-elle. « En règle générale, une première visite chez le médecin est indispensable, mais avec la propagation du virus, nous n’insistons pas là-dessus », ajoute-t-elle.

Sur les réseaux sociaux, nombreux sont les médecins qui ont posté leur numéro de téléphone, proposant des consultations vidéo gratuites. Mais avec les initiatives bénévoles sont apparues des cliniques virtuelles proposant un service payant, avec l’option de mettre les patients en contact avec des « experts étrangers ». L’absence de lois réglementant ce phénomène a suscité l’inquiétude de certains médecins qui craignent une exploitation de la peur des patients, mais surtout une « confiance outre-mesure » dans une technologie qui, la plupart du temps, ne saurait remplacer une consultation présentielle.

Chirurgien orthopédiste, Dr Khaled Youssef explique que la téléconsultation a ses avantages et ses inconvénients. Or, selon lui, en l’absence de lois réglementaires, « ses inconvénients sont plus nombreux que ses avantages ».

« La téléconsultation devrait être limitée au suivi du patient, un patient qui a déjà vu son médecin et effectué un examen clinique. Par la suite, à travers une visioconférence, le médecin pourrait assurer le suivi et, le cas échéant, recommander une autre visite», assure-t-il. Et d’ajouter: « Certains médecins se contentent de voir les radiographies pour faire un diagnostic. Or, l’imagerie ne doit pas dispenser d’un examen clinique complet ».

Dr Youssef estime qu’à part les consultations psychologiques et, dans une certaine mesure, dermatologiques, les consultations en ligne doivent se limiter à des conseils généraux, en attendant que le patient puisse voir son médecin.

Dr Oussama Taha, professeur d’oncologie à l’Université du Caire, est du même avis. « En ce qui concerne l’oncologie, la téléconsultation n’est recommandée que dans les cas relativement stables, mais lorsque le médecin demande une nouvelle radiographie ou des tests cliniques, il doit revoir le patient », confirme-t-il.

« Je me contente de donner des conseils, prescrire des vitamines, mais j’ai expliqué à mes patientes les limites de la téléconsultation », renchérit Dr Mahmoud Soliman, professeur de gynécologie à l’Université du Caire. « Une femme enceinte qui a une hypertension, une hémorragie, ou qui ne sent pas le bébé bouger, doit aller voir son gynécologue ou se diriger directement à l’hôpital », insiste-t-il.

Mais quel que soit leur enthousiasme quant à l’apport de la technologie, les médecins interviewés sont tous d’accord sur la nécessité de l’encadrement légal de cette pratique pour la protection des patients .

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